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— Sa Grâce la reine régente m’envoie vous commander de relâcher le Grand Mestre Pycelle. » Il exhiba un ruban écarlate dont le cachet de cire d’or était scellé du lion de Cersei. « Voici, pour le certifier.

— Oui, oui. » Tyrion le balaya d’un revers de main. « Ma sœur n’abuse pas de ses forces, j’espère, à peine relevée de sa maladie. Une rechute serait déplorable.

— Sa Grâce est tout à fait remise, dit Lancel d’un ton sec.

— Vous m’en voyez charmé. » Sauf que le refrain ne m’emballe point. J’aurais dû forcer sur la dose. Il avait escompté quelques jours supplémentaires de coudées franches, mais la prompte convalescence de Cersei ne le consternait pas outre mesure. Elle était la jumelle de Jaime, après tout. Il se contraignit à sourire avec affabilité. « Fais-nous du feu, Pod, cette ambiance glaciale m’est désagréable. Prendrez-vous une coupe avec moi, Lancel ? Figurez-vous que le vin aux épices m’aide à dormir…

— Je n’ai que faire d’une telle aide, trancha ser Lancel. Je suis venu sur ordre de Sa Grâce, pas pour boire en votre compagnie, Lutin. »

Sa chevalerie l’avait décidément rendu plus outrecuidant, rumina Tyrion – elle, et la part pitoyable qu’il avait prise au meurtre de Robert. « Le vin n’est en effet pas sans danger. » Il se mit à sourire, tout en versant. « Quant au Grand Mestre Pycelle…, si son sort touchait si fort ma chère sœur, elle serait venue en personne, je pense. Et elle se contente de vous envoyer. Que dois-je en déduire ?

— Déduisez ce qui vous plaira, mais relâchez votre prisonnier. En sa qualité d’ami indéfectible, le Grand Mestre se trouve placé sous la sauvegarde personnelle de la reine régente. » L’ombre d’un ricanement passa sur les lèvres du freluquet ; cette scène le ravissait. Il prend ses leçons de Cersei. « Jamais Sa Grâce ne tolérera cet outrage. Elle vous rappelle qu’elle est la régente de Joffrey.

— Comme je suis la Main de Joffrey, moi.

— La Main sert, l’informa le jeune chevalier d’un air hautain, le régent gouverne jusqu’à la maturité du roi.

— Si vous me mettiez cela noir sur blanc, peut-être me le remémorerais-je plus aisément. » Le feu pétillait gaiement. « Tu peux nous laisser, Pod. » Il attendit que l’écuyer se fût retiré pour en revenir à Lancel : « Autre chose ?

— Oui. Sa Grâce me charge de vous aviser que ser Jacelyn Prédeaux a osé défier un ordre expressément donné au nom du roi. »

Ce qui signifie que Cersei lui a déjà commandé de relâcher Pycelle et en a essuyé un refus. « Je vois.

— Elle exige que cet individu soit démis de sa charge et arrêté pour félonie. Je vous avertis… »

Tyrion reposa sa coupe. « Garde tes avertissements pour toi, mon gars.

— Ser », rectifia l’autre avec raideur. Il porta la main à son épée, peut-être afin de souligner qu’il en avait une. « Prenez garde à votre manière de me parler, Lutin. » Sans doute entendait-il prendre un ton menaçant, mais sa dérision de moustache ruinait l’effet.

« Oh, lâche ce joujou… Un seul cri de ma part, et Shagga entre en trombe et te tue. A la hache, et non avec une gourde de vin. »

Lancel s’empourpra. Etait-il bête au point de se figurer que son rôle dans la mort de Robert était passé inaperçu ? « Je suis un chevalier…

— J’en ai pris note. Dis-moi un peu… Quand Cersei t’a-t-elle fait chevalier ? avant ou après t’avoir mis dans son lit ? »

Le vacillement qu’il perçut dans les prunelles vertes de Lancel suffit à édifier Tyrion. Ainsi, Varys disait vrai. Eh bien, nul ne pourra du moins reprocher à ma sœur de ne pas aimer sa famille. « Hé quoi, c’est tout ? Plus d’avertissements à m’offrir, ser ?

