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Drapés d’écarlate et coiffés de salades à mufle de lion, des gardes Lannister étaient plantés, muets, sur tout un côté de la salle. Sur l’autre stationnaient les manteaux d’or de ser Jacelyn. Bronn et ser Preston se tenaient de part et d’autre de l’escalier du trône. Dans la tribune se pressaient des courtisans, tandis que les solliciteurs étaient massés auprès des gigantesques portes de chêne bardé de bronze. En dépit de sa pâleur laiteuse, Sansa Stark était particulièrement ravissante, ce matin. Lord Gyles dandinait ses quintes de toux, le pauvre cousin Tyrek avait les mains encombrées par le mantelet, vair et velours, de sa nouvelle moitié. Depuis trois jours qu’il avait épousé la petite lady Ermesande, les autres écuyers l’accablaient du sobriquet « Nounou » et le harcelaient de questions sur la layette de sa fiancée durant la nuit de noces.

Après avoir promené son regard sur tous, Tyrion découvrit qu’il en éprouvait du plaisir. « Que s’avance ser Cleos Frey ! » Sa voix se répercuta sur les murs de pierre et résonna jusque dans le fond. Il en fut également charmé. Dommage que Shae ne puisse voir cela. Elle avait demandé à venir, mais le permettre était inconcevable.

Sans un regard à droite ni à gauche, ser Cleos remonta toute la salle entre les manteaux écarlates et or. Et, lorsqu’il s’agenouilla, Tyrion nota qu’il se dégarnissait.

C’est Littlefinger qui, de la table du Conseil, ouvrit le feu. « Soyez remercié, ser Cleos, de nous avoir apporté les offres de paix de lord Stark. »

Le Grand Mestre Pycelle s’éclaircit la gorge. « La reine régente, la Main du roi et le Conseil restreint ont examiné les conditions de ce prétendu roi du Nord. Elles sont, par malheur, inacceptables, et vous devrez l’en aviser.

— Voici les nôtres , en revanche, intervint Tyrion. Robb Stark devra déposer l’épée, jurer fidélité puis retourner à Winterfell. Il devra libérer mon frère sain et sauf, lui remettre le commandement de sa propre armée, qui marchera contre les rebelles Stannis et Renly Baratheon. Chacun de ses bannerets devra nous envoyer un fils en otage. Une fille y suppléera, en l’absence de fils. Ils seront tous traités avec égards et se verront attribuer des postes éminents à la Cour, sous réserve que leurs pères ne trahissent pas derechef. »

Ser Cleos parut atterré. « Messire Main, dit-il, jamais lord Stark ne consentira. »

Nous l’escomptons justement, Cleos. « Prévenez-le que nous avons levé une seconde armée puissante à Castral Roc, qu’elle marchera incessamment contre lui par l’ouest, tandis que mon père avance par l’est. Prévenez-le qu’il devra les affronter seul et sans espoir de se faire des alliés. Stannis et Renly Baratheon sont entrés en guerre l’un contre l’autre, et le prince de Dorne est convenu de marier son fils, Trystan, à la princesse Myrcella. »

Des murmures où le ravissement se mêlait à la consternation s’élevèrent de la tribune et du fond de la salle.

« Pour ce qui est de mes cousins, poursuivit-il, nous offrons Harrion Karstark et ser Wylis Manderly contre Willem Lannister, lord Cerwyn et ser Donnel Locke contre votre frère, Tion. Informez Stark qu’en toute saison deux Lannister valent quatre hommes du Nord. » Il attendit que les rires se fussent éteints. « Il aura les os de son père, en gage de la bonne foi de Joffrey.

— Lord Stark réclamait également ses sœurs et l’épée de son père », rappela ser Cleos.

Ser Ilyn Payne se tenait là, muet. Par-dessus son épaule se voyait la garde de la longue épée d’Eddard Stark. « Glace, dit Tyrion. Elle lui reviendra lorsqu’il aura fait sa paix avec nous. Pas avant.

— Soit. Et ses sœurs ? »

Tyrion jeta un coup d’œil vers Sansa, et c’est le cœur blessé de compassion qu’il répondit : « Tant qu’il ne libérera pas sain et sauf mon frère Jaime, elles demeureront nos otages ici. Il ne tient qu’à lui qu’elles soient bien traitées. » Et, les dieux aidant, Prédeaux retrouvera Arya vivante avant que Robb n’apprenne qu’elle a disparu.

