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« Joffrey est fiancé à Sansa Stark, objecta Cersei.

— Les contrats de mariage, cela se rompt. De quel profit serait au roi de prendre pour épouse la fille d’un félon défunt ?

— Il suffirait de signaler à Sa Majesté que les Tyrell sont bien plus fortunés que les Stark, intervint Littlefinger, et qu’en plus de passer pour une beauté Margaery est d’ores et déjà… baisable.

— En effet, dit Tyrion. Cet argument devrait assez botter Joffrey.

— Mon fils est trop jeune pour se soucier de pareilles choses.

— Tu crois vraiment ? Il a treize ans, Cersei. Tout juste l’âge auquel je me mariai.

— Et cet exploit sordide nous humilia tous. Joff est d’une étoffe autrement plus fine.

— Si fine qu’il a fait déchirer la robe de Sansa par ser Boros.

— Il était en colère contre elle.

— Il était en colère aussi, hier soir, contre ce marmiton qui a renversé le potage, et il ne l’a pas fait mettre à poil.

— Quelques gouttes de potage ne méritaient pas… »

Non, mais quelques jolies larmes le méritaient bien. Après l’incident de la cour, il avait consulté Varys sur la question : comment ménager à Joffrey une visite chez Chataya ? Il espérait qu’une becquée de miel sucrerait son neveu ; inspirerait même à son souverain (dussent s’en offusquer les dieux) quelque gratitude, une once, une ombre, un rien de gratitude dont tirer parti. Le secret le plus absolu s’imposerait, naturellement. Restait à trouver le moyen d’écarter Clegane. Le hic. « Le maudit chien lui rôde toujours plus ou moins dans les jambes, avait souligné Tyrion, mais enfin, tous les hommes dorment. Et certains jouent, vont aux putes ou se saouler dans les bistrots…

— Tout cela, le Limier le fait, si vous tenez à le savoir.

— Non. La seule chose qui m’importe est quand. »

Avec un sourire énigmatique, l’eunuque s’était placé l’index sur la joue. « Un homme soupçonneux penserait, messire, que vous désirez profiter d’un moment où Sandor ne le protège pas pour jouer quelque vilain tour au roi.

— Vous me connaissez sûrement trop bien pour croire cela, lord Varys. En fait, je n’aspire qu’à me faire aimer de Joffrey. »

Varys avait promis d’étudier l’affaire. Mais la guerre présentait un caractère autrement urgent que l’initiation virile de Joffrey… Aussi Tyrion se força-t-il à reprendre : « Nul doute que tu ne connaisses ton fils mieux que moi, mais il y aurait encore, indépendamment de cela, fort à dire en faveur d’un mariage Tyrell. Joffrey n’a peut-être pas d’autre moyen de rester en vie jusqu’à sa nuit de noces. »

Littlefinger approuva. « La petite Stark ne lui apporte que son corps, si gracieux soit-il. Margaery Tyrell apporte, elle, cinquante mille épées et toutes les ressources de Hautjardin.

— Le fait est. » Varys posa sa main douce sur la manche de la reine. « Vous avez un cœur de mère, et je n’ignore pas l’amour que Sa Majesté porte à sa douce et tendre. Mais les rois doivent apprendre à donner aux nécessités du royaume la primauté sur leurs vœux personnels. Je suis d’avis qu’il faut tenter cette ouverture. »

La reine se libéra du contact de l’eunuque. « Vous ne parleriez pas de la sorte si vous étiez des femmes. Dites ce que vous voudrez, messires, mais Joffrey a trop de fierté pour se contenter des restes de Renly. Jamais il ne consentira. »

Tyrion haussa les épaules. « A sa majorité, dans trois ans, le roi sera libre de donner ou de refuser son consentement. D’ici là, tu es sa régente, moi sa Main, et il épousera qui nous lui ordonnerons d’épouser. Restes ou pas. »

Le carquois de Cersei était vide. « Fais tes ouvertures, alors, mais les dieux vous préservent tous que la fille ne déplaise à Joffrey.

— Notre accord m’enchante, s’extasia-t-il. A présent, lequel d’entre nous se rendra-t-il à Pont-l’Amer ? Il faut que notre offre atteigne ser Loras avant qu’il n’ait recouvré son sang-froid.

