Le jour où Louis XIV voit la liste de ceux qui sont compromis dans l’affaire des poisons, il pâlit, ne dit pas un mot ! Plusieurs de ses proches – et même très proches… – sont mentionnés dans les listes que son lieutenant de police vient de lui apporter. L’affaire des poisons est en route…
« La Brinvilliers est en l’air ! »
Le 25 mars 1675 est arrêtée, à Liège où elle était en fuite, la marquise de Brinvilliers, recherchée depuis trois ans par les hommes du lieutenant de police royale La Reynie. Qui est la marquise de Brinvilliers ? Elle est née Marie-Madeleine d’Aubray, c’est la fille d’un conseiller d’État. Charmante, gracieuse, avec de grands yeux bleus, elle est mariée au marquis de Brinvilliers. On l’arrête parce qu’elle s’est débarrassée, en les empoisonnant, de ses deux frères, de son père, et de l’un de ses amants – condamnée plus tard au bûcher, elle mourra dignement selon la marquise de Sévigné qui ajoute dans son témoignage : « Enfin, c’en est fait ! La Brinvilliers est en l’air ! »
La poudre de succession
Pour supprimer frères, père et amant, la Brinvilliers a eu recours aux services de Catherine Deshayes, épouse Monvoisin, surnommée la Voisin, une aventurière née en 1640. La Voisin, femme grassouillette, prépare à qui en fait la demande et paie ce qu’il faut, ce qu’on appelle la poudre de succession, un mélange de poisons très efficaces qui permet de recevoir bien plus rapidement les héritages attendus ! La Reynie, au terme de son enquête, est tombée sur des carnets où sont répertoriés les familiers de la Voisin. On y trouve des noms fort connus. Et bientôt on s’aperçoit que des familiers du roi sont mêlés à l’affaire, et pas n’importe qui !
Nue, sur l’autel, la marquise !
La marquise de Montespan par exemple figure parmi ceux qui sont soupçonnés d’avoir eu recours à la Voisin ! Et d’une façon plutôt choquante. En effet, afin de se garantir la faveur du roi, elle a participé à des messes noires au cours desquelles celle qui effectue une demande particulière doit s’étendre sur l’autel, nue, afin qu’un horrible office dont on peut se passer des détails, se déroule. Un ecclésiastique, l’abbé Guibourg, sans doute tout droit sorti des enfers, conduit ces cérémonies abjectes ! Le roi, effrayé par l’importance de l’affaire laisse se dérouler le procès où l’on démêle mal l’invraisemblable de ce qui peut être considéré comme des mensonges arrachés sous la torture. Mais sa confiance est largement entamée, et la marquise de Montespan va être peu à peu écartée de la cour, au profit de la sage et prude madame de Maintenon.
Le détail qui tue
Trente-quatre condamnations à mort seront prononcées dans l’affaire des poisons, dont celle de la Brinvilliers et de la Voisin qui se débattit autant qu’elle le put en descendant de la charrette pour le bûcher, place de Grève. On jeta de la paille sur elle afin que les flammes s’en emparent, elle repoussa cinq fois cette paille en jurant ! C’est la marquise de Sévigné qui écrit tous ces détails à sa fille. Elle précise qu’un aide du bourreau lui révèle, pendant l’exécution, qu’il a reçu pour consigne – par égard au sexe de l’accusée – d’abréger ses souffrances en lui lançant à travers les flammes, de grosses bûches avec force sur le crâne. Il doit ensuite utiliser un crochet de fer afin de lui arracher la tête ! « Vous voyez bien, ma fille, précise la marquise de Sévigné, que ce n’est pas si terrible qu’on le pense… » Impayable cette marquise, drôle, spirituelle, toujours soucieuse, dans ses lettres, du détail qui tue…
L’affaire de l’homme au masque de fer, 1680
Il fait encore rêver, l’homme au masque de fer. On fait encore des films où son visage caché semble chercher lui aussi la vérité. Depuis le XVIIe siècle où apparut cet étrange personnage, on a pourtant découvert la vérité, mais personne n’est obligé de la croire…
Un masque de velours
L’homme au masque de fer ne portait pas un masque de fer. Il portait une sorte de loup de velours – ce qui est beaucoup plus confortable et romantique – retenu par des attaches de métal. Qui était-il ? Si on fait confiance à l’abbé de Soulavie qui a écrit en 1790 les mémoires fantaisistes de Richelieu, ce masque de fer serait le jumeau de Louis XIV, né huit heures après lui ! Évidemment, Alexandre Dumas a adopté cette hypothèse romanesque mais complètement erronée dans le Vicomte de Bragelone, Victor Hugo l’a suivi, et bien d’autres crédules qui défendent encore cette thèse.
