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Et les hommes puissants – soutiens et défenseurs – avancent et referment le portail. Un dernier coup retentit dans les souterrains obscurs du temps, qui cachent aussi bien le passé que le futur… »

Tchedi coupa la traduction et, jetant un regard étonné à Faï Rodis, ajouta :

— Ils chantent que la mort est un devoir, lorsqu’on a vingt-six ans ! On accompagne ces quatre personnes au Temple de la Mort Douce.

Oubliant les convenances, Olla Dez s’écria avec indignation :

— Comment une telle société peut-elle exister ? Plus les structures sociales et la société sont élevées, plus tard l’homme atteint la maturité.

— Et c’est pourquoi, nous autres biologistes, – même à l’époque ancienne de l’EMD – avons toujours considéré que notre but essentiel est le prolongement de la vie, de la jeunesse plus exactement, dit Neïa Holly sans quitter du regard la procession de Tormansiens qui montait l’escalier.

— Chez nous, la complexité de la vie et l’étendue des informations sont telles que, jusqu’aux Exploits d’Hercule, l’homme est considéré comme un enfant. La jeunesse se prolonge pendant vingt ans encore et la maturité ne commence que vers quarante ans. Puis, nous avons devant nous soixante ans ou même un siècle de maturité, de pleine énergie, de puissance de travail et de compréhension de la vie. Au lieu de dix ou vingt ans, comme dans l’Ancien Temps. Autrefois, l’homme considérait qu’il était vieux vers quarante ans. J’aurais été vieille, dit Faï Rodis.

— Et l’homme mourait en ignorant tout de la beauté et de la variété du monde ! rappela Vir Norine, troublé. Mais en ces temps-là où 90 % des gens ne savaient même pas lire, cela n’a rien d’étonnant. Une vie longue était un fardeau et n’était tout simplement pas souhaitée. On appelait ceux qui mouraient jeunes, les aimés des dieux. Mais Tormans a une civilisation technique assez élevée. Comment peuvent-ils abattre des arbres qui n’ont pas encore donné de fruits ? C’est insensé et criminel !

— Vous oubliez, Vir, fit remarquer Rodis, que nous ne sommes en présence ni d’une société communiste, ni même d’une société socialiste, mais d’une structure de classe. À mon avis, la coutume monstrueuse de la mort précoce a un rapport direct avec la surpopulation et l’épuisement des ressources de la planète.

— Je comprends, dit Tchedi, la mort n’est pas précoce pour tous !

— Oui. Ceux qui dirigent le progrès technique doivent vivre plus longtemps, sans parler des dirigeants. Ceux qui meurent sont ceux qui ne peuvent rien donner d’autre à la société que leur propre vie et un travail physique simple, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas aptes à recevoir une instruction poussée. Dans tous les cas, Tormans est divisée en deux classes ceux qui sont instruits et ceux qui ne le sont pas ; au-dessus, se trouvent les dirigeants et quelque part, au milieu, les artistes amuseurs, embellisseurs et justificateurs.

— Eux non plus ne meurent pas à vingt-cinq ans ! s’écria Olla Dez.

— Non, bien sûr. Cependant, répondit Faï Rodis, la longévité n’est pas beaucoup plus grande pour les artistes dont on exige jeunesse et beauté.

À ce moment, on entendit au TVP de l’astronef, une musique perçante au rythme sauvage alternant avec des chants de marche, c’est-à-dire des chants qui s’accordaient avec l’allure cadencée de la foule. Les sons perçants des instruments invisibles rompirent le fil à peine perceptible de la mélodie saccadée et agitée. Le film commença.

Sur de vastes steppes à l’herbe haute, s’avançaient de lourdes voitures attelées de ruminants à cornes et à quatre pattes, semblables à certains ruminants de la Terre, mais ce n’étaient ni des antilopes ni des taureaux. Juchés sur des animaux à pattes plus longues qui faisaient penser aux cerfs, des Tormansiens hâlés – jusqu’à en être noirs – galopaient, agitant des haches ou des mécanismes analogues aux armes à feu de jadis. Les cavaliers repoussaient vaillamment une meute de carnassiers rampant aux courtes pattes, horribles serpents aux grandes gueules rétrécies sur les côtés. Parfois, ces mêmes cavaliers attaquaient les attelages, tirant en plein galop. Les escarmouches entraînaient la perte tantôt d’une caravane qui avançait dans la steppe, tantôt celle des assaillants, tantôt la perte des uns et des autres simultanément.

