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Il avait lui aussi choisi une femme pour porte-enseigne, mais rien du sexe de Brienne ne transparaissait sous la visière abaissée du heaume et l’armure de plates qui la corsetait. En haut de sa lance de douze pieds caracolait au gré du vent marin, noir sur or, le cerf couronné.

Le cadet se vit accueillir sans effusions. « Lord Renly.

— Roi Renly. Est-ce bien toi, Stannis ? »

Stannis se renfrogna. « Qui serait-ce d’autre ? »

Renly haussa sans façons les épaules. « Ton étendard m’en faisait douter. Quelle bannière est-ce là ?

— La mienne. »

La prêtresse rouge intervint. « Le roi a pris pour emblème le cœur ardent du Maître de la Lumière. »

L’explication parut divertir Renly. « Tant mieux. Si nous utilisions la même bannière, la bataille serait abominablement confuse.

— Espérons, glissa Catelyn, qu’il n’y aura pas de bataille. Nous avons un adversaire commun qui n’aspire qu’à notre ruine à tous. »

Stannis la considéra d’un air sévère. « Le trône de Fer me revient de droit. Tous ceux qui le contestent sont mes adversaires.

— Le royaume entier le conteste, frère, dit Renly. L’ancêtre le conteste avec un cliquetis macabre, l’à-naître le conteste au ventre maternel. On le conteste à Dorne, on le conteste au Mur. Nul ne te veut pour roi. Désolé. »

Mâchoires bloquées, traits durcis, Stannis grinça : « J’avais juré de ne jamais traiter avec toi tant que tu porterais ta couronne de traître. Que n’ai-je tenu parole.

— Sornettes ! s’emporta Catelyn. Lord Tywin occupe Harrenhal avec vingt mille épées. Ce qui reste des troupes du Régicide s’est regroupé à la Dent d’Or, une nouvelle armée Lannister se forme à l’ombre de Castral Roc, Cersei et son fils tiennent Port-Réal et votre inestimable trône de Fer. Vous vous intitulez roi tous les deux mais, tandis que le royaume saigne, aucun de vous ne brandit l’épée pour le défendre comme fait mon fils. »

Renly haussa les épaules. « Si votre fils a remporté quelques batailles, moi, je gagnerai la guerre. Les Lannister n’ont qu’à attendre mon bon plaisir.

— Si vous avez rien à proposer, faites, trancha Stannis, ou je me retire.

— Fort bien, riposta Renly. Je te propose de mettre pied à terre, de ployer le genou et de me jurer allégeance. »

Fou de rage, Stannis hoqueta : « Ça, jamais !

— Tu as bien servi Robert, pourquoi pas moi ?

— Robert était mon aîné. Tu es mon cadet.

— En effet, ton cadet. Plus jeune, plus hardi, et infiniment plus aimable…

— … et voleur et usurpateur, par-dessus le marché. »

Renly haussa les épaules. « Les Targaryens taxaient Robert d’usurpation. Il en portait allègrement la honte, semble-t-il. Je ferai de même. »

En pleine aberration… « Entendez-vous ce que vous dites ? Vous seriez mes fils, je cognerais vos crânes l’un contre l’autre, puis je vous enfermerais dans la même chambre jusqu’à ce que vous vous souveniez que vous êtes frères ! »

Stannis lui coula un regard de travers. « Vous vous oubliez par trop, lady Stark. Je suis le roi légitime, et votre fils rien de plus qu’un félon, tout comme mon frère. Son heure sonnera aussi. »

L’impudence de la menace la mit en fureur. « Vous qualifiez bien libéralement les autres de félons, messire, et d’usurpateurs, mais en quoi différez-vous d’eux ? Vous vous prétendez le seul roi légitime et pourtant, si je ne m’abuse, Robert a laissé deux fils. Comme toutes les lois des Sept Couronnes font du prince Joffrey son héritier légitime, et de Tommen, après lui…, nous sommes tous félons, si bonne que soit notre cause. »

Renly se mit à rire. « Pardonne à lady Catelyn, Stannis. Vivesaigues se trouve au diable, elle en arrive tout d’une traite, elle n’aura pas lu, je crains, ton charmant poulet.

