[151] Ou plutôt Fugger. C’était le nom d’une famille originaire de la Souabe et établie à Augsbourg, où elle vivait comme les Médicis à Florence. La richesse des Fucar était devenue proverbiale; et en effet, lorsque, à son retour de Tunis, Charles-Quint logea dans leur maison d’Augsbourg, on mit dans sa cheminée du bois de cannelle, et on alluma le feu avec une cédule de payement d’une somme considérable due aux Fucar par le trésor impérial. Quelques membres de cette famille allèrent s’établir en Espagne, où ils prirent à ferme les mines d’argent de Hornachos et de Guadalcanal, celle de vif-argent d’Almaden, etc. La rue où ils demeuraient à Madrid s’appelle encore calle de los Fucares.
[152] La relation des prétendus voyages de l’infant don Pedro a été écrite par Gomez de Santisteban, qui se disait un de ses douze compagnons.
[153] Les cartes à jouer, d’après Covarrubias, furent appelées naipes en Espagne, parce que les premières qui vinrent de France portaient le chiffre N. P., du nom de celui qui les inventa pendant la maladie de Charles VI, Nicolas Pépin. Mais ce fut Jacquemin Gringonneur qui coloria les cartes au temps de Charles VI, et dès longtemps elles étaient inventées et répandues par toute l’Europe. En effet, dans l’année 1333, elles furent prohibées en Espagne par l’autorité ecclésiastique; de plus, elles sont citées dans notre vieux roman du Renard contrefait, que son auteur inconnu écrivit entre 1328 et 1342, ainsi que dans le livre italien Trattato del governo della famiglia, par Sandro di Pippozzo di Sandro, publié en 1299.
[154] On accordait fort difficilement, du temps de Cervantes, des licences pour publier un livre. Le docteur Aldrete, qui fit imprimer à Rome, en 1606, son savant traité Origen y principio de la lengua castellana, dit, dans le prologue adressé à Philippe III, qu’on avait alors suspendu en Espagne, pour certaines causes, toutes les licences d’imprimer des livres nouveaux.
[155] Cervantes fait allusion à son protecteur, le comte de Lémos, auquel il dédia la seconde partie du Don Quichotte.
[156] Una sota-ermitaño. Expression plaisante pour dire la servante de l’ermite, qui s’en faisait le lieutenant.
[157] Una ventaja. On appelait ainsi un supplément de solde attribué aux soldats de naissance, qui se nommaient aventajados, et qui furent depuis remplacés par les cadets. Il s’accordait également pour des services signalés, et c’est ainsi que Cervantes reçut une ventaja de don Juan d’Autriche.
[158] Officier municipal, échevin.
[159] Albricias, présent qu’on fait au porteur d’une bonne nouvelle.
[160] Quel poisson prenons-nous? Expression italienne prêtée par Cervantes à don Quichotte.
[161] Alzar ou levantar figuras judiciarias. On appelait ainsi, parmi les astrologues, au dire de Covarrubias, la manière de déterminer la position des douze figures du zodiaque, des planètes et des étoiles fixes, à un moment précis, pour tirer un horoscope.
[162] Ce n’était pas seulement en Espagne que régnait la croyance à l’astrologie. «En France, dit Voltaire, on consultait les astrologues, et l’on y croyait. Tous les mémoires de ce temps-là… sont remplis de prédictions. Le grave et sévère duc de Sully rapporte sérieusement celles qui furent faites à Henri IV. Cette crédulité… était si accréditée qu’on eut soin de tenir un astrologue caché près de la chambre de la reine Anne d’Autriche, au moment de la naissance de Louis XIV. Ce que l’on croira à peine… c’est que Louis XIII eut, dès son enfance, le surnom de Juste, parce qu’il était né sous le signe de la Balance.» (Siècle de Louis XIV.)
[163] Traducteur, interprète. [Note du correcteur.]
[164] «Callaron todos, Tirios y Troyanos.» C’est le premier vers du second livre de l’Énéide: Conticuere omnes, etc., tel qu’il est traduit par le docteur Gregorio Hernandez de Velasco, dont la version, publiée pour la première fois en 1557, était très-répandue dans les universités espagnoles.
[165] Ces vers et ceux qui seront cités ensuite sont empruntés aux romances du Cancionero et de la Silva de romances, où se trouve racontée l’histoire de Gaïferos et de Mélisandre.
[166] Ce vers est répété dans un romance comique, composé sur l’aventure de Gaïferos, par Miguel Sanchez, poëte du dix-septième siècle:
Melisendra esta en Sansueña,
Vos en Paris descuidado;
Vos ausente, ella muger;
Harto os he dicho, miradio.
[167] Le roi Marsilio, si célèbre dans la chanson de Roland sous le nom du roi Marsille, était Abd-al-Malek-ben-Omar, wali de Saragosse pour le khalyfe Abdérame Ier; il défendit cette ville contre l’attaque de Charlemagne. Dans les chroniques du temps, écrites en mauvais latin, on le nomma Omaris filius, d’où se forma, par corruption, le nom de Marfilius ou Marsilius. (Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, tome I, chap. III.)
[168] La dulzaïna, dont on fait encore usage dans le pays de Valence, est un instrument recourbé, d’un son très-aigu. La chirimia (que je traduis par clairon), autre instrument d’origine arabe, est une espèce de long hautbois, à douze trous, d’un son grave et retentissant.
[169] Vers de l’ancien romance Como perdió a España el rey don Rodrigo. (Cancionero general.)
[170] Il y a trente-quatre maravédis dans le réal.
[171] En style familier, prendre la guenon (tomar ou coger la mona) veut dire s’enivrer.
[172] No rebuznaron en valde
El uno y el otro alcalde.
[173] Les alcaldes sont, en effet, élus parmi les régidors.
[174] Dans le roman de Persilès et Sigismonde (liv. III, chap. x), Cervantes raconte qu’un alcalde envoya le crieur public (pregonero) chercher deux ânes pour promener dans les rues deux vagabonds condamnés au fouet. «Seigneur alcalde, dit le crieur à son retour, je n’ai pas trouvé d’ânes sur la place, si ce n’est les deux régidors Berrueco et Crespo qui s’y promènent. – Ce sont des ânes que je vous envoyais chercher, imbécile, répondit l’alcalde, et non des régidors. Mais retournez et amenez-les-moi: qu’ils se trouvent présents au prononcé de la sentence. Il ne sera pas dit qu’on n’aura pu l’exécuter faute d’ânes: car, grâces au ciel, ils ne manquent pas dans le pays.»