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Ce soir-là, derrière les charmilles…

La lune joue à cache-cache avec les nuages en cette nuit du 11 au 12 août 1784. Près de la grille de l’Orangerie à Versailles, derrière une charmille, une femme somptueusement vêtue remet à un homme une rose et lui dit à mi-voix : « Vous savez bien ce que cela veut dire… » L’homme sent son cœur s’emballer : cette femme, c’est la reine Marie-Antoinette. Lui, le cardinal de Rohan, lui qu’elle boudait, vient donc de rentrer en grâce, mieux même, peut-être…

La reine n’est pas la reine

Hélas, la reine n’est pas la reine. C’est une fille du peuple, la jeune Oliva qu’une aventurière a placée là. Cette aventurière, Jeanne de la Motte, prétendue comtesse qui dit descendre de Charles IX, vient de mystifier Rohan. Le cardinal reçoit ensuite de nombreuses fausses lettres d’amour de sa royale maîtresse – écrites par l’amant de Jeanne de la Motte, Marc de Villette. De plus, son conseiller l’encourage à poursuivre cette relation prestigieuse. Qui est ce conseiller ? C’est Joseph Balsamo, proxénète, escroc, guérisseur, magicien, inventeur d’un élixir d’immortalité qu’il vend une fortune, et faux comte de Cagliostro…Rohan – bien conseillé – n’hésite donc pas à accepter de payer en quatre fois un collier de diamants que la reine aurait commandé aux joailliers Bôhmer et Bassenge, le roi Louis XVI lui refusant ce cadeau.

Le collier court toujours…

L’amant de Jeanne de la Motte qui se fait passer pour l’envoyé de Marie-Antoinette se fait remettre le fameux collier. Le comte de la Motte – mari de Jeanne… – part aussitôt en Angleterre le négocier. Le cardinal apprend la supercherie, refuse de payer les joailliers qui s’en vont bientôt à Versailles réclamer leur dû ! C’est alors qu’éclate l’affaire du collier de la reine. La reine est innocente, mais lorsque le peuple apprend tous les détails de l’escroquerie, et les extrapolations qu’on en fait, il s’en sert pour aiguiser sa haine de celle qui n’est jamais entrée dans leur cœur : l’Autrichienne ! Marie-Antoinette réclame pourtant un procès public : Rohan est déchargé de toute accusation mais banni dans son abbaye de La Chaise-Dieu ; Jeanne de la Motte est condamnée à la prison à perpétuité – elle s’évade au bout de dix mois. Oliva n’est pas même jugée, étant de trop modeste origine ; Cagliostro est exilé – il meurt enfermé au château de Saint-Léon, près d’Urbino en Italie, en 1795. Et le collier court toujours…

Chapitre 27 Dix châteaux en France

Dans ce chapitre :

Une forteresse imprenable, un krak, un rêve de pierre, un rêve d’eau... laissez-vous seduire par dix châteaux.

Château ! Le mot seul délivre dans l’imaginaire tout un cortège d’images enchantées, celles qui demeurent tapies dans quelque recoin des siècles lointains, au temps des fées, de la magie… Au temps des rudes seigneurs aussi.

Bonaguil, l’imprenable

Vous avez décidé d’effectuer une plongée dans le Quercy, vous avez visité les grottes du Pech-Merle à Cabrerets, vous vous êtes émerveillé devant les décorations de ce sanctuaire paléolithique. Vous avez séjourné à Cahors, bu de son excellent vin, puis vous avez quitté la ville par le pont Valentré commencé en 1308. Trente kilomètres vers le nord, et vous voilà à Labastide-Murat, où naquit en 1767 Joachim… Murat, le roi de Naples, maréchal de la Grande Armée. Ensuite, vous faites halte dans la pittoresque cité de Rocamadour aux fortifications médiévales. Quelques kilomètres encore – vous pénétrez dans le Lot-et-Garonne – et il apparaît, époustouflant de puissance silencieuse, planté comme un défi sur son éminence rocheuse, au milieu des bois : Bonaguil.

