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— Tous les fils à papa c'est pareil ! Ils arrivent au monde avec un bol gros commak et ils se croient sortis de la cuisse de Gulliver. Moi, j'aurais été roi de France, mes mômes, c'est pas par des percepteurs que je les aurais instruits, ah ça, non ! Je les flanquais à la communale, recta ! Et je donnais le mot aux instituteurs pour qu'ils leur savatassent les noix ! Pas de carrosse, pas d'argent de poche : un vélo pour leurs étrennes et encore : d'occasion !

Il regarde sa montre-bracelet en nickel poinçonné.

— C'est l'heure de la croque, remarque-t-il, car rien ne lui échappe. Tu vas venir casser une graine à la maison.

Je commence par refuser, mais, devant l'insistance de mon valeureux camarade, je finis par céder et nous voilà partis chez lui.

Dans la voiture, Béru ne me laisse aucun repos.

— Bon, nous avons donc dit que les mouflets à Clovis étaient des tocassons. Moi, les tocassons je ne veux pas m'y attarder. C'est à cause de pourquoi j'aimerais que tu poursuivisses par les mecs intéressants. La première belle bouille après Cloclo, c'était qui ?

— Dagobert ! fais-je.

Il barrit.

— Celui qui prenait sa braguette pour sa poche-revolver ?

— Celui-là même, Béru. Ce fut le seul descendant de Clovis qui eut un règne pacifique et glorieux. Il refit le grand royaume et le gouverna sagement avec l'aide de son Premier ministre.

— Qui c'était, en ce temps-là ? Guy Mollet ?

— Non, Gros : saint Éloi !

Il se donne une claque sur les jambons.

— Tu parles, je me rappelais plus la chanson.

Je crois qu'il fait allusion à la ronde enfantine bien connue, mais il me détrompe en entonnant d'une superbe voix de basse galvanisée :

« Saint Éloi avait un fils qui s'appelait Ocului, « Et quand saint Éloi forgeait, son fils Ocului soufflait. »

Il se tait et déclare après un temps de réflexion :

— Ce qu'il y a de sympa chez Dagobert, c'est qu'il ait pris un orfèvre comme Premier ministre. Ça prouve qu'il était pas fiérot.

Il se racle la gorge.

— Ce Dagobert, il était aussi chouette à la ville qu'au trône ?

— C'était un sacré paillard, le renseigné-je. Comme il n'avait pas de lardon avec Gomatrude, sa première femme, il l'a répudiée pour épouser une bergère moins stérile. Seulement, avec la seconde ça n'a pas mieux gazé.

— C'est pas lui, par hasard, qui était diminué du calcif ? suggère l'Honorable.

— Non : il s'est mis à draguer pour dénicher les pucelles en état de marche. Et il a fini par en trouver une à Senlis. La légende affirme qu'il s'est enfermé avec elle trois jours et trois nuits !

Bérurier est enthousiasmé.

— Oh ! pardon, le grand service alors ! Avec rince-doigts et couvert à poissons !

Il me cligne de l'œil dans le rétroviseur.

— Senlis, moi aussi j'y ai passé des véquendes avec des souris, mais trois jours et trois noyés dans la même marmite, c'est de la performance où je me suis jamais hasardé. Les vingt-quatre plombes du Mans ou le Bol d'or sont enfoncés ! Et ça a boumé du côté Prénatal ?

— Magnifiquement, puisque la môme en question l'a rendu père !

— Elle pouvait faire ça pour lui, plaisante le Gros, lui l'avait bien rendue mère !

— A partir de ce moment, ça l'a déclenché, notre ami Dagobert. Question bagatelle, il est passé pro et il a eu jusqu'à quatre concubines à la fois !

— Chapeau ! admire Béru. Faut avoir de l'estom' avec tous les accessoires.

Nous roulons un instant en silence et il ajoute :

— S'il passait son temps à se déloquer pour faire reluire ces dames, y a rien d'étonnant qu'il ait mis un jour son bénard à l'envers ! Et après Dagobert ?

Nous sommes stoppés à un feu rouge. Près de moi, une ravissante môme au volant d'une Bozon-Verduraz décapotable me fait des sourires. Je lui virgule mon œillade ? ?assassine numéro 18 bis, celle que j'emploie dans les encombrements de voitures et les concerts symphoniques.

