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» Avant d’avoir appris à supporter le fardeau d’autrui, nous avons appris à ne pas multiplier ce fardeau. Nous nous sommes efforcés de ne pas accroître par aucune de nos actions la somme des peines de toute la planète et nous avons conçu une dialectique de la vie beaucoup plus complexe et difficile que tous les casse-tête posés par les créateurs de théories scientifiques et de nouveaux chemins de l’art.

» L’homme est ce qu’il y a de plus difficile dans la vie, car il est issu d’une nature sauvage sans être prédestiné à la vie qu’il doit mener, selon la force de sa pensée et la noblesse de ses sentiments.

» Vous n’avez pas encore de culture profonde, d’harmonie entre activité et mode de vie, entre morale et métier, pas même dans la science physico-mathématique, considérée ici comme le sommet de la culture de Ian-Iah…

— Et chez vous sur Terre, ce n’est pas le sommet ?

— Non. Chez nous, le sommet est l’histoire où convergent tous les systèmes de connaissances.

Le président de l’Assemblée se leva à nouveau :

— La tournure qu’a prise notre conversation est-elle vraiment intéressante pour la fine fleur des savants de Ian-Iah réunis ici ?

Vir Norine vit qu’on ne l’avait pas compris.

— Familiarisez-nous plutôt avec les représentations terrestres de la structure de l’univers, proposa un homme appartenant à l’ordre « Serpent et Planète », et ayant plusieurs lentilles vertes au-dessus des yeux.

Vir Norine acquiesça au désir de ses auditeurs.

Il parla de la structure spiralo-hélicoïdale de l’univers, des mondes de Shakti et de Tamas, des structures complexes des champs de force du cosmos, soumises à la loi des structures en ellipsoïdes à cinq axes, de la triple nature des ondes de développement – petites et grandes – du calcul des probabilités spiralo-asymétrique et non linéaire-symétrique qui, utilisé dans la science de Ian-Iah, ne permet pas d’issue sans l’existence d’un être supérieur. Vir Norine parla de la victoire sur l’espace et le temps après la résolution des énigmes posées par les masses limites des étoiles, grâce à des sommités comme Chandrasekhar et Swarzschild, que les savants de Ian-Iah et de la Terre connaissaient depuis longtemps, et surtout après la correction de l’erreur du diagramme de Kruskal qui mit fin à la représentation d’un anti-monde totalement symétrique à notre monde. Entre Shakti et Tamas, il y a une asymétrie de poussée hélicoïdale, et l’explosion des quasars ne reflète pas obligatoirement le collapsus des étoiles dans Tamas.

Le plus difficile a été de vaincre la représentation d’un univers refermé sur lui-même, dans le circuit temporel, à l’existence éternelle et infinie. Les formules mathématiques comme celles du groupe de transformation de Lorentz n’ont rien simplifié, mais n’ont fait qu’embrouiller le problème, car la pensée de l’homme n’a pu dépasser tous ces systèmes, ces cercles, ces circuits temporels « refermés sur eux-mêmes » qui ne sont que le reflet du chaos de l’expérience sans issue de l’inferno. Ce n’est que lorsque l’homme put dépasser les cercles infernaux et qu’il comprit qu’il ne s’agissait pas d’enfermement, mais d’une hélicoïde se déroulant indéfiniment, qu’il déploya alors – selon l’expression d’un sage hindou – ses ailes de cygne sur la course agitée du temps au-dessus du lac saphir de l’éternité.

— … C’est alors, et alors seulement, que nous avons acquis ces facilités de prévoir l’avenir et d’exercer une influence psychique qui vous étonnent ; c’est alors que nous avons inventé les Astronefs à Rayon Direct, une fois que la structure anisotrope de l’univers a été comprise.

» Les astronefs à Rayon Direct se déplacent sur les axes des hélicoïdes au lieu de dévider indéfiniment une longue spirale. Mais l’imagination du savant, basée sur les méthodes logico-linéaires d’étude du monde, ressemblent à cette spirale qui se dévide sans pouvoir surmonter l’obstacle de Tamas. Ce n’est que très jeune, avant d’être conditionné par un système d’opinions bien ancrées, que l’homme découvre en lui les facultés du Rayon Direct, considérées auparavant comme surnaturelles : clairvoyance, télé-acceptation, télécinèse, faculté de choisir, parmi des futurs possibles, celui qui s’accomplira. Nous nous efforçons, sur Terre, de développer ces facultés à l’âge où n’entre pas encore en action l’énergie qui conditionne le plus l’organisme, la kundalini, énergie de maturité sexuelle.

» À cette loi générale est soumis inévitablement le développement de la vie – quelles que soient les époques – qui conduit à l’explosion de la pensée. Il est donc indispensable que le milieu intérieur de l’organisme et la faculté d’accumuler et de conserver l’information soient constants, c’est-à-dire qu’ils soient indépendants des conditions antérieures d’existence – du moins dans la mesure du possible – puisque l’indépendance totale ne peut être atteinte.

» Pour obtenir un être doué de pensée, la spirale ascendante de l’évolution s’enroule d’autant plus difficilement que le couloir des conditions possibles se fait plus étroit. On obtient des organismes complexes, ayant une grande ressemblance entre eux, même s’ils apparaissent à différents points de l’espace. Tout organisme doué de pensée apparaît en tant qu’individu d’une façon brutale et certaine, ce qui le différencie de tout membre à part entière d’une société au niveau pré-pensant de son développement fourmi, termite et autres animaux prédisposés à la vie collective, par exemple. Les qualités d’un individu doué de pensée sont, à un certain degré, antagonistes des besoins sociaux de l’humanité. Que nous le voulions ou non, c’est ainsi que cela s’est passé pour l’homme de la Terre, et il en a été, par conséquent, de même pour vous. Cela n’est pas en faveur de l’éradication de l’inferno, mais nous en avons conclu que l’enroulement futur dont nous sommes déjà conscients maintenant, était absolument nécessaire pour limiter la dispersion individuelle des sentiments et des aspirations, c’est-à-dire qu’une discipline extérieure était absolument nécessaire, comme pôle dialectique de la liberté intérieure. Ce qui explique le sérieux, la sévérité de l’art et de la science qui sont les traits distinctifs des gens et des sociétés de la catégorie supérieure, des sociétés communistes.

» Si la spirale de la société, au lieu de s’enrouler, se disperse et se déroule, une quantité de caractères anarchiques apparaît (surtout dans des conditions de vie facile), il s’ensuit, par conséquent, une dispersion de la création : images, formes, mots disloqués. Selon la grandeur et la durée de l’épanouissement de ce genre d’œuvres, on peut établir les périodes de décadence de la société : époques peuplées de gens indisciplinés et incohérents. La science de Ian-Iah présente un caractère particulièrement incohérent qui l’empêche de trouver la voie véritable. Les effets secondaires sans système musical harmonique, orchestré selon les besoins élémentaires de l’humanité…

Vir Norine s’arrêta, puis dit : « Excusez-moi, je ne voulais pas effleurer les questions sociales, mais, chez nous sur la Terre, on ne peut réfléchir sans penser au but essentiel : la défense de la tranquillité, de la joie et du travail créateur des gens ! »