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— Nous avions espéré qu’il s’agissait d’un mensonge propagé par nos adversaires ou…

— Hélas pas. C’est mon frère qui commande, à Vivesaigues ?

— Oui, madame. Sa Majesté a chargé ser Edmure de tenir la place ainsi que d’assurer ses arrières. »

Les dieux veuillent qu’il en ait les moyens matériels , songea-t-elle. Avec le sang-froid nécessaire. « Des nouvelles de Robb, depuis son départ ?

— Vous n’êtes pas au courant ? » Il eut l’air suffoqué. « Sa Majesté a remporté une grande victoire à Croixbœuf. Ser Stafford Lannister y a péri, et son armée s’est désintégrée. »

Ser Wendel Manderly lâcha un ouah ! de plaisir, mais Catelyn se contenta d’un hochement muet. Les épreuves du lendemain la tourmentaient plus que les triomphes de la veille ne la rassuraient.

Martyn Rivers avait établi son camp dans la carcasse d’un fort en ruine, à deux pas d’étables à ciel ouvert et d’une centaine de tombes fraîches. Il mit un genou en terre pendant que démontait Catelyn. « Vous tombez à point, madame. Ser Edmure nous a enjoint de guetter votre escorte et de vous ramener au plus vite à Vivesaigues, si nous vous voyions. »

La directive l’alarma. « Mon père… ?

— Non, madame. Etat stationnaire pour lord Hoster. » Avec son teint rougeaud, Rivers ne ressemblait guère à ses demi-frères. « On craignait seulement que vous ne rencontriez des patrouilles Lannister. Lord Tywin a quitté Harrenhal en direction de l’ouest avec l’ensemble de ses forces.

— Relevez-vous », dit-elle, le front soucieux. Stannis Baratheon n’allait pas non plus tarder à marcher. A la grâce des dieux. « Dans combien de temps risque-t-il de nous tomber dessus ?

— Trois jours, quatre peut-être, difficile de savoir au juste. Nous avons eu beau échelonner des yeux sur toutes les routes, mieux vaut ne pas nous attarder. »

Aussi n’en firent-ils rien. Quelques instants suffirent à Rivers pour lever le camp, sauter en selle aux côtés de Catelyn, et ils reprirent la route, forts désormais d’une cinquantaine d’hommes, sous les trois bannières au loup-garou, à la truite au bond et aux tours jumelles.

Pressé de questions sur la victoire de Croixbœuf par les compagnons de lady Stark, Rivers répondit de fort bonne grâce. « A Vivesaigues est arrivé un chanteur qui se fait appeler Rymond Rimeur et qui a composé une chanson sur la bataille. Vous l’entendrez sûrement ce soir, madame. “La nuit du loup”, son titre. » Il ressortit de la suite de son récit que les vestiges de l’armée de ser Stafford s’étaient repliés sur Port-Lannis ; que, faute de machines de siège, il était hors de question de prendre Castral Roc ; et qu’en conséquence le Jeune Loup rendait en nature aux Lannister la dévastation du Conflans. Les lords Karstark et Glover opéraient des razzias le long de la côte ; après avoir capturé des milliers de têtes de bétail, lady Mormont les ramenait vers Vivesaigues ; quant au Lard-Jon, il avait fait main basse sur les mines d’or de Pendricmont, de Castamere et de Trounonnain. Ser Wendel s’esclaffa : « Si vous voulez absolument qu’accoure un Lannister, qu’un truc, menacez son or !

— Mais comment le roi a-t-il pu prendre la Dent d’Or ? s’enquit ser Perwyn. C’est une place foutrement forte, et elle commande le col…

— Il ne l’a pas prise. Il l’a contournée de nuit, mine de rien. On dit guidé par son loup-garou, ce Vent Gris qu’il a. La bête a flairé une piste de chèvre qui sinuait dans une gorge puis grimpait sous une corniche, un sentier, quoi, rocheux, tortueux mais assez large pour des cavaliers à la file. Et, du haut de leurs tours, les Lannister n’y ont vu que du feu. » Rivers baissa la voix. « Le bruit court qu’après la bataille le roi a donné le cœur de Stafford à son loup…

— Contes à dormir debout ! s’indigna Catelyn. Mon fils n’est pas un sauvage.

