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Voyez une carte du monde. Est-ce un puzzle dont les morceaux ont été séparés ? La côte est des Amériques semble s'être dessoudée de la côte ouest de l'Europe et de l'Afrique. Écartée peu à peu jusqu'à faire d'un détroit cet Atlantique de quatre mille huit cents kilomètres de large ?

Et l'océan Indien ? L'Afrique du Sud, Madagascar, l'Antarctique et l'Australie, morceaux d'un puzzle aussi, dérivant ? Depuis longtemps, des géologues ont été frappés par les similitudes de formations rocheuses trouvées en Afrique du Sud, dans le Dekkan, à Madagascar, au Brésil, et certains ont émis l'hypothèse d'un continent primitif, le Gondwana. Les premières études de la géologie antarctique les invitèrent à attribuer une partie du continent austral au Gondwana. En décembre 1969, on découvrait dans l'Antarctique (monts Alexandra) le crâne d'un lystrosaurus. C'est un reptile qui aurait vécu au début du secondaire, il y a deux cent trente millions d'années. Des fossiles analogues avaient été trouvés en Afrique du Sud et en Australie. Enfin, il y a des similitudes évidentes entre les flores fossiles de l'Antarctique, de l'Afrique du Sud, de l'Australie et de l'Amérique du Sud. Et le charbon d'Antarctique révèle des fossiles de grands arbres, qui évoquent un climat équatorial.

En 1914, un Allemand, le géophysicien et météorologue Alfred Wegener, avait avancé une hypothèse globale. Selon sa théorie, toutes les terres, à l'origine, formaient un seul bloc. Puis les dislocations se seraient produites, à des époques diverses, et chaque continent serait parti à la dérive. Wegener mourut en 1930, dans une expédition au Groenland. Sa thèse tomba dans le discrédit.

« Moi-même, j'ai commencé mes recherches dans l'intention de démontrer que la théorie de Wegener était absurde », déclarait en 1969 Patrick M. Hurley, professeur de géologie au M.I.T. Mais, devant l'accumulation des faits découverts récemment, il reconnaît que le savant allemand avait raison pour l'essentiel : les continents se déplacent.

En effet, depuis 1950, une nouvelle série d'éléments devait redonner du poids à l'idée de la mobilité de l'écorce terrestre et de la dérive des continents.

Voyons cela. Avec des excuses pour la technicité de ce court exposé.

Le paléomagnétisme est l'étude de la direction et de l'intensité du magnétisme des roches. L'importance de cette magnétisation vient de ce qu'elle est orientée dans la direction du champ magnétique terrestre à l'époque du refroidissement. Dans la roche sédimentaire se trouve donc contenue l'indication de l'orientation du champ magnétique de la terre à une période donnée.

En poursuivant en Europe des études sur des formations rocheuses de plus en plus vieilles, on découvrit que plus les roches sont anciennes, plus elles donnent des positions du pôle paléomagnétique éloignées de celle du pôle géographique actuel. Des roches d'il y a quatre cents millions d'années donnent un pôle situé sur l'Équateur. Donc, ou les pôles, ou les continents, se sont déplacés.

L'étude des roches d'une même époque sur des continents différents devrait donner la même position pour le pôle. Le résultat des expériences fut différent : au lieu de coïncider, les pôles paléo-magnétiques de l'Amérique du Nord tombent systématiquement à l'ouest de ceux de l'Europe. Cela s'expliquerait seulement si l'Amérique du Nord s'était déplacée vers l'ouest par rapport à l'Europe. Ce qui nous ramène à la théorie de la dérive des continents.

De même, les pôles anciens des continents austraux ne coïncident pas avec ceux des pôles de l'hémisphère Nord. Avec une différence cependant : d'autres éléments permettent de penser que les terres de l'hémisphère Sud se sont plus écartées que celles de l'hémisphère boréal.

