« Bois ton sang, Beaumanoir ! »
Beaumanoir doit s’interrompre : il a tant reçu de coups de toutes sortes qu’il va s’asseoir sous le chêne. Le sang lui coule dans la bouche. Il demande à boire. Un de ses adversaires passant par là lui répond : « Bois ton sang, Beaumanoir ! La soif te passera ! » Le combat se poursuit, violent, acharné. La situation est indécise. Guillaume de Montauban, fidèle de Beaumanoir, va dénouer la situation : il enfourche son cheval et bouscule les Anglais qui s’étaient formés en carré. Les Bretons s’engouffrent dans la brèche, et se battent avec une ardeur telle que leurs ennemis se rendent. Ils sont emmenés prisonniers à Josselin où les vainqueurs sont accueillis en héros. Bien des années plus tard, un vieux chevalier vint s’asseoir à la table du roi de France; son visage couturé de cicatrices témoignait de sa bravoure. Ce chevalier qu’avait invité le roi Charles V, fasciné par l’exploit breton, s’appelait Even Charuel de Plouigneau : c’était un survivant du combat des Trente.
Une affaire criminelle : Gilles de Rais, 1437
Jamais sans doute il n’exista pire meurtrier que Gilles de Rais. Ses crimes dépassent l’imagination et remplissent d’horreur ! Des petits pâtres, des enfants insouciants que leurs parents, paysans, cherchent des jours et des nuits, et ne reverront jamais. Des centaines de disparitions signalées dans les forêts de Machecoul, de Tiffauges. Jusqu’au jour où…
Le seigneur de Tiffauges
Gilles de Rais. Un nom à faire frémir ! Et pourtant, ce compagnon de Jeanne d’Arc, présent à Orléans et au sacre de Reims, fait maréchal de France par Charles VII, s’est distingué par une carrière militaire exemplaire. Lorsque Jeanne est brûlée vive, Gilles retourne dans ses terres vendéennes, au château de Tiffauges. Gilles de Rais est né à Champtocé, en Anjou, à l’automne 1404. C’est l’arrière-petit-neveu de Bertrand du Guesclin, il appartient à l’une des familles les plus puissantes du royaume. Son père, Guy de Laval, étant mort le 28 septembre 1415, son grand-père Jean de Craon, un homme taciturne et cruel, va se charger de son éducation.
Jeannot Roussin, 9 ans, Perrot Dagaye, 10 ans…
C’est à la mort de ce grand-père détesté en 1432 que les crimes de Gilles de Rais vont commencer. À la tête d’une petite troupe de rabatteurs et d’assassins, il va tuer des enfants et des adolescents dans ses quatre résidences : Tiffauges, la maison de Suze à Nantes, Champtocé et Machecoul. Dans les campagnes, les paysans ne cessent de signaler la disparition de leurs enfants : Jeannot Roussin, 9 ans, Jean Degrepie, 12 ans, Jean Hubert, 14 ans, Jean Fougère, 12 ans, Perrot Dagaye, 10 ans… La liste, si elle était complète, comporterait plus de 800 noms !
Une longue cape noire
Chaque fois la présence d’un personnage vêtu d’une longue cape noire et le visage couvert d’un voile est évoquée. Il s’agit de Gilles de Sillé, compagnon de Gilles de Rais, et qui se charge de la plupart des enlèvements. Les enfants sont emmenés alors qu’ils gardent leurs bêtes, ramassent du bois en forêt ou demandent l’aumône. Ils sont alors livrés au monstre dans une salle d’une de ses quatre résidences. C’est lui-même qui les suspend à des crochets de fer, leur inflige d’inimaginables tortures avant de prendre plaisir à les voir mourir, d’en rire, et de démembrer ensuite les corps, exposant les entrailles, conservant les plus belles têtes qu’il se plaît à contempler. Il est aidé dans ses abominables besognes par un certain Poitou, engagé en 1437, et qui égorge souvent les victimes, par Henriet Griard, un Parisien, Eustache Blanchet, le sorcier Prelati.
Dans l’église, la hache à la main
Dans le même temps, Gilles de Rais dépense sa fortune, s’adonne à la magie noire, à l’alchimie. Le 15 mai 1440, à peu près ruiné, il entre de force dans l’église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte, brandissant une hache, il injurie l’officiant à qui il a vendu sa châtellenie, puis il se retranche à Tiffauges. Cette fois c’en est trop : Gilles de Rais est arrêté le 14 septembre 1440. Son procès a lieu à Nantes, les débats sont conduits par l’évêque de Nantes, Jean de Malestroit. Dans les premiers jours, l’accusé se montre arrogant, insulte ses juges, mais à partir du 15 octobre, il reconnaît la compétence du tribunal, devient coopérant, implore le pardon de Dieu et s’excuse auprès des parents des enfants torturés.
Pendu, brûlé, avant un mausolée…
Le 23 octobre, il est condamné à mort. Il a avoué tous ses crimes face à la foule, s’accusant, se condamnant lui-même avec une telle éloquence qu’il lui en tire des larmes ! Il a obtenu d’être exécuté avant ses compagnons. Le 26 octobre 1440, à neuf heures du matin, après la messe, l’évêque de Nantes sort de la cathédrale, suivi des chanoines du chapitre, du duc de Bretagne et des représentants de la ville. Les condamnés marchent vers leur supplice, dans ce lent cortège, jusqu’aux prairies de Biesse, au-delà des ponts de Nantes. Dans un dernier discours, l’assassin implore son pardon. Il est pendu, puis livré aux flammes du bûcher. Ses restes sont déposés en l’église Notre-Dame du Carmel à Nantes. Un mausolée lui est construit ! Mausolée qui sera réduit en poussière par les révolutionnaires, en 1789.
L’affaire des possédées de Loudun, 1642
Branle-bas au couvent des ursulines, à Loudun : une mystérieuse silhouette a été aperçue dans la nuit et dans les couloirs…
Il est grand, il est beau, Urbain
Il est grand, il est beau, Urbain Grandier, il est intelligent, il est curé de l’église Saint-Pierre-du-Marché à Loudun. Lorsqu’il monte en chaire, les paroissiennes se pâment de plaisir, en silence, il est si éloquent, si raffiné ! Et puis, peut-être qu’elles vont avoir la chance de séduire cet ecclésiastique qui n’en est pas moins homme et considère comme un vivier ce parterre de paroissiennes dont il use et parfois abuse au point qu’il connaît à plusieurs reprises la prison. Dix-sept ursulines vivent dans le couvent de Loudun. Une nuit, l’une des sœurs voit le fantôme d’un homme qui court dans les couloirs. C’est sans doute leur aumônier qui a été emporté par la peste quelques mois plus tôt – à moins que ce soit Urbain Grandier qui galope à son rendez-vous secret dans la cellule d’une nonne…
Les oiseaux se cachent pour mourir
Bientôt, le bruit se répand : les religieuses sont possédées du démon. Et l’une d’elles lâche un nom : Urbain Grandier. Il s’est livré auprès d’elles à des séances d’exorcisme qui ont semble-t-il manqué d’efficacité. Il est arrêté pour sorcellerie. Son procès commence le 8 juillet 1634. Condamné à mort, il est torturé puis brûlé sur la place du marché. Son souvenir va continuer d’agiter les nuits des religieuses et des femmes en fantasmes pendant deux années encore. Urbain Grandier quant à lui va se débrouiller pour effectuer régulièrement des excursions dans le visible. On le voit ainsi dans Léon Morin, prêtre, Les oiseaux se cachent pour mourir, avec, auprès des paroissiennes, un succès qui ne se dément pas…
L’affaire des poisons, 1675