« Je lui transmettrai votre message, messire. »

Tyrion donna une pichenette à l’une des lames tordues qui vrillaient le bras du trône. Et maintenant, l’estocade. « Vylar ? appela-t-il.

— Messire.

— Pour protéger les os d’Eddard Stark, les gens de Stark suffisent, mais un Lannister devrait avoir une escorte de Lannister, déclara-t-il. Ser Cleos est le cousin de la reine tout comme le mien. Nous aurons un sommeil plus serein si vous vous chargez de le ramener sain et sauf à Vivesaigues.

— A vos ordres. Combien d’hommes dois-je emmener ?

— Mais tous, voyons. »

Comme Vylar demeurait pétrifié, le Grand Mestre Pycelle se dressa, bredouillant : « Mais cela, messire Main…, cela ne se peut… Votre… votre père en personne, lord Tywin, a envoyé ces braves dans notre ville afin de protéger la reine Cersei et ses enfants…

— La Garde et le Guet suffisent à leur protection. Les dieux veillent sur votre voyage, Vylar. »

A la table du Conseil, Varys souriait d’un air entendu, Littlefinger affectait posément l’ennui, et Pycelle, pâle, interdit, bâillait comme une carpe. Un héraut s’avança. « S’il est quiconque, en ce lieu, qui souhaite soumettre d’autres sujets à la Main du roi, qu’il parle, à présent, ou qu’il se retire en silence.

— Je désire être entendu, moi. » Un individu maigre et de noir vêtu se fraya passage entre les jumeaux Redwyne.

« Ser Alliser ! s’écria Tyrion. Si je m’attendais à vous voir à la Cour… Hé quoi, vous auriez dû me faire signe.

— Et je l’ai fait, vous le savez pertinemment. » Le visage en lame de couteau, le poil poivre et sel, l’œil dur, la main sèche et la cinquantaine anguleuse, il hérissait toutes ses épines. « On m’a esquivé, ignoré, laissé poireauter comme le dernier des larbins.

— Vraiment ? Cela n’est pas bien, Bronn. Ser Alliser et moi sommes de vieux amis. Nous avons arpenté le Mur de conserve.

— Cher ser Alliser, murmura Varys, ne nous jugez pas si sévèrement… Notre Joffrey se voit submergé de suppliques, par ces temps de troubles et de tumulte.

— Des temps plus troublés, eunuque, que tu ne le sais.

— En sa présence, rectifia le sardonique Littlefinger, c’est du lord Eunuque que nous lui donnons.

— En quoi pouvons-nous vous aider, brave frère ? s’enquit Pycelle, tout sucre tout miel.

— Le lord Commandant m’a chargé d’une mission auprès de Sa Majesté, répliqua Thorne. L’affaire est trop grave pour se confier à des serviteurs.

— Le roi est en train de jouer avec sa nouvelle arbalète », l’informa Tyrion. Se débarrasser de Joffrey n’avait en effet requis qu’une arbalète de Myr encombrante au possible mais qui décochait quatre carreaux simultanément et que le roi, dût l’univers crouler, avait exigé de tester sur-le-champ. « Vous parlerez à ses serviteurs ou bien vous tairez.

— Il en sera selon votre bon plaisir. » Chaque mot lui écorchait manifestement la gorge. « Je suis chargé de vous informer que nous avons découvert deux de nos patrouilleurs portés disparus depuis longtemps. Ils étaient morts et, cependant, après que nous les eûmes rapportés au Mur, ils se relevèrent durant la nuit. L’un tua ser Jaremy Rykker, pendant que l’autre essayait d’assassiner le lord Commandant. »

De sa place, Tyrion perçut un ricanement lointain. A quoi riment ces balivernes ? Veut-il se ficher de moi ? On ne peut plus mal à l’aise, il changea de position tout en jetant un coup d’œil sur Varys, Pycelle et Littlefinger : l’un d’eux jouait-il un rôle dans cette farce ? Un nain se délectait outre mesure de détenir un rien de dignité. Un jour, la Cour et le royaume se prirent à rire de lui, et ce fut sa perte. Néanmoins…, oui, néanmoins…