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Mauvaises affaires

Laurent Fabius va être atteint de plein fouet par deux affaires qui vont hypothéquer sa carrière. La première concerne les essais nucléaires français dans le Pacifique, sur l’atoll de Mururoa : un bateau de l’organisation Greenpeace, le Rainbow Warrior, est coulé dans la rade d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, le 10 juillet 1985. Cet attentat fait un mort : le photographe Fernando Peireira.

Une enquête aboutit à la conclusion suivante : les services secrets français ont voulu retarder la venue du bateau de Greenpeace à Mururoa, lieu des essais français, en le plastiquant. Deux suspects sont arrêtés, les époux Turenge, qui se révèlent être un colonel et un capitaine de l’armée française… Le 27 août, le président Mitterrand disculpe les services secrets français. Quelques semaines plus tard, Charles Hernu, ministre de la Défense, démissionne. Enfin, le 22 septembre, le Premier ministre Laurent Fabius, face à des preuves matérielles incontestables, admet que les services secrets français ont ordonné l’attaque du Rainbow Warrior.

La deuxième affaire qui atteint Laurent Fabius est celle du sang contaminé par le virus du sida, et transfusé à des hémophiles, en toute connaissance de cause, pour des raisons financières, alors qu’il aurait fallu le retirer du circuit de distribution. Administrativement innocent pour l’affaire du sang contaminé, Laurent Fabius est parfois jugé distant de ses ministres par l’opinion qui lui accordait sa confiance (Georgina Dufoix – « responsable, mais pas coupable » – sera relaxée lors du procès de 1999, et Edmond Hervé sera condamné, mais dispensé de peine ; Laurent Fabius sera également relaxé). Après ces deux affaires, le plus jeune Premier ministre donné à la République a entamé un retour progressif à la vie politique.

Expliquer

Laurent Fabius utilise efficacement l’outil télévisuel, usant d’un langage simple, multipliant les interventions où il explique son action ; cette façon de s’adresser aux Français n’est pas sans rappeler le style des samedis soir radiophoniques de Pierre Mendès-France en 1954. Sa cote de popularité ne cesse de monter, mais, dans son parti, cette réussite n’est pas appréciée : les militants du PS lui préfèrent Michel Rocard au congrès de Toulouse en 1985, et choisissent Lionel Jospin pour conduire la campagne des élections législatives en 1986.

Première cohabitation : le libéralisme économique

À la suite des élections de 1986, la majorité de gauche et l’opposition de droite vont devoir faire chambre commune !

« Au secours, la droite revient »…

« Au secours, la droite revient. » Ce slogan lancé par la gauche avant les élections législatives du 16 mars 1986 n’a aucun effet : la droite revient effectivement, ce qui oblige le président de la République à choisir un Premier ministre qui en est issu ; la première cohabitation de la Ve République va commencer : Jacques Chirac, Premier ministre, va gouverner jusqu’aux présidentielles de 1988. Le dirigisme socialiste n’étant plus à l’ordre du jour, une série de privatisations est entamée : Havas, Matra, CGE, TF1, la Société Générale, Paribas, Suez. Ainsi est inauguré un libéralisme économique à l’anglaise qui rétablit la liberté des prix, permet de licencier sans autorisation préalable. Dans le domaine fiscal, l’impôt sur la fortune disparaît tandis que l’imposition directe entame une marche arrière.

Actions tragiques

L’année de la première cohabitation, 1986, coïncide avec une vague de terrorisme : entre le 4 et le 17 septembre, plusieurs attentats, dont le plus meurtrier a lieu rue de Rennes à Paris, coûtent la vie à onze personnes. Le 17 novembre, le PDG de Renault, George Besse, est assassiné par des membres de l’organisation Action directe. L’année se clôt sur la mort d’un étudiant, Malik Oussekine, victime d’un malaise après avoir été frappé par les CRS au cours d’une manifestation, à Paris, contre la réforme Devaquet qui veut élever les droits d’inscription à l’université. Les manifestants l’accusent de vouloir pratiquer une forme de sélection.

Les enfants d’Izieu

Le 11 mai 1987 commence le procès de Klaus Barbie, devenu après sa carrière de chef de la police nazie à Dijon pendant la guerre, agent au service des Américains pour la lutte contre l’URSS. En 1972, Beate et Serge Klarsfeld (fils d’un déporté mort à Auschwitz), les chasseurs de nazis, retrouvent sa trace en Bolivie, et le 5 février 1983 il est livré à la justice française. Barbie, c’est le responsable de nombreuses rafles de Juifs qui seront déportés, dont celle des enfants d’Izieu, dans l’Ain, le 6 avril 1944 : quarante-quatre enfants de trois à treize ans sont arrêtés avec les cinq adultes qui s’occupent d’eux. Tous sont transférés vers Drancy, puis vers les camps de la mort dont pas un ne reviendra. Barbie, c’est aussi le tortionnaire de Jean Moulin. Le 3 juillet 1987, après trente-six jours d’audience, Barbie est condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Le 25 septembre 1991, il meurt en prison à Lyon.

1988 : François Mitterrand réélu

François Mitterrand va effectuer un second mandat de sept ans. Il devient ainsi l’homme politique français ayant exercé le plus longtemps la fonction de président de la République. C’est Michel Rocard qui va devenir Premier ministre.

Rocard : l’ouverture au centre

Le premier tour des élections présidentielles a lieu le 24 avril 1988, et donne les résultats suivants : Mitterrand : 34,09 % ; Chirac : 19,94 % ; Barre : 16,54 % ; Le Pen : 14,39 % ; Lajoinie : 6,76 % ; Waechter : 3,78 % ; Juquin : 2,10 % ; Laguiller : 1,99 %. Le 8 mai, au second tour, François Mitterrand l’emporte avec 54,01 % des voix. Porté par la « génération Mitterrand », et se situant alors au-delà de la gauche, il désigne Michel Rocard comme Premier ministre, tentant ainsi une ouverture au centre – Michel Rocard a milité aux côtés de Pierre Mendès France ; il incarne une « deuxième » gauche, plutôt décentralisatrice et autogestionnaire.

Rocard : FLNKS, RCPR, RMI, CSG

Le 14 mai 1988, François Mitterrand dissout l’Assemblée nationale. Aux élections du 12 juin, les socialistes obtiennent 277 sièges, les communistes 27, l’UDF 130, et le RPR 128. Le Front national n’a plus qu’une élue : Marie-France Stirbois. Le gouvernement Rocard, après avoir apaisé la situation en Nouvelle-Calédonie – le FLNKS de Tjibaou demande l’indépendance de l’île, le RPCR de Jacques Lafleur désire qu’elle reste dans la République – s’emploie à la tâche sociale. Le RMI est créé (Revenu minimum d’Insertion) et l’impôt sur la fortune est rétabli. Un nouvel impôt fait son apparition : la CSG (Contribution Sociale Généralisée) qui s’applique à tous les revenus.

Les grands travaux

Le 4 mars 1988, le président Mitterrand inaugure la pyramide du Louvre. L’architecte chinois, naturalisé américain, Ieoh Ming Pei a imaginé cette construction de verre qui semble négocier quotidiennement son intégration à un environnement d’une autre époque – et l’obtenir sans mal dans les effets du couchant qui confond les formes. D’autres constructions marquent les deux septennats de François Mitterrand : le Bibliothèque nationale de France qui porte son nom, l’opéra Bastille – inauguré le 13 juillet 1989 –, l’Arche de la Défense, le Grand Louvre, l’Institut du monde arabe, la Cité de la musique. La série des « grands travaux » s’est interrompue en 1995.