— Joffrey n’est pas de mon frère, affirma Stannis de but en blanc. Tommen non plus. Ils sont bâtards. Et leur sœur aussi. Tous trois sont d’exécrables rejetons d’inceste. »

Même Cersei serait folle à ce point ? Catelyn demeura sans voix.

« Que vous dit de cette histoire exquise, madame ? susurra Renly. Je campais à Corcolline quand lord Tarly en reçut la révélation, laquelle, je confesse, me coupa le souffle. » Il sourit à son frère. « Je ne t’aurais jamais cru si malin, Stannis. Si la chose était seulement véridique, tu serais véritablement l’héritier de Robert.

— Si elle était véridique ? M’accuserais-tu de mensonge ?

— Peux-tu fournir la moindre preuve de cette fable ? »

Stannis se contenta de grincer des dents.

Robert n’a rien dû savoir, réfléchit Catelyn, Cersei l’aurait instantanément payé de sa tête. « Mais si vous saviez la reine coupable d’un crime aussi monstrueux, lord Stannis, pourquoi vous en être tu ?

— Je ne m’en suis pas tu, déclara-t-il, j’ai informé Jon Arryn de mes soupçons.

— De préférence à votre propre frère ?

— Mon frère ne m’a jamais manifesté d’égards que de pure forme, expliqua-t-il. Emanant de moi, ce genre d’accusations aurait paru dicté par la rancune et l’intérêt, une manigance pour me placer en tête de la ligne successorale. Je présumai que Robert se montrerait moins récalcitrant si le dossier lui parvenait par l’intermédiaire de son cher Arryn.

— Ah, dit Renly. Voici la clé d’une mort d’homme.

— Parce que, bougre d’idiot, tu le croyais mort par le plus grand des hasards ? Cersei le fit empoisonner, de peur qu’il ne la dénonce. Il s’était employé à réunir un certain nombre de preuves…

— … qui ont sûrement disparu avec lui. Très très ennuyeux. »

En fouillant sa mémoire, Catelyn recomposait le puzzle. « Dans une lettre qu’elle m’a fait parvenir à Winterfell, ma sœur accusait effectivement la reine du meurtre de son mari, admit-elle. Mais, par la suite, aux Eyrié, c’est au frère de Cersei, Tyrion, qu’elle l’imputa. »

Stannis émit un reniflement. « Quand vous mettez le pied sur un nid de serpents, que vous importe qui mord le premier ?

— Pour ne pas manquer de piquant, toutes ces salades d’inceste et de serpents ne changent strictement rien, Stannis. Tes prétentions sont peut-être les mieux fondées, mais c’est sous moi que marche la plus forte armée. » La main de Renly se faufila sous son manteau. Stannis s’en aperçut et, sur-le-champ, porta la sienne à son épée, mais il n’eut pas le temps de dégainer que son frère exhibait… une pêche. « En voudrais-tu une, frère ? demanda-t-il en souriant. De Hautjardin. Jamais tu n’as goûté rien de si fondant, sur ma foi. » Il y planta ses dents, le jus lui en dégoulina au coin de la bouche.

« Je ne suis pas venu manger des fruits. » Il écumait.

« Messires ! s’interposa Catelyn. Au lieu d’échanger des sarcasmes, nous devrions être en train de peaufiner les termes d’une alliance.

— On ne devrait jamais refuser de goûter une pêche, reprit Renly en jetant le noyau. L’occasion peut ne jamais se représenter. La vie est courte, Stannis. Souviens-toi du mot des Stark : “L’hiver vient”… » Il s’essuya les lèvres d’un revers de main.

« Je ne suis pas venu non plus me laisser menacer.

— Ni l’être ! aboya Renly. Quand je proférerai des menaces, tu le sauras. Pour parler net, Stannis, je ne t’ai jamais aimé, mais comme tu n’en es pas moins mon sang, je n’ai aucune envie de te tuer. Ainsi, si c’est Accalmie que tu veux, prends-le…, mais comme un cadeau fraternel. De même que Robert me le donna jadis, de même te le donné-je.