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Le récit d'Apollodorus

Voici, dit Apollodorus, l'histoire telle que Bérose nous l'a transmise. Il nous dit que le premier roi fut le Chaldéen Alorus de Babylone : il régna durant dix saris ; puis vinrent Alaparus et Amelon, originaires de Pantibiblon ; puis Ammenon de Chaldée, au temps duquel apparut l'Annedotus Musarus Oannès, venant du golfe Persique. (Mais Alexandre Polyhistor, anticipant l'événement, affirme qu'il a eu lieu au cours de la première année. Cependant, d'après le récit d'Apollodorus, il s'agit de quarante saris, quoique Abydenus ne fixe l'apparition du second Annedotus qu'au bout de vingt-six saris.) Puis Mégalarus de Pantibiblon lui succéda et régna dix-huit saris ; puis vint le berger Daonus, de Pantibiblon, qui régna dix saris ; en son temps (affirme-t-il) apparut de nouveau, venant du golfe Persique, un quatrième Annedotus, ayant la même forme que les précédents, l'aspect d'un poisson mêlé à celui d'un homme. Puis Euedoreschus, de Pantibiblon, régna durant dix-huit saris. Durant son règne, apparut un autre personnage, nommé Odacon. Il venait, comme le précédent, du golfe Persique, et il avait la même forme compliquée qui relève à la fois du poisson et de l'homme. (Tous, dit Apollodorus, ont raconté en détail, suivant les circonstances, ce que leur a appris Oannès. Abydenus n'a fait aucune mention de ces apparitions.) Puis régna Amempsinus de Laranchae, et, comme il était le huitième dans l'ordre de succession, il gouverna durant dix saris. Puis vint Otiartes, Chaldéen originaire de Laranchae, et il gouverna pendant huit saris.

Après la mort de Otiartes, son fils Xisuthrus régna pendant dix-huit saris. C'est à cette époque qu'eut lieu le grand Déluge…

Récit ultérieur d'Alexandre Polyhistor

Après la mort d'Ardates, son fils Xisuthrus lui succéda et régna durant dix-huit saris. C'est à cette époque qu'eut lieu le grand Déluge, dont l'histoire est relatée de la façon suivante. La divinité Kronus apparut en rêve à Xisuthrus et lui fit savoir qu'il y aurait un déluge au quinzième jour du mois de Daesia, et que l'humanité serait détruite. Il le somma donc d'écrire une histoire des origines, des progrès et de la fin ultime de toute chose, jusqu'à nos jours, d'enfouir ces notes à Sippara, dans la cité du Soleil, de construire un vaisseau, et d'emmener avec lui ses amis et ses proches. Enfin, de transporter à bord tout ce qui est nécessaire pour le maintien de la vie, de recueillir toutes les espèces animales, qu'elles volent ou courent sur la terre, et de se confier aux eaux profondes… Comme il avait demandé à la divinité jusqu'où il devait aller, celle-ci lui répondit : « Là où sont les dieux. »

Dans ces fragments, les origines non humaines de la civilisation sumérienne sont nettement affirmées. Une série de créatures étranges se manifeste au cours de plusieurs générations. Oannès et les autres Akpallus y apparaissent comme « des animaux doués de raison » ou plutôt des êtres intelligents, de forme humanoïde, revêtus d'un casque et d'une carapace, d'un « corps double ». Peut-être s'agissait-il de visiteurs venus d'une planète entièrement recouverte par les océans. Un cylindre assyrien représente l'Akpallu portant des appareils sur son dos, et accompagné d'un dauphin.

Alexandre Polyhistor fait état d'un brusque essor de la civilisation après le passage d'Oannès, ce qui s'accorde avec les observations de l'archéologie sumérienne. Le sumérologue Thorkild Jacobsen, de l'université de Harvard, écrit « Subitement, le tableau change. D'obscure qu'elle était, la civilisation mésopotamienne se cristallise. La trame fondamentale, la charpente à l'intérieur de laquelle la Mésopotamie avait à se vivre, à formuler les questions les plus profondes, à s'évaluer et à évaluer l'univers pour des siècles à venir, éclatèrent de vie et s'accomplirent. » Certes, depuis les travaux de Jacobsen, des traces de cités plus anciennes ont été retrouvées en Mésopotamie, laissant supposer une évolution plus lente. Cependant, le mystère des visiteurs demeure, renforcé par l'examen des sceaux cylindriques assyriens, sur lesquels Sagan croit pouvoir déchiffrer le Soleil entouré de neuf planètes avec deux planètes plus petites sur l'un des côtés, ainsi que d'autres représentations de systèmes montrant une variation du nombre de planètes pour chaque étoile. L'idée de planètes entourant le soleil et les étoiles n'apparaît que chez Copernic, bien que l'on retrouve quelques spéculations précoces de cet ordre chez les Grecs.

La densité particulière d'événements inexplicables relatés par les légendes du Proche-Orient pose un problème. L'archéologie a mis au jour des traces de technologie, comme le four à réverbère au Ézeon Geber en Israël ou le bloc de verre de trois tonnes enterré près de Haïfa. L'apparition, dans cette région du monde, de techniques, d'idées nouvelles, de religions, comme s'il s'agissait du creuset de l'histoire humaine, entraîne la question suivante : ces lieux ont-ils été choisis par des enseignants venus des étoiles ? Comment et pourquoi ? Sagan envisage pour des visiteurs cinq origines possibles : Alpha, Centauri, Epsilon Éridanu, 61 Cygni, Epsilon Indi, et Tau Ceti, à quinze années-lumière de nous. Et il conclut : « Des histoires comme la légende d'Oannès, les figures et les textes les plus anciens concernant l'apparition des premières civilisations terrestres (interprétées jusqu'ici exclusivement comme mythes ou errements de l'imagination primitive) mériteraient des études critiques autrement amples que celles réalisées jusqu'à présent. Ces études ne devraient pas rejeter une direction de recherche relative à des contacts-directs avec une civilisation extra-terrestre. »

Nous sommes sans doute parvenus à un stade de richesse et de puissance qui commence à nous permettre l'investigation plus ouverte de notre lointain passé. Et c'est à nous, semble-t-il, que s'adresse Platon lorsqu'il écrit dans le Critias :

« Sans doute les noms de ces autochtones ont-ils été sauvés de l'oubli, tandis que s'obscurcissait le souvenir de leur œuvre, par l'effet, tant de la disparition de ceux qui en avaient reçu la tradition, que de la longueur du temps écoulé. Toujours, en effet, ce qui restait de l'espèce humaine survivait à l'état inculte après les effondrements et déluges, n'ayant connaissance que des noms des princes ayant régné dans le pays et ne sachant que bien peu de chose sur leur œuvre. Aussi bien aimaient-ils à donner ces noms à leurs enfants, tandis qu'ils ignoraient les mérites de ces hommes du passé et les lois qu'ils avaient instituées, à l'exception de quelques traditions obscures relativement à chacun d'eux. Dénués comme ils étaient, eux-mêmes et leurs enfants, pendant plusieurs générations des choses nécessaires à l'existence, l'esprit appliqué à ces choses dont ils étaient dénués, les prenant pour l'unique objet de leurs conversations, ils n'avaient cure de ce qui avait eu lieu antérieurement et des événements d'un lointain passé. De fait, l'étude des légendes, les investigations relatives à l'Antiquité, voilà deux choses qui, avec le loisir, entrèrent simultanément dans les cités, du jour où celles-ci virent déjà assurées pour quelques-uns les nécessités de l'existence, mais pas avant. »