— Tu veux envoyer un membre du Conseil ?

— Je vois mal le chevalier des Fleurs traiter avec Bronn ou Shagga, non ? Les Tyrell ont leur fierté. »

Sa sœur sauta d’emblée sur l’occasion de retourner à son profit la situation. « Ser Jacelyn Prédeaux est de noble naissance. Envoie-le. »

Tyrion fit un signe de dénégation. « Il nous faut un émissaire dont l’autorité ne se borne pas à transmettre notre message et à rapporter la réponse. Il doit parler au nom du roi comme du Conseil et régler l’affaire en un tournemain.

— La Main parle avec la voix du roi. » Dans les yeux de Cersei, la flamme des bougies avait l’éclat vert du grégeois. « Si nous t’envoyons, Tyrion, ce sera comme si Joffrey se déplaçait personnellement. Solution idéale, tu manies les mots avec autant de virtuosité que Jaime l’épée. »

Si désireuse que cela, Cersei, de me faire quitter la ville ? « Tes éloges me confondent, chère sœur, mais il me semble, à moi, que, pour arranger le mariage d’un garçon, la mère est bien mieux indiquée qu’aucun oncle. Et tu es si douée pour conquérir les cœurs que je ne saurais te disputer la palme.

— Ma présence est indispensable à Joffrey. » Ses yeux s’étaient rétrécis.

« Votre Grâce…, messire Main…, dit Littlefinger, le roi a besoin de vous deux, ici. Laissez-moi partir à votre place.

— Vous ? » Quel profit guigne-t-il là-dedans ? se demanda Tyrion.

« Etant membre du Conseil du roi sans être de sang royal, je ferais un piteux otage. J’ai pas mal fréquenté ser Loras quand il se trouvait à la Cour et ne lui ai jamais donné lieu de ne pas m’aimer. Mace Tyrell ne me voue aucune inimitié non plus, que je sache, et je me flatte de n’être pas un négociateur entièrement dépourvu d’habileté. »

Il nous possède. Si Tyrion se défiait de Petyr Baelish, il ne souhaitait pas non plus le perdre de vue, mais avait-il vraiment le choix ? L’émissaire ne pouvait être que lui-même ou Littlefinger, et il savait pertinemment que, s’il quittait Port-Réal si peu que ce fut, tout ce qu’il avait si péniblement accompli serait démoli. « Des combats se déroulent entre ici et Pont-l’Amer, glissa-t-il prudemment. Et vous pouvez être absolument sûr que lord Stannis va disséminer partout ses propres bergers pour récupérer les agneaux égarés de son frère.

— Je n’ai jamais redouté les bergers. C’est le troupeau qui me chiffonne. Une escorte n’en serait pas moins de rigueur, je suppose.

— Je puis détacher cent manteaux d’or.

— Cinq cents.

— Trois cents.

— Plus quarante – vingt chevaliers et autant d’écuyers. Si je me présente sans une suite de qualité, les Tyrell ne m’accorderont qu’un mince crédit. »

Ce n’était pas faux. « Entendu.

— En feront partie Horreur et Baveux, que j’enverrai à leur seigneur et père, après. En signe de bienveillance. Nous avons besoin de Paxter Redwyne, il est l’ami le plus ancien de lord Mace et jouit dans son propre ressort d’un très grand prestige.

— Un félon ! s’indigna la reine. Qui se serait déclaré pour Renly comme tous les autres, s’il n’avait su que sa marmaille en ferait les frais.

— Renly est mort, Votre Grâce, objecta Littlefinger, et ni Stannis ni Paxter ne sont près d’oublier que, durant le siège d’Accalmie, jadis, c’étaient les galères de l’un qui interdisaient à l’autre la mer. La restitution des jumeaux peut nous valoir les bonnes grâces de lord Redwyne. »

Cersei n’en démordit pas pour si peu. « Aux Autres, ses bonnes grâces ! ses voiles et ses épées, voilà ce que je veux. Et le meilleur moyen de les obtenir à coup sûr est encore de lui visser ses jumeaux. »