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Où pousse à présent le sombre corail

Pleins d'orgueil, de faste et de majesté

S'élevaient les palais de l'antique Atlantis.

Mais, comme aucune certitude historique n'est encore venue interdire franchement l'idée d'une humanité inconnue qui, dans un lointain passé, rayonna et s'éteignit, les exercices d'imagination demeurent permis. À condition de les présenter comme tels. Et de les faire correctement. En choisissant bien ses points d'appui, en respirant à fond, en tirant bien sur les muscles. Voulez-vous faire un peu de gymnastique avec nous. Voilà deux exercices dans notre manière. Deux hypothèses. La première a été suggérée par des ingénieurs américains, amateurs d'anthropologie-fiction, Walt et Leigh Richemond. La seconde par un écrivain soviétique, Roudenko. Deux hypothèses. Ou plutôt, deux féeries. Nous appellerons la première féerie-du-vent-solaire. La seconde, féerie-Phaéton.

Toutes les traditions évoquent un vieux monde humain, et sa disparition catastrophique. Bien entendu, on peut n'y voir que mythe. Mais on peut aussi se demander si l'idée d'une humanité créant des mythes comme expression de sa psychologie profonde n'est pas un mythe moderne. Il s'agit peut-être des récits abâtardis de faits objectifs, de réalités extérieures et concrètes.

Les occultistes, qui tiennent passionnément à ce que l'âge d'or soit derrière nous et qu'une catastrophe, qui eut un précédent fâcheux dans le passé, vienne punir justement la modernité, n'ont pas manqué de nous renseigner. Mais ils ont leurs informations de sources mystérieuses, si élevées et si secrètes, que nous autres, malheureux infidèles, nous décourageons vite. Quand le support du rêve est accroché si haut, on a du mal… À moins que ces gens-là aient, de nature, des jambes trop petites pour toucher le sol ? Mme Blavatsky reçoit « la révélation » de l'existence de la Lémurie, où naquit « la troisième race mère ». La Lémurie submergée, une « quatrième race mère » apparaît en Atlantide. Scott-Elliott, héritier des visions de Mme Blavatsky et d'Annie Besant, décrit une « civilisation toltèque », la plus évoluée d'Atlantide, sa science des forces cosmiques et ses astronefs. Rudolf Steiner (dans la partie la plus contestable d'une œuvre immense et souvent géniale) ajoute à l'épopée de Scott-Elliott des détails dont la provenance, dit-il, ne saurait être divulguée sans péché abominable. Le colonel James Churchward assure qu'un sage hindou lui remit des tablettes de la langue du continent lémurien, qu'il nomme Mû. Cet officier américain commence, à soixante-dix ans, la rédaction de quatre ouvrages sur la civilisation des grands Anciens, avec un luxe de précisions qui va enthousiasmer les foules. Comment écrire avec ce sérieux quatre livres de rêveries fallacieuses ? Question naïve. De fait, il existe « des monuments d'imposture et des bibliothèques entières de mensonges ».

Parallèlement aux occultistes, des théoriciens, brassant avec les légendes, l'astronomie, la géologie, la climatologie, la botanique, la zoologie, l'anthropologie, ont essayé de définir le lieu, d'expliquer l'existence et la disparition d'une haute civilisation primordiale. L'ouvrage d'Ignace Donnelly, Atlantis, paru en 1882, eut un succès prodigieux. Tirant « d'une taupinière de faits une montagne de conjectures », Donnelly situe le paradis perdu à la place de l'actuel océan Atlantique. Les dieux de l'Antiquité sont les seigneurs du continent englouti. Comme son précurseur Donnelly, le psychanalyste Velikovski, à partir d'une thèse astronomique contestable (Vénus fut d'abord une comète détachée de Jupiter, qui à deux reprises frôla la Terre), explique la Genèse et l'Exode et justifie les Écritures par le souvenir d'une grande catastrophe physique.

Ne pourrait-on établir des hypothèses qui, pour être tout aussi fantastiques, économiseraient davantage l'invraisemblable ? Essayons.