— Après Dagobert, enchaîné-je…

Mais le regard de la gosse est irrésistible. Je me penche hors de la portière.

— Mande pardon, mademoiselle, puis-je vous demander ce que vous faites lorsque vous êtes descendue de votre véhicule à essence ?

— J'attends le moment d'y remonter, répond-elle à brûle-pourpoint.

— Commence pas ton cinoche, supplie Béru, faut toujours que tu montes en gringue avec les frangines. T'as un vrai chalumeau oxhydrique dans le kangourou, San-A, c'est pas tenable ! Dis-moi plutôt ce qu'il est advenu après le roi Dagobert !

Je cherche, je ne trouve pas… Au feu rouge suivant, la môme est toujours à ma hauteur.

— Je connais un feu qui reste à l'orange dans un quartier tranquille, lui lancé-je, pourquoi n'irons-nous pas le visiter un de ces quatre soirs ?

Ça marche. Cette friponne doit avoir les paupières en tricot Rasurel, car elle n'a pas froid aux châsses.

— Pourquoi pas ?

— Où est-ce que je vous retrouve ?

— A la Brasserie Martel, rue du Grand Charles ! A cinq heures cet après-midi, ça vous va ?

— O.K. ! Vous me reconnaîtrez facilement : j'aurai le sourire de Rudolf Valentino au coin des lèvres.

Un sifflet d'agent met fin à notre flirt. Je reviens à Béru. Grâce à cette môme, je me rappelle maintenant la figure intéressante qui s'annonce dans l'ordre chronologique de l'Histoire.

— Je ne crois pas me gourer, mais après Dagobert il y a eu ces fleurs de naves de rois fainéants, puis enfin Charles Martel.

— Les rois fainéants ! s'étonne le Gros, intrigué ; quézaco ?

— Des rois dont on ne trouve le blaze que dans les bouquins vachement documentés. Ils ont à nouveau torpillé le royaume, fatalement : ils passaient leur vie dans des chariots tramés par des bœufs !

— Oh ! dis donc ! le mur du son, ça les empêchait pas de ronfler ! C'est ça qu'on appelle suivre le bœuf !

— Seulement le bœuf les a conduits tout doucement à la faillite.

« Ces rois laissaient flotter les rubans, tu comprends ? Alors, naturlich, les larbins se goinfraient. Le Royaume était administré par les Maires du Palais. »

— Mettre la France en gérance libre, faut être drôlement cossard en effet, convient Béru. Il était maire, Charles Martel ?

— Oui, mais lui c'était quelqu'un de pas mal dans son genre.

— Qu'est-ce qu'il a fait ?

— Il a arrêté les Arabes à Poitiers…

— Tandis que notre Charles à nous, il les a arrêtés à Évian… T'as raison : l'Histoire, c'est un perpétuel recommencement !

Nous parvenons dans la rue de Bérurier. Il ne me laisse même pas le temps de remiser ma voiture.

— Et après Martel ?

— Pépin-le-Bref, dis-je, préoccupé par ma manœuvre, car je n'ai pas trois centimètres de battement pour loger mon carrosse entre une camionnette et un triporteur.

— Il était marchand de parapluies, ce gus-là ?

— C'était le fils de Martel.

— Il a ratatiné le royaume, alors ?

— Pas du tout.

— Pourtant tu me causais que les fils de cracks c'étaient des lavasses ?

Je descends de calèche avant de répondre. J'ai la gorge plus sèche qu'une vieille fille perdue en plein Sahara. A force de me faire parler, il me déshydrate, Béru.

— Nous arrivons à une période d'exception, Bonhomme-la-lune. Pépin était le fils de Charles Martel et le père de Charlemagne. Trois belles figures de musée ! La France a touché le tiercé dans l'ordre à cette époque…

— Revenons à ton Pébroque, décide le Mahousse qui n'a que faire de mes considérations et qui demande du précis. Qu'est-ce qu'il a maquillé, cézigue, dans l'Histoire, à part de porter un nom qu'on dirait une enseigne de chez C.C.C. ?