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L'un des ouvrages les plus récents et les plus sérieux dans ce domaine est celui d'un esprit universel, mathématicien, généticien, numismate, archéologue : The Culture and Civilization of Ancient India in Historical Outline, par D.D. Kosambi (Routledge and Kegan Paul, London).

L'Inde, terre hors l'histoire ? Il y a peu de traces de l'histoire primitive indienne, pas de repères dans un passé qui s'étend sur des dizaines de millénaires.

Nul n'a encore pu déchiffrer une mystérieuse écriture née voici cinq millénaires, dans la vallée de l'Indus, autour du site de Mohenjo-Daro. La seule certitude est l'absence de traits communs entre cette langue de l'Indus et les langues indo-européennes qui devaient lui succéder. Depuis quelques années, deux étudiants finlandais, l'un en philologie, l'autre en assyriologie, les frères Parpola, aidés par un jeune statisticien, Seppo Koskenniemi, ont entrepris un décryptage de cette langue qui se révèle intermédiaire entre le système chinois des idéogrammes et le système syllabique de nos langues. Le décryptage, qui repose sur l'hypothèse d'un rapprochement possible avec les racines dravidiennes, n'a pas encore donné de résultats satisfaisants, et les tablettes n'ont pas « parlé ».

Sur ces tablettes, un peuple inconnu, rassemblé autour de Mohenjo-Daro, dans le troisième millénaire avant J.-C., fixait son énigmatique souvenir. Durant quelques siècles, ou plus, il avait donné le jour à une civilisation d'un éclat comparable à celui de Sumer et de l'Égypte. Puis c'est la ruine. Une société sans doute fossilisée s'écroule, s'éteint brusquement. Inondations ? Invasions ? On ne sait pas. Et ces tablettes-rébus dans les ruines de chaque maison. Combien de temps cette civilisation de Mohenjo-Daro a-t-elle mis à fleurir, puis à se scléroser, n'offrant nulle résistance à ce qui va d'un seul coup l'effacer ?

Dans le déclin de Mohenjo-Daro, des envahisseurs seraient venus incendier la ville et massacrer les habitants. Ces envahisseurs ne laissent aucune trace dans l'Histoire. On pense que certaines légendes des Vedas s'y rapportent, mais on ne peut en être sûr. Le professeur Kosambi définit ces envahisseurs comme les premiers Aryens, mais reconnaît lui-même que son point de vue est discutable. Il essaie d'identifier Mohenjo Daro avec la cité Narmini décrite dans la Rigveda, mais avoue que c'est une hypothèse. D'une façon générale, il admet dans les Vedas ce qui lui paraît techniquement réalisable à l'époque et rejette tout le reste, en dépit des textes décrivant avec précision des appareils volants. Reste à savoir s'il ne passe pas avec cette méthode à côté d'un certain nombre de questions fantastiques et judicieuses. L'auteur considère les Aryens simplement comme des nomades massacrant tout ce qu'ils voient et détruisant toutes les cultures qu'ils rencontrent. Dans les guerres décrites dans les Vedas, l'auteur considère comme mythologiques toutes celles où figurent des armes supérieures. C'est évidemment un point de vue « sérieux ». Mais, pourtant, c'est un point de vue qui paraît bien simpliste. Si l'on nie a priori comme légendaire tout ce qui ressort d'une technologie supérieure à la technologie moyenne de l'époque, on a évidemment un beau folklore d'une part et une histoire nette et banale d'autre part.

La littérature abondante – et en partie délirante – issue du Matin des magiciens a familiarisé le lecteur avec les échos de visites extra-terrestres dans les anciens textes sacrés, dont précisément, les Vedas. Une analyse systématique de l'ensemble des traditions écrites et orales se rapportant au sujet n'a pas encore été faite. Mais ce n'est pas la seule énigme qui reste à débrouiller. Si l'homme est plus ancien qu'on ne le croyait voici vingt ans ; si l'idée d'évolution lente et progressive doit être remise en cause ; si le cliché de l'imbécile à face de singe frottant son silex est un « cauchemar d'archéologue classique », le cliché d'une technologie au berceau pendant vingt-cinq mille ans et qui se met brusquement sur ses pieds voici deux siècles pour battre tous les records de vitesse, doit être un délire d'orgueil du même archéologue, décidément névrotique. L'économie des hypothèses devrait impliquer l'hypothèse de technologies avancées dans des civilisations précédant l'histoire. Cette hypothèse risque d'être plus justiciable de l'examen expérimental, que celle de la « magie primitive » qui ressort de l'interprétation subjective et littéraire. Cependant, dit l'archéologue classique, si des techniques avancées existaient dans le passé, pourquoi n'en retrouve-t-on pas de traces ? Or, justement, on en retrouve des traces. Et peut-être en trouverait-on encore plus de traces si l'esprit était disposé à les chercher.