Les Terriens comprirent rapidement qu’ils regardaient un film sur l’installation des Tormansiens sur la planète. On ne voyait pas clairement qui étaient les bandits assaillants. On ne pouvait supposer qu’il s’agissait des aborigènes de la planète, car ils ne se distinguaient en rien des immigrants.

Des films, des mises en scène et des tableaux sur les thèmes du passé héroïque et de la conquête de la nouvelle planète, l’équipage de « La Flamme sombre » eut l’occasion d’en voir beaucoup. Luttes sauvages, courses, meurtres alternèrent avec une vision pauvre et plate de la vie spirituelle. Partout et toujours, triomphaient des jeunes gens doués des qualités particulièrement prisées dans ce monde de distractions illusoires : combativité, force, rapidité de réaction, capacité de tirer avec des armes primitives, qui avaient la forme d’un tube par lequel s’échappait un fragment pesant de métal, grâce à la force de dilatation des gaz.

Des thèmes analogues se répétèrent avec des variantes diverses et, très rapidement, les Terriens en eurent assez. Ils continuèrent pourtant à regarder les films, car des passages de la longue chronique du temps passé se trouvaient fréquemment disséminés dans le sujet le plus stupide. On voyait à travers ces vieux extraits le portrait de la vie vierge et riche de la planète non corrompue par la main de l’homme. Ainsi avait été la Terre de la préhistoire, mais avec une vie animale et végétale encore plus puissante. Le tableau désormais connu de l’histoire de la Terre, au temps de la colonisation de l’Amérique par la race blanche se répétait. À la périphérie, les pionniers libres, rétifs, refusant les lois ; dans les centres habités, les gardiens de la loi et de l’ordre public. Ensuite, le domptage des pionniers jusqu’à l’étouffement total de la société libre. Ce n’était pas en vain que la capitale de la planète s’appelait la ville du Centre de la Sagesse. Ce nom était apparu au temps des pionniers, lors de la mise en valeur de la planète Tormans.

Au début, les steppes furent plus importantes que les forêts. La nature de Tormans n’engendra pas, comme sur la Terre, d’animaux géants comme les éléphants, les rhinocéros ou les girafes. Les quadrupèdes les plus gros furent des bêtes à corne de la taille d’un taureau moyen, bêtes aujourd’hui disparues. D’énormes troupeaux d’animaux ressemblant aux taureaux ou aux antilopes avaient autrefois envahi les steppes. Les mers peu profondes, chauffées par les rayons du soleil rouge et aux algues abondantes grouillaient de poissons qui ressemblaient aux nôtres d’une façon étonnante.

L’absence de vent violent sur la planète se vérifiait par le fait que, sur les parties élevées de la bordure équatoriale, des arbres d’une taille impensable sur la Terre, avaient autrefois poussé. Dans les zones plus proches des pôles, avaient existé auparavant des marais très étendus, couverts de maquis d’arbres uniformes pareils aux taxodis, n’était la nuance brunâtre de leurs feuilles fines et étroites comme les aiguilles de conifères aplatis.

On trouvait tout cela sur Tormans ainsi qu’en témoignaient sans contestation possible les films pris autrefois. Mais maintenant, les Terriens ne voyaient partout que des champs cultivés, des surfaces infinies de buissons peu élevés, chauffés par le soleil et privés de toute autre végétation. Une poussière dense, soulevée par les vents faibles de Tormans tournoyait au-dessus de ces buissons. Les steppes arides paraissaient plus plaisantes à voir, mais, même là, l’herbe semblait rare et courte et faisait plutôt penser aux zones semi-désertiques jadis répandues sur la Terre dans les zones d’alizés.