Un fils du Roi-Soleil, mis à l’ombre ?
On a dit – et c’est la princesse Palatine, la belle-sœur cancanière de Louis XIV qui l’affirme (l’invente) – que c’était un milord anglais compromis dans un complot qu’elle n’a d’ailleurs pas trop su expliquer. On a dit aussi que cet homme mystérieux était l’enfant secret de Mazarin et d’Anne d’Autriche. On a prétendu que c’était l’un des nombreux fils naturels du Roi-Soleil, et qu’il l’aurait mis à l’ombre ! On a dit encore que cet individu, compromis dans les affaires mazarines, avait été chargé par le parti dévot, d’empoisonner Fouquet – le masque de fer s’installe à Pignerol le 2 mai 1679, Fouquet meurt à Pignerol le 23 mars 1680, bizarre coïncidence… Certains affirment que c’était un bâtard de Charles II, ou bien un patriarche arménien, ou bien le chevalier de Rohan, sans oublier Molière dont on se demande bien quel rôle on lui aurait fait jouer sous ce masque…
Hercule-Antoine Mattioli démasqué
On a dit enfin que le masque de fer, mort finalement à la Bastille en 1703, était un certain comte Hercule-Antoine Mattioli, ou Marchioli, ou de Marchiel, né à Boulogne le 13 décembre 1640. Mattioli s’est marié avec Camilla Paleotti, il en a eu deux enfants. Au service du duc de Mantoue, il trahit son maître en révélant contre de l’argent les conditions particulières de l’achat de la place forte par Louis XIV. Celui-ci le fait enlever à Venise (avec son masque ?) et enfermer à Pignerol. C’est donc une sorte d’agent double de la finance qui, après Pignerol, est transféré à la Bastille en 1698. C’est là qu’il meurt le 19 novembre 1703. Louis XIV confia sur son lit de mort le secret du masque de fer au régent Philippe d’Orléans. Et le régent ne voulut jamais révéler ce que Louis XIV avait dit. Peut-être que, tout simplement, n’ayant rien compris, il n’avait pas osé faire répéter…
L’affaire Sirven, 1760
Les Dames Noires, la démence d’une jeune fille, un père huguenot, et puis la mort qui survient après une disparition. Tous les ingrédients sont réunis, en janvier 1762, pour condamner à mort un innocent. Mais Voltaire veille…
Élisabeth morte au fond du puits
Le 6 mars 1760, Pierre-Paul Sirven, notaire à Castres et huguenot, constate la disparition de l’une de ses trois filles, handicapée mentale, Élisabeth. Après une courte enquête, elle est retrouvée chez les Dames Noires, une institution catholique recueillant les filles de protestants enfermées par lettre de cachet. Malgré sa douleur, il se tait, mais le 9 octobre 1760, Élisabeth est victime de crises de démence consécutives aux mauvais traitements dont elle est victime. L’évêché décide alors de la rendre à ses parents. Les Sirven s’installent à Saint-Ably, près de Mazamet. Le 16 décembre, Élisabeth disparaît. Le 3 janvier 1762, trois enfants découvrent son cadavre au fond d’un puits. Le 20 janvier, les Sirven que la rumeur accuse du meurtre de leur fille ont le temps de s’enfuir en Suisse.