En 1930, un ingénieur allemand, venu remettre en état les égouts de Bagdad, trouve dans les caves du musée de cette ville une caisse contenant « divers objets de culte » non classés. C'est ainsi que Wilhelm Koëning devait découvrir une pile électrique vieille de deux mille ans. Quand John Campbell en 1938, dans sa revue Analog, eut donné à cette affaire quelque publicité, l'université de Pennsylvanie acquit l'étrange petit objet (haut de quinze centimètres) et devait par la suite confirmer qu'il s'agissait bien d'une pile utilisant le fer, le cuivre, un électrolyte et l'asphalte comme isolant. Technique oubliée ou négligée aussitôt que découverte ? Procédé de dorure dans les temples, négligé par la suite ? Instrument de prêtrise pour « faire des miracles » ? Ou vestige d'une connaissance et de pratiques dont on n'avait déjà plus les clés voici deux mille ans, et que l'on met au rebut par ignorance et incapacité ? De nouvelles découvertes auraient été faites en 1967 dans ce même musée de Bagdad. On attend des informations.

En 1901, on retire de la mer au large de l'île d'anti-Cythère, dans l'archipel grec, une amphore datant du IIe siècle avant J.-C. Cette amphore est scellée. On s'aperçoit qu'elle contient un assez gros objet métallique complètement rouillé. En 1946, pour la récupération des engins abandonnés sur les champs de bataille, on met au point un nouveau procédé de récupération des objets oxydés. En 1960, un professeur d'Oxford, Derek de Solla Price, a l'idée d'employer ce procédé pour interroger la masse rouillée de l'amphore d'anti-Cythère. On s'aperçoit alors, par désoxydation et reconstitution, qu'il s'agit d'une machine en bronze spécial destinée à calculer la position des planètes du système solaire. On ne peut dater ce bronze. Le bateau grec qui coula voici deux mille ans, transportait-il dans cette amphore une machine très ancienne dont on ignorait l'emploi ? Dans son ouvrage La Science depuis Babylone, Derek de Solla Price considère que cette découverte a « quelque chose d'effrayant » et plaide pour une révision de l'archéologie.

Le Dr Bergsoe (travaux cités par le professeur Kaj Birket-Smith) devait retrouver en 1965 une technique de dorure, ignorée aujourd'hui, utilisée en Équateur vers l'an 1000 et jusqu'à l'arrivée des Espagnols. On recouvrait un objet à dorer avec un alliage facilement fusible de cuivre et d'or. Puis on martelait et chauffait. Le cuivre se transforme en un oxyde qui se dissout dans un acide végétal, la sève de l'arbre oxalis pubescens. Reste la couche d'or. Cette technique, qui eût pu être brevetée en 1965, est plus facile que la méthode par amalgame ou par électrolyse. Ne peut-on pas penser que des réalisations que nous considérons comme impossibles a priori dans le passé ont pu être effectuées à partir de procédés que nous ignorons ? Notre technologie est-elle la seule efficace ? La nature qui, sans prendre parti, livre ses secrets aussi bien au marxiste qu'au capitaliste, a pu faire des livraisons aussi bien dans le passé « prélogique » que dans notre présent progressiste. Devons-nous, pour rejeter cette hypothèse embarrassante, dire que de telles découvertes technologiques ont été le produit de hasards ? Il s'agit, dans le cas de la dorure, d'un procédé complexe avec quatre phases successives d'opération. Devrons-nous, pour la rejeter d'une autre manière, parler de brusques illuminations obtenues en extase ? Autre exemple : Robert von Heine-Geldern a établi que les techniques de la fonderie du bronze, au Pérou et au Tonkin, 2 000 ans avant J.-C., se ressemblent si étroitement qu'il ne peut s'agir de coïncidences. Il suppose que ces techniques ont pu y être apportées du Tonkin au Pérou par des voyageurs. On aimerait savoir comment ces voyageurs se déplaçaient et pourquoi ils transportaient un manuel de métallurgie. L'économie des hypothèses nous inclinerait à imaginer une source commune. Questions, questions… Mais il en est de plus troublantes ou cocasses.