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Incapable de tenir en place, le loup-garou fit le tour du feu, flairant Jon et flairant le vent, mais ce n’était pas de viande qu’il semblait soucieux. Lorsque les morts se baladaient, lui ne s’y est pas trompé. Et il m’a réveillé, mis en garde. L’angoisse le fit sauter sur ses pieds. « Il y a quelque chose, là, dehors ? Tu le sens, Fantôme ? » Dywen a parlé d’une odeur de froid.

En trois bonds, le loup détala. S’arrêta. Jeta un regard en arrière. Il veut que je le suive. Remontant la capuche de son manteau, il s’éloigna de son feu, s’éloigna des tentes, et il allait dépasser les alignements de chevaux quand le trot furtif de Fantôme fit broncher l’un d’eux. Il apaisa celui-ci d’un mot, s’arrêta pour lui flatter les naseaux. Aux abords du mur se percevait le sifflement du vent qui s’engouffrait dans chaque interstice des pierres. Interpellé par un « Qui va là ? », Jon s’avança dans le halo de la torche. « Je vais chercher de l’eau pour le lord Commandant.

— Va, dans ce cas,dit le garde. Fais vite. » Emmitouflé jusqu’au nez dans son manteau noir pour se protéger de la bise, il ne s’inquiéta pas seulement de savoir si Jon portait un seau.

Suivant toujours le loup qui se faufila par-dessous, lui-même se glissa de biais entre deux pieux pointus. On avait planté une torche dans une crevasse, et chaque rafale lui arrachait des flammèches orange pâle qui lui faisaient comme une banderole. Au moment d’enfiler la brèche, il la rafla, la brandit devant lui pour éclairer la pente et, laissant dévaler le loup, adopta pour sa part une allure plus modérée. Bientôt s’estompèrent les bruits du camp. D’encre était la nuit, raide la descente, et caillouteuse et propice aux faux pas. Une seconde d’inadvertance, et il se romprait une cheville…, voire le cou. Suis en train de fiche ? se demanda-t-il tout en surveillant ses pieds.

En bas, les arbres qui, tels d’innombrables guerriers en armures de feuilles et d’écorce, n’attendaient, muets, qu’un signal pour submerger la butte. Noirs, eût-il dit…, jusqu’à ce que la lueur de la torche en effleure la lisière et y suscite un soupçon de vert. A peine plus qu’un murmure, la rumeur du torrent sur son lit rocheux. Fantôme s’évanouit dans les fourrés. Jon l’y suivit tant bien que mal, l’oreille tendue vers la voix des eaux, le soupir du vent dans les frondaisons. Des branches agrippaient son manteau, les troncs pressés dont s’entrelaçaient les membrures abolissaient les astres du firmament.

Immobilisé sur la rive, le loup lapait les flots. « Fantôme ! appela-t-il, ici. Tout de suite. » Quand le loup releva la tête, ses prunelles rouges luisaient d’un éclat funeste, l’eau qui lui dégouttait des babines semblait de la bave, et quelque chose en lui trahit une terrifiante férocité. Puis il reprit sa course sous les bois, et les ténèbres déglutirent sa fine silhouette blanche, en dépit des ordres véhéments de Jon : « Non Fantôme ! arrête ! » qui n’eut plus d’autre choix que de le suivre ou de remonter.

Il suivit, rageur, torche basse afin de repérer les pierres qui menaçaient à chaque pas de le faire trébucher, les grosses racines qui semblaient n’aspirer qu’à lui cramponner les jambes, les trous trop propices aux entorses. Et il avait beau héler Fantôme à tout instant, le vent qui tourbillonnait sous les arbres noyait ses appels. C’est de la folie ! se disait-il, tout en poursuivant sa plongée dans la jungle, et il était sur le point de retourner en arrière quand il discerna, droit devant puis vers la droite, un éclair pâle qui repartait en direction de la butte. Il se lança à sa poursuite, à bout de souffle et de malédictions.

Il avait contourné un bon quart du Poing sur les traces du loup quand il les perdit à nouveau. Si bien qu’il finit par s’arrêter pour reprendre haleine au pied de la butte, parmi les éboulis, les ronces et les fourrés. Au-delà du halo de la torche, à trois pas, nuit noire.

