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Que penser enfin de cet homme mystérieux, de cet Alexandre Sethon qui, sous le nom du cosmopolite, parcourt l'Europe, opérant devant les princes, en public, transformant tous les métaux en or? Emprisonné par Christian Ii, électeur de Saxe, cet alchimiste dont le mépris des richesses était avéré, car jamais il ne gardait l'or qu'il créait et il vivait comme un pauvre, en priant Dieu, cet alchimiste supporta, tel qu'un saint, le martyre; il se laissa battre de verges, percer avec des pointes, refusa de livrer un secret, qu'il prétendait, ainsi que Nicolas Flamel, tenir du Seigneur même!

Et dire qu'à l'heure actuelle, ces recherches se continuent! Seulement, la plupart des hermétiques renient les vertus médicales et divines de la fameuse pierre. Ils pensent simplement que le grand magistère est un ferment qui, jeté dans les métaux en fusion, produit une transformation moléculaire semblable à celles que les matières organiques subissent lorsque, à l'aide d'une levure, elles fermentent.

Des Hermies, qui connaît ce monde-là, soutient que plus de quarante fourneaux alchimiques sont à présent allumés en France et que dans le Hanovre, dans la Bavière, les adeptes sont plus nombreux encore.

Ont-ils retrouvé l'incomparable secret des anciens âges? -c'est, malgré certaines affirmations, peu probable, puisque personne ne fabrique par artifice ce métal dont les origines sont si bizarres, si douteuses qu'en un procès qui eut lieu, au mois de novembre 1886, à Paris, entre des bailleurs de fonds et M. Popp, le constructeur des horloges pneumatiques de la ville, des chimistes de l'école des mines, des ingénieurs, déclarèrent à l'audience que l'on pouvait extraire l'or des pierres meulières; si bien que les murs qui nous abritent seraient placers et que des pépites se cacheraient dans les mansardes!

C'est égal, reprit-il, en souriant, ces sciences-là ne sont pas propices, car il songeait à un vieillard qui avait installé au cinquième étage d'une maison de la rue Saint-jacques un laboratoire d'alchimiste.

Cet homme, nommé Auguste Redoutez, travaillait, toutes les après-midi, à la Bibliothèque Nationale, sur les oeuvres de Nicolas Flamel; le matin et le soir, il poursuivait près de ses fourneaux la recherche du grand oeuvre.

Le 16 mars de l'an dernier, il sortit de la Bibliothèque avec un voisin de table et lui déclara, en route, qu'il était enfin possesseur du fameux secret. Arrivé dans son cabinet, il jeta des morceaux de fer dans une cornue, fit une projection, obtint des cristaux couleur de sang.

L'autre examina les sels et plaisanta; alors l'alchimiste, devenu furieux, se rua sur lui, le frappa à coups de marteau, dut être garrotté et emporté, séance tenante, à Sainte-anne.

Au seizième siècle, au Luxembourg, on rôtissait les initiés dans des cages de fer; le siècle suivant, en Allemagne, on les branchait, vêtus d'une robe de paillons, à des poteaux dorés; maintenant qu'on leur fiche la paix, ils deviennent fous!

Décidément cela finit tristement, conclut Durtal.

Il se leva pour aller ouvrir la porte, car la sonnette tintait; il revint avec une lettre apportée par le concierge.

Il l'ouvrit. Qu'est-ce que c'est que cela? Fit-il étonné, lisant:

" monsieur, " je ne suis ni une aventurière, ni une femme " d'esprit se grisant de causeries comme d'autres de liqueurs et de parfums, ni une chercheuse d'aventures.

Je suis encore moins une vulgaire curieuse tenant à constater si un auteur a le physique de son oeuvre, ni rien enfin de ce que vous fournirait le champ des suppositions possibles. La vérité c'est que je viens de lire votre dernier roman… " -elle y a mis le temps, car voilà plus d'une année qu'il a paru, murmura Durtal.

"… douloureux comme les battements d'une âme qu'on emprisonne… " -ah zut! -passons les compliments; ils portent à faux du reste, comme toujours!

