Arlington H. Mallery pense qu'elle est l'écriture d'une ancienne civilisation américaine, antérieure bien entendu aux civilisations précolombiennes connues (inca, maya ou aztèque). On peut supposer que celles-ci en auraient conservé des vestiges : on expliquerait ainsi la mystérieuse et indatable forteresse de Tiahuanaco ; certaines particularités de l'astronomie maya qui paraît rendre compte d'un état du ciel antérieur de nombreux millénaires à celui que nous connaissons ; les légendes étranges faisant état d'anciens civilisateurs, etc.
Mais en admettant qu'une telle civilisation ait existé il y a dix mille ans sur le continent américain, encore conviendrait-il d'expliquer comment ses connaissances géographiques auraient pu parvenir à l'Europe.
Puisque maintenant le mur de la raison a été franchi, on peut laisser libre cours à l'imagination : et si cette civilisation avancée avait existé alors non pas seulement en Amérique, mais sur toute la Terre ?
Cette civilisation était-elle d'origine extraterrestre ? En ce qui concerne les cartes de Pirî Reis, on ne voit pas heureusement comment faire intervenir des Vénusiens ou tous autres extraterrestres : car pourquoi diable auraient-ils eu besoin, équipés, on peut le supposer, des fusées les plus perfectionnées, de dresser la carte détaillée non des continents, ce qui pourrait s'expliquer, mais des rivages et des côtes ? Cela n'exclut pas que, par ailleurs, on puisse se pencher sur ce problème ; mais les cartes de Pirî Reis sont exclusivement affaire de marins terrestres.
Alors ? Habitants de l'Atlantide ou de Gondwana ? Mais la dérive des continents a une histoire qui remonte au-delà de dix millénaires et à l'époque qui nous intéresse, ces continents, s'ils ont existé, avaient disparu depuis bien longtemps ou s'étaient morcelés.
On pourrait donc supposer qu'un rameau de la race humaine, coexistant avec d'autres moins évolués, était parvenu, il y a huit à dix mille ans, à un degré de civilisation considérable et qu'il avait une connaissance développée de sa planète ; et que tout cela fut détruit du jour au lendemain à la suite d'un cataclysme. Pour sa part, dans ses conclusions, Charles H. Hapgood est formel. On a commencé, il y a un siècle seulement, à reculer les limites de l'Histoire et à retrouver les vestiges matériels de civilisations jusque-là considérées comme mythiques (Troie, la Crète) ou même inconnues (Sumer, les Hittites, la vallée de l'Indus). Le professeur américain déclare qu'il faut continuer ces recherches et que celles-ci devraient obligatoirement conduire à la découverte de cette civilisation avancée datant de dix mille ans. Nous lui laissons naturellement la responsabilité de ces affirmations, étayées, rappelons-le une fois de plus, par une expérimentation scientifique serrée. La grande découverte archéologique du siècle est à faire…
Paul-Émile Victor.
IV. LES CICATRICES DE LA TERRE
La fatale erreur. – Ainsi pourrions-nous finir… – Le cratère Barringer. – Les météorites géantes. – Des régions d'au-delà le système solaire. – Une idée sur les déluges. – Une idée sur les âges glaciaires. – Les mines célestes de Sudbury. Une protection ? – Les météorites secondaires et l'ensemencement possible de la vie. – L'idée d'une cosmo-histoire. – Ceux qui découvrirent un ciel étoilé. – Causalité externe ? – Les chants mystérieux de l'Opéra terrestre.
Russes, Américains, Chinois, Anglais, Français, tous crurent à la même seconde que l'on avait déclenché une massive attaque atomique. Tous déverrouillèrent à la même seconde les systèmes de riposte, et la Terre s'embrasa. Or, la cause ne fut pas la méchanceté d'une nation, mais l'aveugle « ni bien ni mal » du ciel. La vérité est qu'une météorite géante s'était abattue. Ainsi pourrions-nous finir, déracinés par en haut… C'est un futur envisageable.