— Vous allez retirer ces ignobles accusations, ou bien…

— De grâce. As-tu un instant réfléchi à ce que fera Joffrey quand je lui aurai révélé que tu as assassiné son père pour baiser sa mère ?

— Ça ne s’est pas passé ainsi ! protesta Lancel, horrifié.

— Non ? Et ça s’est passé comment, je te prie ?

— C’est la reine qui m’a remis ce vin corsé ! Et votre propre père, lord Tywin, m’a ordonné de lui obéir aveuglément, lorsqu’on m’a nommé écuyer du roi.

— Et c’est aussi sur son ordre que tu as couché avec elle ? » Regarde-le… Un peu moins grand, des traits moins parfaits, les cheveux blonds au lieu d’être filés d’or, et cependant… Même une pâle copie de Jaime vaut mieux qu’un lit vide, je présume. « Non, m’est avis que non.

— Je… Jamais je n’ai voulu dire… J’ai simplement exécuté les ordres, en…

— … en dépit de l’horreur constante qu’ils t’inspiraient, c’est ela que tu comptes me faire gober ? Une position éminente à la Cour, la chevalerie, les cuisses de ma sœur t’accueillant la nuit, oh, oui, ç’a dû être un supplice de tous les instants. » Il se leva. « Attends ici. Sa Majesté sera trop heureuse d’entendre cela. »

Instantanément disparut la mine arrogante du chevalier, et c’est un gamin effaré qui tomba à ses genoux. « Pitié, messire, je vous en conjure.

— Garde ça pour Joffrey. Il adore qu’on le conjure instamment.

— C’est bien sur ordre de votre sœur, la reine, vous l’avez deviné, messire…, mais Sa Majesté…, jamais il ne comprendra…

— Tu voudrais que je cache la vérité au roi ?

— Au nom de mon père, je vous en supplie ! Je quitterai la ville, et tout sera comme si rien n’était arrivé ! Je le jure, je romprai ma… mon… »

C’était dur de garder son sérieux. « Je ne suis pas de cet avis. »

Du coup, le gosse eut l’air perdu. « Pardon, messire ?

— Tu as bien entendu. Mon père t’a commandé d’obéir à ma sœur ? Fort bien, obéis-lui. Demeure à ses côtés, conserve sa confiance, fais-la jouir aussi souvent qu’elle t’en requiert. Personne n’en saura rien…, tant que tu me tiendras parole. Je veux savoir ce que fait Cersei. Où elle va, qui elle voit, de quoi l’on parle, quels plans elle ourdit. Tout. Et c’est toi qui me le diras, n’est-ce pas ?

— Oui, messire. » Il avait répondu sans la moindre hésitation. Tyrion apprécia. « Je le ferai. Je le jure. A vos ordres.

— Lève-toi. » Il emplit la seconde coupe, la lui remit. « Bois à notre entente. Je te garantis qu’il n’y a pas, à ma connaissance, de sangliers dans le château. » Lancel leva la coupe et but, non sans roideur. « Souris, cousin. Ma sœur est belle, et tout cela ne vise qu’au bien du royaume. La chevalerie n’est rien. Montre-toi malin, et tu recevras de moi une seigneurie avant d’en avoir terminé. » Il fit tournoyer le vin dans sa propre coupe. « Il faut que Cersei ait en toi une foi absolue. Retourne lui dire que je la prie de me pardonner. Dis-lui que tu m’as effrayé, que je ne veux pas de conflit avec elle, que, dorénavant, je ne ferai rien sans son consentement.

— Mais… ses exigences… ?

— Oh, Pycelle, je le lui donne.

— Vraiment ? » Lancel était abasourdi.

Tyrion sourit. « Je le relâcherai demain. Je pourrais jurer que je n’ai pas touché un seul de ses cheveux, mais ce serait quelque peu jouer sur les mots. En tout cas, il se porte assez bien ; encore que je ne réponde pas de sa vitalité ; les oubliettes ne sont pas un lieu des plus sain pour un homme de son âge. Que Cersei l’expédie au Mur ou le prenne pour toutou, je m’en balance, mais je ne veux plus de lui au Conseil.

— Et ser Jacelyn ?