Выбрать главу

Le plan était simple : arrêter Faï Rodis et Vir Norine et les obliger, sous la torture, à dire tout ce qu’il fallait à la télévision, puis les tuer le plus rapidement possible. Les Terriens ne se battraient pas contre toute la planète. Bien sûr, il aurait été bien d’engager l’astronef dans l’action en contraignant la souveraine des Terriens – par la torture – à donner l’ordre d’attaquer les Jardins de Tsoam et d’éliminer Tchoïo Tchagass. La puissance de l’astronef était considérable. Il ne resterait des Jardins de Tsoam qu’une fosse, dans laquelle disparaîtraient les collaborateurs les plus proches ainsi que la garde du souverain, sans parler du souverain lui-même. Alors, Ghen Shi et Ka Louf deviendraient – sans pertes superflues et sans risque – les premiers personnages de l’état, quant à Zet Oug, on verrait ! Il fallait supprimer tous les témoins, au nombre desquels cet imbécile de Tael, incapable d’être un bon espion !

— Il faudra se préoccuper à l’avenir de construire de profonds abris souterrains, car, maintenant que les astronefs de la Terre connaissent la route, ils reviendront obligatoirement ici. J’ordonnerai que tous ceux qui restent dans la capitale ne soient pas dirigés vers le Palais de la Mort Douce ou ailleurs, mais constituent une armée de travailleurs souterrains, proféra Ghen Shi.

— Très sage pensée ! dit Ka Louf dans un piaulement.

Pendant que les souverains conféraient là-haut, on avait traîné à l’étage inférieur le physicien Dou Ban-La, après l’avoir roué de coups. Mais il n’avait pas encore perdu toute combativité. Il se montra plus entêté que le traître crédule Nar Iang et les « violets » durent l’installer sur l’oumaag. Sa voix se brisa dans un cri inhumain et, le physicien céda en sanglotant. Accompagné de ses tortionnaires, il alla montrer son appareil.

Faï Rodis était descendue dans le souterrain dès le crépuscule. Il y avait ce jour-là une grande réunion commune de « Cvil » et de « Cvic » ; les premiers éléments décisifs d’une union des forces pour une opposition commune devaient y être discutés. En écoutant les orateurs, Rodis ne cessa de penser à la façon d’aider Vir Norine et sa douce fée Siou-Té. Elle ne doutait pas de la décision de tous les Conseils de la Terre. On n’enverrait pas d’expédition ici, avant que les graines semées par ceux de la « Flamme sombre » n’aient poussé, ou au pire, avant qu’il ne soit clair que l’Heure du taureau n’était pas terminée et que les démons continuaient à régner sur Tormans. Dans ce cas, il faudrait appliquer la loi du Grand Anneau sur la destruction des régimes qui, en fermant aux êtres pensants le chemin de la connaissance approfondie du monde, arrêtent leur développement et les maintiennent dans l’inferno. Personne ne doit répéter les erreurs des anciens colonisateurs de la Terre, qui se sont installés dans des pays étrangers, sans connaître l’histoire, la psychologie et les mœurs des peuplades aborigènes, surtout, lorsque ces peuples jouissaient d’une culture originale hautement développée.

Voilà une bonne idée : discuter avec Tchoïo Tchagass afin que Vir Norine reste légalement sur la planète Ian-Iah en qualité d’historien, d’observateur et de correspondant jusqu’à l’arrivée du prochain vaisseau. Ou un meilleur prétexte encore : le vaisseau imaginaire qu’elle avait « fait venir » était soi-disant retardé et Vir Norine devait rester là pour la liaison et l’atterrissage. Cela permettrait à Vir Norine de vivre tranquillement un certain temps.

De l’obscurité environnante émana une sensation de danger menaçant, qui se condensa soudain comme les nuées malfaisantes apportées par une rafale. Le psychisme fin de Rodis l’avertit. Pour la première fois depuis son arrivée sur Tormans, elle sentit qu’un danger mortel s’approchait d’elle.

