Belliqueux, nos ancêtres…
On a longtemps cru que l’homme préhistorique, parce qu’il disposait de beaucoup d’espace et que le gibier était abondant, ne s’attaquait pas à ses semblables. On a imaginé des groupes pacifiques vivant de la cueillette, de la pêche et de la chasse dans une sorte de béatitude bienheureuse que les temps modernes auraient gâtée, que la société aurait corrompue ! Eh bien, déchantons en chœur : l’homme préhistorique, l’homme de Cro-Magnon, notre ancêtre, est aussi belliqueux que nous à travers nos siècles de guerres et de massacres. On a pu reconstituer le scénario d’attaques menées contre des groupes d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants en train de dépecer tranquillement le produit de leur chasse dans une sorte de campement. Tout le monde sans distinction est passé au fil de la pointe de silex, de la lance ou d’autres armes – des casse-tête – violemment manœuvrées. Et ce scénario se répète en de nombreux sites identifiés.
Cro-Magnon, le chimpanzé, et nous…
-15000 : camping itinérant
Reprenons la course de l’homme dans le fil des années. Situons-nous en -15000. Tiens : voici un magdalénien. Qu’est-ce qu’un magdalénien ? Un contemporain de Cro-Magnon, plus petit, descendu du nord à la poursuite de rennes, et qui s’est installé en Dordogne, notamment dans la grotte de La Madeleine près des Eysies (d’où son nom : magdalénien). Il fait en France un froid de Sibérie, il neige pendant six ou huit mois par an. L’été, le magdalénien quitte ses grottes pour aller camper, par exemple au bord de la Seine, à Montereau où, en mai 1964, on a découvert les traces du passage d’une tribu traquant le renne. Peu à peu, le climat se réchauffe, les glaciers fondent, la steppe recule et laisse place à de larges fleuves et rivières, à d’immenses forêts. Nous sommes entre -10000 et -5000. Notre Français de l’époque s’appelle l’Azilien (nom donné à partir des sites découverts au Mas-d’Azil en Ariège). Le gros gibier migre vers l’Europe du Nord. Il va falloir faire preuve d’ingéniosité pour survivre : c’est, après la fin du paléolithique, le mésolithique.
-5000 : l’économie de production
L’ingéniosité se manifeste d’abord par la création ou le perfectionnement de l’arc et de la flèche. Peu à peu, cet instrument de chasse (et de guerre…) devient aussi efficace à cinquante mètres que des plombs de chasse de 12 ou 14, traversant presque de part en part un ours, et a fortiori, un homme. Ces groupes d’archers sont accompagnés d’un animal qui s’est apprivoisé progressivement, attiré sans doute par une nourriture variée et facile contre une soumission de tout instant : le chien. Plutôt caractéristiques du mésolithique, les archers voient arriver peu à peu d’autres hommes venus de loin qui savent conserver à portée de silex des troupeaux d’animaux peu sauvages, le mouton ou le porc par exemple. Ils découvrent aussi qu’en plantant et replantant, il est possible de récolter régulièrement et de prévoir « quelques grains pour subsister jusqu’à la saison nouvelle »… La cigale qu’était le cueilleur est remplacée par la fourmi-agriculteur. Voici donc notre homme qui inaugure, vers -5 000, à la fois le néolithique, période de la « nouvelle pierre » ou « pierre polie », et l’économie de production, l’ère du rendement !
Civilisation cardiale, civilisation rubanée
Intrigants, ces deux mots : cardiale et rubanée… Voici l’explication : la création de l’agriculture, conséquence instantanée de la sédentarisation au néolithique, s’est effectuée à partir de deux axes de pénétration des influences étrangères :
On le remarque notamment sur les poteries différemment décorées :
Les villages aussi sont différents
À table !
-3000, il est midi, à peu près. On se rassemble pour le déjeuner. Que mange-t-on ? De la viande de dragon ? Des côtelettes de Léviathan ? Pas du tout, vous allez être déçu, c’est comme à la cantine : on mange du bifteck, des côtes de porc ou de mouton. On a préparé aussi du poisson, ouvert des moules et des huîtres, confectionné des crêpes et des galettes. Pour le dessert, vous avez le choix entre des fraises des bois – toutes petites encore –, des mûres, des prunes, des pommes… Attention : il va falloir faire la vaisselle après, les poteries doivent être nettoyées ! Non mais, on n’est pas des sauvages !
- 4000 : d’énormes menhirs en Bretagne
Il faut mentionner à cette époque une population étonnante située à l’extrême pointe ouest de la France, à l’emplacement actuel de la Bretagne. Qu’a-t-elle de particulier cette population ? Eh bien, il suffit de vous rendre à Locmariaquer dans le Morbihan, vous y verrez, entre autres menhirs – pierres levées –, un mastodonte de 350 tonnes ! Oui, 100 tonnes de plus que l’obélisque de la Concorde ! Et ce menhir fut dressé comme des milliers d’autres – moins lourds, il est vrai – par les ancêtres d’Astérix et d’Obélix, vers -4000. Aujourd’hui, le grand menhir est tombé, brisé en quatre morceaux, mais des champs entiers de menhirs plus modestes sont toujours debout. À quoi servaient-ils ? Sans doute à indiquer une sépulture, comme une stèle funéraire.
Le tumulus
En latin, le tumulus, c’est l’éminence, l’élévation, le tertre. C’est le nom qu’on a donné à des promontoires construits peu de temps après l’époque des menhirs et dolmens. Ces pyramides de pierre dont certaines mesurent plus de 100 mètres de long sur 60 mètres de large (tumulus Saint-Michel près de Carnac dans le Morbihan – celui de Plouezoch, près de Morlaix, fait 70 mètres) rassemblent des chambres funéraires disposées de part et d’autre de couloirs. Puisque nous venons de parler de Carnac, il faut rappeler que c’est là que se trouve la plus exceptionnelle concentration de mégalithes (grosses pierres) au monde ! Trois sites s’offrent à vous : celui de Kerlescan qui rassemble 240 menhirs ; celui de Kermario, 982, et celui du Ménec, 1 099 ! N’essayez pas d’en dresser un supplémentaire, histoire de marquer votre passage : ils sont régulièrement recomptés ; ça se verrait…