Il a fallu quarante ans pour construire ce nid d’aigle qui pointe avec arrogance ses tours vers l’infini du ciel. Elle est l’œuvre de Bérenger de Roquefeuil, un seigneur amer d’avoir perdu devant le parlement de Toulouse un procès l’opposant aux habitants de sa châtellenie de Castelneau-Montratier ; à partir de 1483, il multiplie les extensions du château familial datant du XIIIe siècle, en tenant compte des nouvelles armes à feu : mousqueterie, canonnières. Bérenger de Roquefeuil meurt en 1530, léguant à la postérité et au paysage l’une des dernières bravades féodales, jamais prise au cours des siècles, parce que… jamais attaquée !

Carcassonne : une forteresse dans la citadelle

Bâtie sur la rive droite de l’Aude, Carcassonne, avec son noyau fortifié, son château comtal et sa double enceinte, est la plus grande forteresse d’Europe.

La cité de Raymond-Roger

Carcassonne, c’est une longue histoire : prospère dès la haute antiquité, elle devient wisigothe au Ve siècle, sarrasine pour trente-cinq ans en 724, comté autonome au IXe siècle, vicomté sous la dynastie des Trencavel. C’est l’un d’eux, Roger Ier Trencavel, mort en 1167, qui remanie l’enceinte gallo-romaine de la ville afin de l’adapter aux nécessités militaires de l’époque. Le château est construit à cette époque et terminé par Raymond-Roger Trencavel, petit-fils de Roger Ier, entre 1204 et 1209. Cette année-là, Raymond-Roger, décrété hérétique cathare par Rome, doit faire face à la croisade contre les Albigeois. Les croisés assiègent Carcassonne pendant quinze jours. Le 15 août, les assiégés manquent d’eau. Raymond-Roger décide d’aller négocier avec les assiégeants, mais leur chef, Simon de Montfort, le fait assassiner – Raymond-Roger avait vingt-quatre ans. Montfort prend sa place.

Le déclin

Annexée à la couronne de France en 1226, la cité de Carcassonne renforce ses capacités défensives avec Saint-Louis qui en fait un point de défense stratégique. Le château devant lequel est édifié une vaste barbacane en demi-cercle devient alors une véritable forteresse dans la citadelle. Les travaux se poursuivent pendant tout le XIIIe siècle. Au XVIIe siècle, les frontières françaises sont repoussées jusqu’aux Pyrénées. La ville perd son rôle stratégique. Sous l’Empire, elle devient un arsenal, une caserne, ses tours inutilisées sont vendues par l’armée.

Mérimée et la nouvelle Carcassonne

Carcassonne ! Ses trois kilomètres de remparts, ses quarante tours, ses deux portes monumentales, son château aux neuf tours avec ses chemins de ronde crénelés, ses escaliers, ses chicanes et poternes, ses courtines en fossés, ses bretèches en échauguettes, tout cela aurait peut-être disparu sans l’intervention de l’écrivain Prosper Mérimée (1803 - 1870). Inspecteur général des monuments historiques, il sauva les murs de la citadelle d’une destruction qu’avait décidée le conseil municipal ! À partir de 1860, Viollet-Le-Duc – qui avait déjà restauré, en 1844, la cathédrale Saint-Nazaire – entreprend une restauration des remparts et du château que vous pouvez découvrir aujourd’hui.

Château-Gaillard : « Quelle est belle, ma fille d’un an ! »

« Qu’elle est belle ma fille d’un an ! » C’est Richard Cœur de Lion qui parle ainsi de Château-Gaillard en 1198 : en construisant cette forteresse, il a décidé de couper la route de Rouen à Philippe Auguste qui veut lui reprendre la Normandie. Sa « fille d’un an » se dresse comme une menace au sommet de la falaise qui domine la rive droite de la Seine et le vallon du Petit-Andely (dans l’Eure, aux Andelys).