La fin de l’exode rural
En un peu plus d’un siècle, la France a vécu une mutation sans précédent. En effet, si en 1850 on compte, dans les campagnes, environ 80 % de la population totale du pays, en 1975, année où s’achève l’exode rural commencé au milieu du XIXe siècle, 80 % – parfois même 90 % – des habitants de l’Hexagone vivent dans les villes ou les zones périurbaines. L’industrialisation, la création du réseau ferré voilà 150 ans, la croissance des « Trente Glorieuses » après la Seconde Guerre mondiale, autant de raisons qui ont poussé, non seulement vers Paris, mais vers toutes les grandes villes, une grande partie de la population française. Aujourd’hui, beaucoup recherchent la maison individuelle avec le petit jardin dans un cadre préservé de la pollution des grandes cités. Ainsi s’est amorcé l’exode urbain, facilité par les moyens de transport modernes et rapides.
Giscard d’Estaing, le polytechnicien
Grande bourgeoisie, Polytechnique, ENA, combattant en Allemagne dans la 1re armée de De Lattre, croix de guerre : c’est Valéry Giscard d’Estaing. Esprit brillant à l’humour aiguisé, parfois coupant, il fait de louables efforts pour se rapprocher d’un peuple qui ne lui refuse pas sa sympathie, son image étant assouplie par les pitreries d’un Thierry Le Luron et d’un Pierre Desproges qui exacerbent dans leurs imitations ses effets de manche et de bouche…
Giscard, Mitterrand, Arlette… ?
1974, c’est la fin d’une période de trente années de croissance – 1945 à 1974 – que l’économiste Jean Fourastié appelle les « Trente Glorieuses ». Celui qui va commencer à écrire l’histoire de la période suivante – que certains historiens appellent par ironie ou dérision les trente piteuses – se trouve parmi les candidats qui se présentent à la présidence de la République le 18 avril 1974 : Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chaban-Delmas, René Dumont pour les écologistes, Alain Krivine, Arlette Laguiller pour Lutte ouvrière, et Jean-Marie Le Pen pour le Front national.
« Vous n’avez pas le monopole du cœur ! »
La société libérale avancée
Jacques Chirac devient Premier ministre de Giscard le 27 mai 1974. Le nouveau président de la République décide de réduire la distance qu’impose sa fonction dans ses relations avec les Français. Il affiche une simplicité qui devient à la fois un atout et une cible. Plus généralement, il veut « décrisper » la vie politique. Son grand projet est la « société libérale avancée ». Des réformes sont conduites à bien, des décisions sont prises : la majorité est abaissée à dix-huit ans ; le ministre de la Santé Simone Veil fait voter une loi dépénalisant l’avortement ; l’ORTF (Office de la radiodiffusion et de la télévision française) éclate en trois chaînes publiques. Cependant, les réformes économiques et sociales peinent à se mettre en place. De plus, des tensions sourdes se développent entre le président et le Premier ministre qui, le 25 août 1976, déclarant ne pas disposer des moyens nécessaires pour exercer sa fonction, démissionne.
Les trois Simone
« Il me paraît impossible d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies. » C’est Albert Camus qui l’affirme à propos de Simone Weil, née le 5 décembre 1909. Sœur du célèbre mathématicien André Weil, élève du philosophe Alain, normalienne et agrégée de philosophie, elle a laissé une œuvre considérable, bien que la tuberculose l’ait emportée à trente-quatre ans. Sa pensée tient dans la conviction qu’il faut réhabiliter le rôle de l’individu dans la société dominée par les machines et les choses. Issue d’une famille bourgeoise, elle veut connaître de l’intérieur la condition ouvrière, au point de se faire embaucher aux usines Renault en 1935. Engagée aux côtés des républicains et des anarchistes en Espagne en 1936, elle doit rentrer en France à cause d’une blessure. Pendant la guerre, elle trouve refuge aux États-Unis puis à Londres où elle ne peut s’entendre avec les gaullistes. Elle meurt le 24 août 1943, au sanatorium d’Ashford. Ses œuvres complètes sont publiées en 1988.
Simone de Beauvoir est née le 9 janvier 1908 à Paris. Agrégée de philosophie, elle a partagé la vie de Jean-Paul Sartre. Si elle partage avec lui les convictions existentialistes, elle enracine son expérience d’écriture dans le concret, dans l’autobiographie qui lui permet de conduire une réflexion directe sur le vécu. En 1949, la parution de son œuvre Le Deuxième Sexe crée une onde de choc : elle y démonte de façon énergique et engagée l’idée de la prétendue infériorité naturelle de la femme. Le Deuxième Sexe devient l’ouvrage de référence du mouvement féministe dans le monde entier. Simone de Beauvoir soutient Sartre dans ses activités politiques, voyage beaucoup, poursuit son action pour la libération de la femme. Elle est l’une des premières à prôner la libéralisation de l’avortement. Elle obtient en 1954 le prix Goncourt pour son roman Les Mandarins. Simone de Beauvoir est morte à Paris le 14 avril 1986.
Il reviendra à une autre Simone d’obtenir, en 1975, une loi sur l’interruption volontaire de grossesse : Simone Veil (avec un V, et non un W). Née le 13 juillet 1927, à Nice, Simone Jacob est arrêtée en mars 1944 par la gestapo et déportée à Auschwitz avec sa mère qui y mourra ainsi que l’une de ses sœurs. Libérée au camp de Bergen-Belsen en 1945, elle revient en France. En octobre 1946, elle épouse Antoine Veil, futur collaborateur de Michel Debré. Après une carrière dans la magistrature, Simone Veil occupe le poste de ministre de la Santé de 1974 à 1979. Elle devient ensuite la première présidente du Parlement européen, jusqu’en 1982. Ministre d’État de 1993 à 1995, elle prend en charge les Affaires sociales, la Santé et la Ville. Depuis 1998, Simone Veil est membre du Conseil constitutionnel.
Les objectifs du professeur Barre
Raymond Barre, professeur agrégé d’économie à l’Institut d’études politiques, parvient à convaincre une France qui s’ignorait dépensière qu’il faut éteindre la lumière dans les pièces inoccupées, plutôt enfiler un pull qu’augmenter le chauffage, bref, qu’il faut faire des économies. Et il y réussit !
Le pays en plans
Jacques Chirac est remplacé par Raymond Barre, professeur d’économie politique et ministre du Commerce extérieur depuis janvier 1976. Il dispose d’une importante marge de manœuvre puisque le ministère de l’Économie et des Finances lui est aussi confié. Il va conduire, à l’aide de plans successifs, une politique d’austérité visant à combattre l’inflation : blocage des prix et des salaires élevés, augmentation des impôts. L’opposition se réjouit de ces mesures autoritaires et impopulaires qui, pense-t-elle, vont lui faire gagner des électeurs. Contre toute attente, c’est le contraire qui se passe puisqu’aux élections législatives du 19 mars 1978, la majorité obtient 290 sièges et l’opposition – qui n’avait pas réussi à se mettre d’accord sur le programme commun de la gauche – 201 sièges.