Depuis qu'à l'aube de la société industrielle l'astronome Jean-Sylvain Bailly songeait que d'autres hommes, en des temps très anciens, avaient pu disposer d'un savoir technique, l'idée a fait son chemin. Non seulement dans le rêve, mais dans les faits exhumés. « L'homme n'a pas attendu le XXe siècle pour mettre la terre à profit », dit Korium Meguertchian, docteur ès sciences au Service géologique arménien. Il vient de découvrir (en 1968) la plus vieille usine du monde, à Medzamor, sur le glacis arménien-soviétique. Pour lui, la légende des prêtres du feu, laissée par les voisins et les envahisseurs de Medzamor, est le souvenir des ouvriers d'un complexe métallurgique qui date du troisième millénaire. Et ces ouvriers, « les mains gantées, la bouche muselée d'un filtre protecteur, ressemblaient comme des frères aux prolétaires du Creusot, d'Essen ou du Donets ». Dans cette cité de la métallurgie, elle-même établie sur des couches plus anciennes où sont ensevelies des installations d'usinage de la préhistoire, on traitait un minerai d'importation. Le journaliste scientifique Jean Vidal (Science et vie, juillet 1969), de retour d'Arménie soviétique où il enquêta en compagnie de Meguertchian et de ses confrères, écrit : « Dresser la liste des objets trouvés n'aboutirait pour l'instant qu'à un bilan rudimentaire, tant Medzamor recèle encore d'inconnues. Mais, parmi ces objets, il en est un qui prend au dépourvu les historiens de la métallurgie. C'est la pince brucelles en acier dont plusieurs modèles ont été extraits des couches datant des débuts du premier millénaire. La brucelles, sorte de pince à épiler, permet au chimiste et à l'horloger de saisir les micro-objets qu'ils ne peuvent manipuler.

« Medzamor, poursuit-il, a été fondée par des savants formés à l'école de civilisations antérieures, qui ont apporté à son édification une somme de connaissances acquises au cours d'une période obscure et incertaine qui mérite désormais le nom de « préhistoire scientifique et industrielle ». Les constructeurs de Medzamor ont eu pour maîtres des architectes, métallurgistes, astronomes du néolithique dont la culture était déjà scientifique et dont la raison était pétrie du même levain que les sciences et les techniques qu'ils maîtrisaient. Avant même que l'histoire commence à Sumer, l'homme vivait dans une société organisée dont les structures, sous maints aspects, sont encore les nôtres. »

Déjà, les découvertes antérieures de Çatal Hüyük et Lepenski-Vir (civilisations urbaines datant de sept mille et cinq mille cinq cents ans avant notre ère) avaient posé des énigmes à l'archéologue Mellaart, lorsqu'il trouva des objets de cuivre « confits » dans les scories du métal. Ainsi savait-on isoler le métal du minerai et le façonner à l'aide du feu. Medzamor, à mille kilomètres de Çatal Hüyük, apporte une première révélation sur une technologie préhistorique, absolument insoupçonnée voici dix ans.

Stupéfiants débuts, ou vestiges de techniques plus avancées dans une civilisation inconnue qu'une catastrophe engloutit ? C'est une question légitime. Elle entraîne une autre question : quelle catastrophe ? Venue de Dieu, du ciel, ou des hommes eux-mêmes ? Ceci nous amène à notre première féerie, dite du Vent-Solaire.

Il était une fois, voici vingt mille ans, une haute civilisation qui s'intéressait passionnément au soleil. Quand elle eut disparu comme nous l'allons voir, les hommes, par vague mémoire, vouèrent au soleil adoration, lui offrirent maints sacrifices, mais le contenu rationnel de l'intérêt des ancêtres pour l'astre s'était évanoui avec eux.

Un regard sur nous-mêmes peut nous rapprocher des travaux titanesques qu'ils entreprirent. À l'exception de quantités relativement faibles d'énergie produite à partir de l'atome, nous tirons notre énergie du soleil, soit sous forme fossile (charbon, pétrole), soit sous forme immédiate : énergie hydro-électrique, produit de l'évaporation. Nous fabriquons aussi des piles solaires, qui transforment les rayons en courant. Nous pourrions concevoir une captation plus étendue. Par exemple, envisager d'utiliser l'énergie thermonucléaire par fusion des noyaux légers et noyaux lourds, ce qui reviendrait à reproduire sur terre le soleil. Nous pourrions enfin essayer de capter le vent solaire. C'est un torrent de particules découvert en 1960 par les satellites. Il s'agit d'atomes de matière solaire, qui s'échappent et viennent frapper notre globe. C'est, pense-t-on, ce vent qui provoquerait les aurores boréales et serait cause de la formation de la couche électrique dans l'atmosphère. En établissant un court-circuit entre les couches électrisées de la haute atmosphère et le sol, nous capterions une source, prodigieuse et inépuisable. Comment faire ? Rendre l'atmosphère conductrice ? Cela s'opère avec la foudre. Un rayon laser suffisamment intense produirait le phénomène.