Les ennemis étaient proches. Son intérêt passionné pour la réunion, ses pensées à propos de Vir Norine, avaient affaibli son flair habituel, qui l’avait avertie avec une heure ou plus de retard. Appelant Tael, Rodis lui fit part de ses craintes. L’ingénieur la regarda attentivement et un frisson lui parcourut le dos. La prudence douce et presque tendre de la femme de la Terre s’était transformée en une fermeté menaçante, en une rapidité insaisissable de mouvement et de pensée. Sa volonté – comme une corde tendue à fond – se mit à vibrer en elle et fut perceptible à son entourage.

Rodis conseilla de se séparer et d’emprunter les deux entrées : l’entrée principale et l’autre, plus éloignée. Elle observa au préalable le psychisme des participants : n’allaient-ils pas flancher ? Personne ne devait tomber entre les pattes des « violets », sinon le fil terrible de l’enquête se déviderait.

Puis, accompagnée de Tael, elle alla en hâte à l’étage au-dessus et concentra toute sa volonté à appeler Vir Norine. Les minutes s’écoulèrent sans réponse.

— Je vais essayer d’entrer en contact avec le souverain – dit-elle à Tael, au pied de l’escalier menant à sa chambre à coucher.

— Vous penser à Tchoïo Tchagass ? demanda Tael, tout essoufflé par la marche rapide.

— Oui. Il n’y a rien à faire avec les autres. Non seulement, ils sont irresponsables, mais en plus, ils sont opposés à Tchoïo Tchagass.

— Par le Grand Serpent et le Serpent-Éclair ! Tchoïo Tchagass n’est pas là, je comprends maintenant…

— Quoi ? (Rodis se souvint soudain des archives où se trouvaient les objets ramenés de la Terre).

— Il s’est absenté pour quarante-huit heures dans une résidence secrète et a délégué ses pouvoirs, comme d’habitude, à Ghen Shi.

— Ainsi, ils veulent s’emparer de nous en l’absence de Tchoïo Tchagass : nous obliger par la torture à faire quelque chose pour eux, et ensuite, nous tuer tout simplement afin que l’astronef exerce des représailles contre Tchagass, c’est sûrement ça. Tael, mon ami, sauvez Vir Norine. Prenez le SVP du sanctuaire, éloignez-vous et entrez en liaison avec Vir. Il est chez lui, je vais essayer de le réveiller, mais vous le trouverez là où il se cache. Il faut faire très vite, Tael, ne pas perdre de temps. Pour la première fois, ils vont essayer de s’emparer de moi. Plus vite ! Je l’appellerai de ma chambre.

— Et vous, Rodis ? Comment allez-vous faire ? S’ils réussissaient ?

— Mon plan est simple. Je vais me mettre à l’abri, grâce au champ de protection du SVP, en attendant d’être en contact avec l’astronef. Donnez les coordonnées du lieu situé dans le jardin abandonné, là où le disconef a atterri lors de la blessure de Tchedi. Il faut une heure et demie pour préparer un discoïde et vingt minutes de plus pour que Grif Rift arrive. La batterie du Neufpattes dure cinq heures, même en cas de tir ininterrompu. Je dispose d’une grande réserve de temps. Lorsque vous aurez joint Vir Norine, revenez avec le SVP et attendez-moi à l’entrée de la quatrième galerie. Mon SVP s’autodétruira lorsqu’il sera déchargé et j’irai en bas pendant que, pleins de rage, ils chercheront partout. N’ayez pas peur, j’orienterai l’explosion vers le haut, afin de ne pas endommager l’édifice et ne pas dévoiler l’entrée du souterrain. Elle peut encore vous servir.

— Je n’ai peur de rien, sauf… l’ingénieur réprima soudain un sanglot sur le point de lui échapper. J’ai peur pour vous, Rodis, mon étoile, mon soutien, mon amour ! Quelque chose d’incroyablement terrifiant vous menace !

Faï Rodis, elle-même, dut lutter contre l’angoisse pernicieuse qui perçait l’obscurité environnante et s’infiltrait dans son psychisme stable. Ce sentiment s’était sûrement communiqué au Tormansien.