Les directions de magnétisation à partir de pierres sédimentaires glaciaires en Afrique centrale donnent le pôle Sud en République sud-africaine. Des données analogues en Australie situent le pôle Sud pour cette période dans la partie méridionale de l'Australie. Si ces indications de la position du pôle Sud d'il y a trois cents millions d'années, fournies par l'Afrique et par l'Australie, sont exactes, l'Australie devrait alors être située un peu au nord et au large de la côte est de l'Afrique du Sud. Ceci corroborerait la théorie selon laquelle, il y a trois cents millions d'années, les terres ne formaient qu'une masse.

La thèse de Wegener fut reprise, avec éclat, par Charles H. Hapgood et soutenue par Albert Einstein, toujours ouvert aux idées nouvelles. Einstein préfaçait le travail de Hapgood en ces termes :

« Je reçois fréquemment des communications venant de personnes qui désirent me consulter au sujet de leurs idées inédites. Il va sans dire qu'il est rare que ces idées possèdent une valeur scientifique quelconque. Cependant, la toute première communication que j'ai reçue de M. Hapgood m'a électrisé. Son idée est originale, très simple et, si sa démonstration continue à recevoir des preuves, d'une grande importance pour tout ce qui se rapporte à l'histoire de la surface de la Terre.

« Un grand nombre de données expérimentales indiquent qu'à chaque point de la surface de la Terre où des études peuvent être entreprises avec des moyens suffisants, se produisent de nombreux changements de climat, apparemment soudains. D'après Hapgood, ceci est explicable : la croûte extérieure de la Terre, pratiquement rigide, subirait de temps en temps des déplacements considérables sur les couches intérieures visqueuses, plastiques et peut-être fluides. De tels déplacements peuvent avoir lieu sous l'effet de forces relativement faibles exercées sur la croûte, ces forces dérivant du moment de rotation de la Terre lequel, à son tour, va tendre à altérer l'axe de rotation.

« Dans une région polaire, la glace se dépose de façon continue, mais celle-ci n'est pas distribuée symétriquement autour du pôle. La rotation de la Terre agit sur ces masses de glace de façon non régulière et produit un mouvement d'action centrifuge qui est transmis à la croûte rigide de la Terre. Ce mouvement centrifuge, qui s'accroît constamment, aura, en atteignant une certaine force, déclenché un glissement de la croûte terrestre sur le reste du corps de la Terre, ce qui rapprochera les régions polaires de l'Équateur.

« Il n'y a pas de doute sur le fait que la croûte terrestre est suffisamment résistante pour ne pas s'effondrer sous le poids des glaces. La question est maintenant de savoir si cette croûte terrestre peut effectivement glisser sur les couches internes.

« L'auteur ne s'est pas borné à un simple exposé de cette idée. Il a présenté, d'une façon à la fois prudente et complète, un matériel extrêmement riche qui confirme sa théorie. Je pense que cette idée étonnante, et même passionnante, mérite l'attention sérieuse de quiconque s'occupe des problèmes de l'évolution de la Terre.

« Je voudrais ajouter, pour terminer, une observation qui m'est venue à l'esprit pendant que j'écrivais ces lignes : Si la croûte de la Terre peut se déplacer si facilement, cela suppose que les masses rigides de la surface terrestre doivent être distribuées de façon à ne pas donner naissance à une inertie centrifuge suffisamment importante pour provoquer le glissement. Je pense que cette déduction devrait être possible à vérifier au moins de manière approximative. En tout cas, ce mouvement centrifuge doit être plus faible que celui produit par les masses de glace déposées. »

La préface d'Einstein ramena l'attention sur l'idée de la mobilité des continents.

Hapgood admet l'existence, sous la croûte terrestre, d'une couche visqueuse sur laquelle les continents glisseraient, comme des icebergs sur l'eau. De fait, par des indices indirects, par la sismographie, on croit savoir que l'épaisseur de la Terre serait composée ainsi :