"… et maintenant, monsieur, bien que je pense qu'il y ait infailliblement folie et bêtise à vouloir réaliser un désir, voulez-vous qu'une de vos soeurs en lassitude vous rencontre, un soir, à l'endroit que vous désignerez, après quoi, nous retournerons, chacun, dans notre intérieur, dans l'intérieur des gens destinés à tomber parce qu'ils ne sont pas placés dans l'alignement. Adieu, monsieur, soyez assuré que je vous tiens pour quelqu'un dans ce siècle de sous effacés.

" ignorant si ce billet aura une réponse, je m'abstiens de me faire connaître. Ce soir, une bonne passera chez votre concierge, et demandera s'il y a une réponse au nom de Mme Maubel. " -hum! Fit Durtal, en repliant la lettre. Je la connais, celle-là; ce doit être une de ces très anciennes dames qui placent des lots oubliés de caresses, des warrants d'âme! Quarante-cinq ans, pour le moins; sa clientèle se compose ou de petits jeunes gens toujours satisfaits, s'ils ne payent point, ou de gens de lettres, peu difficiles à contenter, car la laideur des maîtresses, dans ce monde-là, est proverbiale! – a moins que ce ne soit une simple mystification; – mais de qui? Et dans quel but? Puisque je ne connais plus maintenant personne!

Dans tous les cas, il n'y a qu'à ne pas répondre.

Mais, malgré lui, il rouvrit cette lettre. Voyons, qu'est-ce que je risque? Se dit-il; si cette dame veut me vendre un trop vieux coeur, rien ne m'oblige à l'acquérir; j'en serai quitte pour aller à un rendez-vous.

Oui, mais où le lui fixer ce rendez-vous? Ici, non; une fois chez moi, l'affaire se complique, car il est plus difficile de mettre une femme à la porte que de la lâcher dans un coin de rue. Si je lui indiquais justement l'angle de la rue de Sèvres et de la rue de la Chaise, le long du mur de l'Abbaye-aux-bois; c'est solitaire et puis c'est à deux pas d'ici.

Voyons, commençons d'abord par lui répondre, mais vaguement, sans indiquer de lieu précis; nous résoudrons cette question-là, plus tard, après sa réponse. Et il écrivit une lettre dans laquelle il parlait, lui aussi, de sa lassitude d'âme, déclarait cette entrevue inutile, car il n'attendait plus rien, ici-bas, d'heureux.

Je vais ajouter que je suis souffrant, cela fait toujours bien et puis ça peut excuser, au besoin, des défaillances, se dit-il, en roulant une cigarette.

Là, ça y est; -ce n'est pas bien encourageant pour elle… oh! Et puis… voyons, quoi encore? – eh! Pour éviter le futur crampon, je ne ferai pas mal de lui laisser entendre aussi qu'une liaison sérieuse et soutenue avec moi n'est pas, pour des raisons de famille, possible, et en voilà assez pour une fois…

il plia sa lettre et griffonna l'adresse.

Puis il la tint entre ses doigts et réfléchit.

Décidément c'est une bêtise de répondre; est-ce qu'on sait? Est-ce qu'on peut prévoir dans quels guêpiers mènent ces entreprises? Il savait pourtant bien que, quelle qu'elle soit, la femme est un haras de chagrins et d'ennuis. Si elle est bonne, elle est souvent par trop bête, ou alors elle n'a pas de santé ou bien encore elle est désolamment féconde, dès qu'on la touche. Si elle est mauvaise, l'on peut s'attendre, en plus, à tous les déboires, à tous les soucis, à toutes les hontes. Ah! Quoi qu'on fasse, on écope!

Il se régurgita les souvenirs féminins de sa jeunesse, se rappela les attentes et les mensonges, les carottes et les cocuages, l'impitoyable saleté d'âme des femmes encore jeunes! Non, décidément, ce n'est plus de mon âge, ces choses-là. -oh!

Et puis, pour ce que j'ai besoin maintenant des femmes!

Mais, malgré tout, cette inconnue l'intéressait.

Qui sait? Elle est peut-être jolie? Elle est peut-être aussi, par extraordinaire, pas trop rosse; rien ne coûte de vérifier. Et il relut la lettre. Il n'y a pas de fautes d'orthographe; – l'écriture n'est point commerciale; les idées sur mon livre sont médiocres, mais, dame, on ne peut pas lui demander de s'y connaître! -ça sent discrètement l'héliotrope, reprit-il, en flairant l'enveloppe.