De telles chutes de météorites géantes se sont produites dans le passé. La terre en porte les cicatrices. Le cratère Barringer, dans l'Arizona, est l'effet d'une explosion dont la puissance fut d'environ deux mégatonnes et demie (vingt-cinq fois la bombe d'Hiroshima) et qui se produisit voici cinquante mille ans. Lorsque l'ingénieur des mines américaines D.M. Barringer avança que cette explosion avait eu pour cause la chute d'une énorme météorite, il se heurta à l'opposition officielle la plus virulente. On préférait l'hypothèse d'une éruption volcanique ou celle d'une explosion de gaz naturel. Barringer finit par l'emporter. On admet aujourd'hui qu'il y eut collision entre la Terre et un objet de dix mille tonnes qui se déplaçait à la vitesse de quarante kilomètres par seconde. On recueillit autour des cratères de microscopiques sphères de fer produites vraisemblablement par la condensation d'un nuage de vapeur de fer que ce choc provoqua.
Le cratère Barringer n'est pas le plus important. Le Vreedovrt, en Union sud-africaine, a un volume de dix kilomètres cubes. Le projectile paraît avoir arraché la croûte terrestre, laissant exposée de la lave qui remplit ensuite une partie du creux.
Peut-être se produisit-il des collisions plus terribles et l'on peut supposer que la mer du Japon, la baie d'Hudson et la mer de Weddell furent créées de la sorte. Si le fait est exact, les énergies auraient été de l'ordre astronomique de 1033 ergs. Ce chiffre ne parle pas. Mais il correspond au quart de l'énergie émise par le soleil en une seconde, ou à la conversion à cent pour cent d'un million de tonnes de matière en énergie.
Il y a une objection à de telles hypothèses. Une collision de cette force aurait porté la température de l'atmosphère, sur la planète, à deux cents degrés centigrades. La Terre, sur toute sa surface, aurait été stérilisée. Or, il n'y a aucune trace d'une stérilisation dans l'histoire biologique connue du globe, mais des collisions engendrant des énergies d'un million de mégatonnes sont désormais couramment admises et les cicatrices, sur la croûte terrestre, ont été identifiées en assez grand nombre.
Au Canada, une bonne dizaine, avec des diamètres allant de deux à soixante kilomètres et des âges variant de deux à cinq cents millions d'années. En Australie : cratère de Wolf Creek. Aux États-Unis, notamment le cratère circulaire, formant lac, Deep Bay, douze kilomètres de diamètre et cent cinquante mètres de profondeur.
Selon les calculs, un projectile de plus de mille tonnes qui se déplace à une vitesse suffisante n'est pas arrêté par l'atmosphère. Un projectile en provenance du système solaire ne saurait dépasser une vitesse de quarante-deux kilomètres par seconde, sinon il échapperait à ce système. Une météorite arrivant avec des vitesses de l'ordre de cent à cent cinquante kilomètres par seconde proviendrait donc de régions au-delà du système solaire.
Nous parlerons enfin tout à l'heure des météorites secondaires, c'est-à-dire issues de la terre et qui, projetées, pourraient transporter de la matière vivante dans les lointaines étoiles et ainsi donner naissance à de la vie analogue à la nôtre dans le cosmos.
Si les points de chute des grosses météorites sont distribués au hasard, il y a trois chances contre une que l'impact se produise dans la mer. La collision volatiliserait des dizaines de milliers de kilomètres d'océan. La terre entière, pendant des jours, serait recouverte de nuages aussi épais que ceux de Vénus. Des raz de marée fabuleux balaieraient la planète. Il est permis de rêver sur un phénomène de ce genre. Il s'est déjà probablement produit. Or, un tel raz de marée s'apparente exactement à un déluge, au Déluge universel dont on trouve l'écho dans toutes les traditions.