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Terry Pratchett

L’hiverrier

INTRODUCTION

GLOSSAIRE FEEGLE À L’USAGE DES NATURES DÉLICATES
(travail en cours de miss Perspicacia Tique)

Aeputant: Bizarre, étrange. Signifie parfois oblong, pour une raison inconnue.

Aepwasonneu: Personne déplaisante.

Ambaetant: Personne souvent déplaisante.

Anmaerdeu: Personne vraiment déplaisante.

Bedots: Animaux à poil laineux qui broutent de l’herbe et font « bêê ». A ne pas confondre avec les sonneurs de cloches.

Biaestries: Bêtises, idioties.

Bondlae: Cri de désespoir.

Cwit: On m’a assuré que ça voulait dire « fatigué ».

Dandin: Envie pressante, comme dans « J’ai le dandin de bware un cop ».

Dernier monde: Les Feegle sont convaincus d’être morts. Ce monde est tellement agréable, affirment-ils, qu’ils ont dû faire preuve d’une conduite vraiment exemplaire dans une vie antérieure, puis qu’ils sont morts pour s’y retrouver. « Mourir » ici signifie tout bonnement retourner dans le dernier monde, qu’ils croient insipide.

Faebe: Une personne faible.

Gonnagle: Le barde du clan, expert en instruments de musique, poèmes, histoires et chansons.

Ieus: Yeux.

Jaeyants: Êtres humains.

Jahar: Une obligation impérative relevant de la tradition et de la magie. Pas un oiseau.

Kelda: La cheftaine du clan et, finalement, la mère de la majeure partie de ses membres. Les bébés feegle sont tout petits, et une kelda en met au monde des centaines au cours de sa vie.

Liniment spécial pour moutons: Sûrement de la gnôle de contrebande, j’ai le regret de le dire. Nul ne connaît ses effets sur les moutons, mais on raconte qu’une goutte est excellente pour les bergers durant les nuits d’hiver glacées et pour les Feegle n’importe quand. N’essayez pas d’en distiller chez vous.

Michante sorcieure: Sorcière, méchante ou non, vieille ou non.

Michante sorcieure des michantes sorcieures: Une sorcière de haut niveau.

Miyards: Exclamation qui peut tout vouloir dire, de « Bonté divine ! » à « Je sens la colère qui monte et va y avoir du vilain ».

Raviseu mon/vot/son sort: Faire face au sort qui m’est/t’est/lui est réservé.

Screuts: Secrets.

Sorcieulrie: Tout ce que fait une sorcière.

Spog: Escarcelle de cuir que le Feegle porte pendue devant la ceinture et où il garde ses objets de valeur, des aliments qu’il n’a pas fini de consommer, des insectes intéressants, des bouts de petites branches pouvant servir, des déchets porte-bonheur et ainsi de suite. Ce n’est pas une bonne idée de farfouiller dans un spog.

Sweu: Ne se trouve que dans les grands tertres feegle des montagnes où il y a assez d’eau pour prendre des bains réguliers : c’est une sorte de sauna. Les Feegle du Causse, eux, sont plutôt partisans d’attendre que la couche de crasse soit suffisamment épaisse pour qu’elle se détache toute seule.

Tchotes: Cabinets.

Tracasseu: Inquiéter.

Viaele: Vieille femme.

Vorieu: Personne inutile.

Y a lonmaet: Il y a longtemps.

CHAPITRE PREMIER

LA GROSSE NEIGE

Quand la tempête survint, elle s’abattit sur les collines avec la force d’un marteau. Aucun ciel n’aurait dû contenir autant de neige, et, comme aucun ciel n’en était capable, la neige tomba. Tel un mur blanc.

Une butte blanche s’était formée là où, quelques heures plus tôt, se dressait un petit bouquet d’épineux sur un ancien tertre. L’année précédente, à la même époque, y fleurissaient quelques primevères précoces ; aujourd’hui, ce n’était que neige.

Un coin du manteau blanc bougea. Un paquet de neige de la taille d’une pomme se souleva, autour duquel s’échappèrent des flots de fumée. Une main pas plus grande qu’une patte de lapin chassa la fumée.

Une petite tête bleue très en colère, le paquet de neige encore en équilibre à son sommet, jeta un coup d’œil à l’étendue soudain déserte et immaculée.

« Ah, miyards ! grommela-t-elle. Raviseuz-mi cha ! C’eut le travay de l’iverieu ! Un aepwasonneu qu’il faut pwint contrarieu ! »

D’autres paquets de neige se soulevèrent. D’autres têtes jetèrent des coups d’œil.

« Oh bondlae de bondlae de bondlae ! fit l’une d’elles. Il a rtrouveu la ch’tite michante sorcieure jaeyante ! »

La première tête se tourna vers celle qui venait de parler et lança : « Guiton Simpleut ?

— Win, Rob ?

— Je vos ai pwint dit d’oublieu cette histware de bondlae ?

— Win, Rob, vos l’aveuz dit, reconnut la tête qu’on venait d’appeler Guiton Simpleut.

— Alors pourkwa vos veneuz de le faere ?

— Pardon, Rob. C’eut sorti tout seu.

— Cha daecouraje.

— Pardon, Rob. »

Rob Deschamps soupira. « Mais vos aveuz maleureusemaet raeson, Guiton. Il vieut pour la ch’tite michante sorcieure jaeyante, c’eut seur. Qui la survaye en bas à la faerme ?

— Ch’tite Pwinte Dangereuse, Rob. »

Rob leva les yeux vers les nuages si chargés de neige qu’ils s’affaissaient en leur milieu. « D’accord, dit-il avant de soupirer encore. L’heure du aeros est venue. »

Il se rabaissa hors de vue, le paquet de neige retombant pile en place, et il descendit en glissant dans les entrailles du tertre feegle.

L’intérieur était spacieux. Un homme aurait pu se tenir à peu près debout en son centre, mais se serait aussitôt plié en deux en toussant car c’était là qu’on avait ménagé un trou par où s’évacuait la fumée.

Tout autour de la paroi se succédaient des étages de galeries, toutes noires de Feegle. D’ordinaire, les lieux baignaient dans un vacarme permanent, mais il y régnait aujourd’hui un silence terrifiant.

Rob Deschamps se dirigea vers le feu où attendait sa femme Jeannie. Elle se leva, droite et fière comme il se doit pour une kelda, mais Rob eut l’impression, quand il fut tout près, qu’elle avait pleuré. Il l’entoura du bras.

« Bon, vos counwasseuz seurmaet ce qui se passe, dit-il au public bleu et rouge qui le regardait depuis les galeries. C’eut pwint une tempaete courante. L’iverieu a rtrouveu la ch’tite michante sorcieure jaeyante… Douchmaet, du calme ! »

Il attendit que retombent les cris et les ferraillements des épées, puis il poursuivit : « On peut pwint se bate conte l’iverieu pour elle ! C’eut sa route à elle ! On peut pwint la swive pour elle ! Mais la michante sorcieure des michantes sorcieures nos a douneu un ote kaemin ! Un kaemin de tenaebes et de grand danjeu ! »

Des acclamations s’élevèrent. Les Feegle aimaient cette idée-là, au moins.

« Bon ! fit un Rob satisfait de la réaction. Mi, je pars chercheu le aeros ! »

Ce qui provoqua des cascades de rires, et Grand Yann, le plus grand des Feegle, brailla : « C’eut trop tôt. On a pwint eu le temps de li douneu deus laessons d’aeroïsme ! C’eut encore qu’un mwins que rieu !