— Certes, madame, certes. Et cependant, la bête ne méritait pas moins, ce n’est pas un loup ordinaire que celui-là… Le Lard-Jon passe pour avoir dit que ces loups-garous, ce sont les anciens dieux du Nord qui les ont envoyés à vos enfants. »

Le jour où les garçons avaient découvert les chiots dans la neige estivale, s’en souvenait-elle ! Cinq, il y en avait, trois mâles et deux femelles, un pour chacun des cinq enfants légitimes de la maison Stark…, plus un sixième, blanc de fourrure et rouge d’yeux, pour Jon Snow, le bâtard de Ned. Pas des loups ordinaires, songea-t-elle. Vraiment pas.

Comme on dressait le camp, ce soir-là, Brienne vint la trouver sous sa tente. « Vous voici, madame, de retour saine et sauve parmi les vôtres, et à une journée du château de votre frère. Veuillez m’accorder mon congé. »

Catelyn aurait dû s’y attendre. Durant tout le voyage, la chevalière avait fait bande à part et passé le plus clair de son temps à étriller les chevaux ou leur retirer les cailloux des sabots, seconder Shadd pour la cuisine et vider le gibier, chasser aussi, et avec autant d’adresse que quiconque. A quelque tâche que vous la priiez de prêter la main, vous la trouviez docile, adroite et serviable sans récrimination ; lui adressiez-vous la parole, elle répondait poliment, mais jamais elle ne bavardait, jamais ne riait, jamais ne pleurait non plus. En somme, elle avait eu beau chevaucher chaque jour en leur compagnie, dormir chaque nuit parmi eux, elle n’était pas pour autant devenue des leurs.

Elle se comportait de même du vivant de Renly, réfléchit Catelyn. A table comme dans la lice, et jusque sous le pavillon royal, avec ses frères de la garde Arc-en-ciel. Elle vit entourée de murs plus hauts que ceux de Winterfell.

« Où iriez-vous si vous nous quittiez ? demanda-t-elle.

— Derrière, dit Brienne. A Accalmie.

— Seule. » Ce n’était pas une question.

Aussi placide qu’une eau dormante, le large mufle ne trahissait rien de ce qui devait agiter le tréfonds. « Oui.

— Vous voulez tuer Stannis. »

Les gros doigts calleux se crispèrent sur la garde de l’épée. L’épée de Renly, naguère. « J’en ai fait serment. Par trois fois. Vous l’avez entendu.

— Oui », reconnut Catelyn. Des effets trempés de sang dont elle avait dû se débarrasser lors de leur fuite avant d’endosser, faute d’aucun vêtement à sa taille, des frusques hétéroclites prélevées dans la garde-robe de ser Wendel, Brienne, elle le savait aussi, en avait conservé un seul – le manteau arc-en-ciel. « Tenir sa parole est un devoir, je n’en disconviens pas, mais Stannis a pour le protéger une grande armée, sans parler de ses gardes liges.

— Ses gardes ne me font pas peur. Je vaux n’importe lequel d’entre eux. Je n’aurais jamais dû m’enfuir.

— Seriez-vous embarrassée par cette misère que quelque imbécile risque de vous traiter de lâche ? » Elle soupira. « Nul ne saurait vous reprocher la mort de Renly. Lui, vous l’avez servi bravement, mais qui servez-vous, lorsque vous cherchez à le suivre dans la mort ? personne. » Désireuse d’offrir le peu de réconfort que peut procurer le simple contact, elle lui pressa la main. « Je sais combien c’est dur… »

Brienne se dégagea brutalement. « Personne ne le sait.

— Sotte ! riposta Catelyn d’un ton dur. Tous les matins, à mon réveil, je me rappelle que Ned n’est plus. Si je n’ai pas de talent de bretteur, cela signifie-t-il que je ne rêve pas de courir à Port-Réal refermer mes deux mains sur la blanche gorge de Cersei Lannister et serrer, serrer, serrer ! jusqu’à ce que son visage ait viré au noir ? »