Un léger grattement l’alerta. Guidé par le bruit, Jon s’aventura prudemment dans ce chaos de roches et d’épineux. Derrière un arbre tombé, Fantôme. Qui, des quatre pattes, creusait le sol avec fureur.

« Qu’as-tu découvert ? » La torche révéla un monticule régulier de terre meuble. Une tombe, songea-t-il. Mais pour qui ?

Il s’agenouilla, planta la torche à ses côtés, prit une poignée de terre. Celle-ci coulait entre les doigts, sableuse. Elle ne contenait ni cailloux ni racines. Quoi que ce fut, ce qu’elle recouvrait ne s’y trouvait que depuis peu. A deux pieds de profondeur, les doigts de Jon rencontrèrent du tissu. Là où il s’était attendu à trouver un cadavre, avait redouté de trouver un cadavre, allait apparaître autre chose. La palpation révélait, sous le vêtement, des formes étroites, inflexibles, aiguës. Aucune odeur. Et pas trace de vers. A reculons, Fantôme se retira de la fosse et, attentif, s’assit sur les déblais.

En écartant peu à peu l’humus, Jon fit apparaître un ballot rond d’environ deux pieds de diamètre. Il glissa ses doigts dessous et sur le pourtour pour le libérer. Quand il y parvint, le contenu du paquet émit une espèce de tintement. Un trésor, pensa-t-il, mais rien dans le contact n’évoquait des pièces, et le son n’était pas non plus celui du métal.

Un bout de corde effiloché entourait le ballot. Jon dégaina son poignard pour la couper puis, saisissant les bords du tissu, tira. Le ballot s’ouvrit à l’envers, et son contenu s’éparpilla sur le sol, avec des miroitements sombres. Une douzaine de couteaux, quelques têtes de lance foliées, tout un tas de pointes de flèches. Jon préleva une lame de dague, noire comme jais, d’une légèreté de plume. L’infime lueur orange que fit courir la torche sur le fil disait assez un affût de rasoir. Du verredragon. Ce que les mestres nomment obsidienne. Fantôme avait-il découvert là quelque antique cache des enfants de la forêt ? Un arsenal enfoui depuis des milliers d’années ? Le Poing des Premiers Hommes ne datait effectivement pas d’hier, mais…

Sous le verredragon se trouvait un vieux cor de chasse fait d’une corne d’aurochs et cerclé de bronze. Jon le secoua pour en faire tomber la terre, et une flopée de pointes de flèches s’en échappa. Sans se soucier de les ramasser, il saisit un coin du tissu qui avait servi à envelopper les armes et le fit rouler entre ses doigts. De bonne laine, épaisse, double tissage, trempée mais en excellent état. Cela prohibait un ensevelissement prolongé. Et de couleur sombre. L’attrapant à pleines mains, il l’approcha de la torche. Pas sombre. Noir.

Ainsi sut-il, dès avant de se lever et de le déployer en le secouant, ce qu’il tenait là : le manteau noir d’un frère juré de la Garde de Nuit.

BRAN

C’est dans la forge, occupé à manier les soufflets pour Mikken, que le dénicha Panse-à-bière. « Le mestre vous demande dans sa tour, m’sire prince. Y a un oiseau qu’est arrivé du roi.

— De Robb ? » Dans son enthousiasme, il préféra ne pas attendre Hodor et se laissa charrier par le messager. Un grand diable, mais pas aussi grand qu’Hodor, et tellement moins costaud qu’en parvenant en haut de l’escalier il soufflait comme un bœuf, bouille violacée. Rickon les avait précédés, ainsi que les deux Walder.

Mestre Luwin congédia Panse-à-bière et referma la porte. « Messires, dit-il d’un ton grave, nous avons reçu un message de Sa Majesté qui nous annonce tout à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles. Il a remporté une grande victoire dans l’ouest en écrasant une armée Lannister, près d’un village nommé Croixbœuf, et s’est également emparé de plusieurs châteaux. Il nous écrit de Cendremarc, forteresse naguère aux Marpheux. »