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« L'histoire de l'idée de la pluralité des mondes habités est intimement liée à celle des conceptions cosmogoniques. Ainsi, dans le premier tiers du XXe siècle, quand avait cours l'hypothèse cosmogonique de Jeans, selon laquelle le Soleil a reçu son cortège de planètes à la suite d'une catastrophe cosmique extrêmement rare (le “demi-choc” de deux étoiles), la majorité des savants considéraient la vie comme un phénomène exceptionnel dans l'univers. Il paraissait fort improbable que dans notre galaxie, qui compte plus de cent milliards d'étoiles, il s'en trouve ne serait-ce qu'une seule, le Soleil excepté, qui ait un système planétaire. L'effondrement de la théorie de Jeans après 1930 et l'essor de l'astrophysique sont tout près de nous mener à conclure qu'il y a dans notre galaxie une quantité considérable de systèmes planétaires, et que le système solaire est bien plutôt une règle qu'une exception dans le monde des étoiles. Malgré tout, cette supposition fort probable n'est pas encore strictement prouvée.

« Les progrès de la cosmogonie stellaire ont contribué et contribuent de façon décisive à la solution du problème de l'apparition et de l'évolution de la vie dans l'univers. Nous savons dès maintenant quelles étoiles sont jeunes et lesquelles sont vieilles, durant combien de temps elles rayonnent une énergie suffisamment constante pour entretenir la vie sur les planètes qui se meuvent autour d'elles. Enfin, la cosmogonie stellaire permet de prédire pour une période assez longue les destins du Soleil, ce qui a, évidemment, une importance capitale pour l'avenir de la vie sur la Terre. On voit ainsi que les dix ou quinze dernières années de recherches en astrophysique ont rendu possible une approche scientifique du problème de la pluralité des mondes habités.

« L'assaut est donné également sur le front de la biologie et de la biochimie. Le problème de la vie est en grande partie un problème chimique. De quelle manière, grâce à quelles conditions extérieures a pu se produire la synthèse des molécules organiques complexes, dont l'aboutissement a été l'apparition des premières parcelles de matière vivante ? Ces dernières décennies, les biochimistes ont considérablement fait avancer la question, en s'appuyant avant tout sur les expériences de laboratoire. Cependant, nous avons l'impression que c'est tout récemment qu'est apparue la possibilité d'aborder le problème de l'origine de la vie sur la Terre, et, par la suite, sur les autres planètes. On commence juste à soulever un coin du voile qui nous dérobe le saint des saints de la substance vivante : l'hérédité.

« Les succès remarquables de la génétique et, avant tout, le déchiffrement de la “signification cybernétique” des acides désoxyribonucléique et ribonucléique remettent en question la définition même de la vie. Il devient de plus en plus clair que le problème de l'origine de la vie est pour une bonne part un problème génétique. Sa solution est sans doute pour un avenir assez proche en raison des progrès de cette toute jeune science qu'est la biologie moléculaire.

« Une étape radicalement nouvelle dans l'histoire de l'idée de la pluralité des mondes habités a été ouverte par la mise sur orbite en Union soviétique, le 4 octobre 1957, du premier satellite artificiel de la Terre. Dès lors, l'étude et la domestication de l'espace circumterrestre ont progressé très vite, pour se couronner par les vols des cosmonautes soviétiques, puis américains. Les hommes ont pris conscience d'un coup qu'ils habitaient une toute petite planète baignant dans l'immensité de l'espace cosmique. Bien sûr, tout le monde avait fait à l'école un peu d'astronomie (assez mal enseignée, d'ailleurs), et chacun connaissait “théoriquement” la place de la Terre dans le cosmos ; cependant, l'activité pratique restait guidée par un géocentrisme spontané. C'est pourquoi on ne saurait trop souligner le bouleversement intervenu dans la conscience des hommes en ce début d'une nouvelle ère de l'histoire humaine, l'ère de l'étude directe, et, un jour, de la conquête du cosmos.

« Ainsi, la question de l'existence de la vie sur d'autres mondes est sortie du domaine de l'abstraction pour acquérir une signification concrète. D'ici à quelques années, elle sera résolue expérimentalement en ce qui concerne les planètes du système solaire. Des “détecteurs de vie” seront envoyés à la surface des planètes, d'où ils nous communiqueront sans erreur possible ce qu'ils y auront trouvé. Il n'est pas loin le temps où les astronautes débarqueront sur la Lune, sur Mars et peut-être même sur l'énigmatique et peu hospitalière Vénus, où ils entreprendront d'étudier la vie, si on la découvre, par les mêmes méthodes que les biologistes sur la Terre.

« L'énorme intérêt manifesté par l'homme de la rue pour le problème de la vie dans l'univers explique la floraison des travaux que physiciens et astronomes de renom consacrent, avec une grande rigueur scientifique, à l'établissement de contacts avec les habitants raisonnables des autres systèmes planétaires. Impossible, pour traiter un tel sujet, de se cantonner dans sa spécialité. On est obligé d'échafauder des hypothèses sur les perspectives d'évolution de la civilisation pour plusieurs milliers et même millions d'années. Or, c'est une tâche délicate et de plus mal déterminée… Il faut néanmoins s'y attaquer : elle est très concrète, et la solution qu'on lui donnera peut-être, en principe, vérifiée pratiquement.

« Le but de ce livre est de mettre les lecteurs non spécialistes au courant de l'état actuel de la question. Nous soulignons “actuel” car nos idées sur la pluralité des mondes habités évoluent en ce moment très vite. Ensuite, à la différence des autres ouvrages sur le même sujet (tels La Vie dans l'univers d'Oparine et de Fessenkov et La Vie dans les autres mondes de Spencer Jones) qui étudient surtout les planètes du système solaire et notamment Mars et Vénus, nous avons ménagé une place assez considérable aux autres systèmes planétaires. Enfin, l'analyse de l'existence éventuelle de formes conscientes de la vie dans l'univers et des contacts possibles entre des civilisations séparées par l'espace intersidéral, n'a, à notre connaissance, jamais été entreprise.

« Le livre se divise en trois parties. La première fournit les bases astronomiques indispensables pour comprendre les conceptions actuelles relatives à l'évolution des galaxies, des étoiles et des systèmes planétaires. La seconde envisage les conditions générales d'apparition de la vie sur les planètes. On y soulève également la question de l'habitabilité de Mars, de Vénus et des autres planètes du système solaire. En conclusion de cette partie vient la critique des dernières variantes de la théorie de la panspermie. Enfin, la troisième partie analyse la possibilité de l'existence de la vie consciente dans certaines régions de l'univers. L'attention est principalement axée sur le problème de l'établissement des contacts entre les civilisations des systèmes planétaires différents. La troisième partie se distingue des deux premières dans la mesure où celles-ci exposent l'acquis concret de la science dans un certain nombre de domaines ; nécessairement, dans la dernière partie, l'élément hypothétique domine : nous n'avons encore aucun contact avec les civilisations des autres planètes, et nous ne savons pas quand nous en aurons et si même nous en aurons jamais… Ce qui ne veut pas dire que cette partie soit vide de tout contenu scientifique et relève de la pure fiction. C'est à cet endroit du livre au contraire, et avec toute la rigueur possible, que l'on expose les toutes dernières réalisations de la science et de la technique susceptibles de mener un jour au succès. Cette partie donne en même temps une idée de la puissance de l'esprit humain. Dès aujourd'hui, l'humanité, par son activité concrète, est devenue un facteur d'importance cosmique. Que ne peut-on alors espérer pour les siècles à venir ? »