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Comme si le fait de penser à Damon lui avait donné une direction précise, il découvrit qu’il se trouvait sur une pente abrupte juste en face de l’ouverture béante d’une caverne. Un peu plus bas, Damon et les deux gardes, l’épée à la main, gravissaient lentement le sentier. Il essaya de leur faire signe, d’attirer l’attention de Damon. De nouveau, leurs esprits se rejoignirent. Une fois de plus, il voyait avec les yeux de Damon…

… Retenant sa respiration, il posait les pieds aussi silencieusement que possible. Comme l’an dernier, quand nous étions éclaireurs durant les campagnes et que nous allions en reconnaissance…

Des hommes-chats indolemment vautrés devant l’entrée des grottes dormaient au poste, confiants que la force qu’ils servaient les protégerait en retour.

Mais leur instinct veillait, et leurs grandes oreilles touffues se dressèrent soudain au son étouffé de bottes dans l’herbe. Instantanément, ils furent debout, leurs épées-griffes en main. Damon se sentit bondir, la lame frémissante, et se fendit à fond sur la plus proche. L’épée de l’homme-chat s’abattit en cette curieuse parade circulaire qui leur était particulière et traça un croissant de lune devant son corps, jetant un éclair métallique au côté de Damon.

Damon vit alors son bras s’élever pour parer, et sentit la lame trembler dans sa main sous le choc du fer adverse contre sa pointe baissée. Puis, son épée le contourna en sifflant contre son oreille, pour aller frapper l’épaule velue. L’homme-chat para le coup et riposta. Damon fit un bond en arrière, juste à temps pour voir le métal trancher l’air à un centimètre de ses yeux. Les battements circulaires de la lame incurvée avaient l’air fort gauches, mais malgré son adresse, Dom Esteban avait peine à trouver un point faible dans ce tourbillon de défense. Eduin et Rannan étaient engagés dans un combat à quelques pas de là – il entendait le cliquetis de leurs épées qui frappaient à coups redoublés derrière lui. Il sentit son bras se détendre pour une feinte – il reconnaissait qu’il s’agissait d’une feinte, car ses pieds n’avaient pas bougé. L’épée-griffe siffla vers lui. La lame de Dom Esteban s’écarta de sa trajectoire, remonta et vint retomber entre les oreilles du félin.

D’un petit coup expert, il sortit son arme du crâne sanglant et courut à Rannan qui, la chemise déchirée et couverte de sang, reculait devant l’une des lames tournoyantes. Son propre fer se mit à danser, frappant à plusieurs reprises sur la tête de la bête. Damon fit un bond en arrière devant une botte foudroyante qui aurait dû le couper en deux à la taille. Il sentit son épée revenir pour une riposte qu’il crut être un autre coup à la tête, mais son poignet retomba, et la longue rapière frappa l’homme-chat au genou. Son bras donna une nouvelle secousse, et à l’instant où la créature s’effondrait en braillant, il lui enfonça la pointe dans la gorge. Eduin et Rannan étaient debout à côté du cadavre de la dernière sentinelle, et de nouveau, Damon se sentit envahi par la colère irraisonnée de Dom Esteban…

Il secoua la tête. Il se sentait étrangement étourdi, comme s’il était ivre. Qu’était-il en train de faire ? Il ouvrit les yeux et remit l’épée au fourreau. Ce faisant, il éprouva une douleur dans les muscles à la base du pouce et du poignet : des muscles dont il ignorait l’existence. Vacillant légèrement, il tourna le dos aux masses de fourrure ensanglantées qui jonchaient le sol, et se dirigea péniblement vers l’ouverture de la grotte, faisant signe à Eduin et à Rannan de le suivre. Comme il avançait, il aperçut une silhouette humaine, vêtue de gris. Il mit quelque temps à l’identifier, et au moment même où il réalisait qu’il s’agissait d’Andrew Carr, ce dernier retrouva sa personnalité et fit signe à Damon de lui emboîter le pas.

Andrew avait du mal à croire que Damon pouvait le voir sans être dans le surmonde, mais après tout, lui, « en bas », avait bien vu Callista. Il précéda Damon dans l’entrée de la grotte. C’était une grande cavité sombre, et malgré la surlumière, il était difficile d’y voir. Damon venait d’entrer, et faisait signe avec impatience à ses gardes de se dépêcher. Mais Eduin et Rannan semblaient être retenus par une barrière invisible pour Andrew – et apparemment pour Damon, aussi.

Pendant un moment, le Tenebrosien parut perplexe.

— Oh ! mais bien sûr, dit-il enfin – et Andrew ne sut jamais si Damon avait parlé à voix haute ou s’il l’avait entendu penser – il y a une barrière de premier niveau à travers l’entrée, ce qui veut dire que personne ne peut entrer ou sortir, à moins qu’il ne porte une matrice, ou que l’opérateur ne le laisse passer.

Évidemment. Ce n’était pas surprenant de la part du grand chat. Mais cela indiquait peut-être un autre point faible. Il ne pouvait pas être partout, même avec une matrice. Avec un peu de chance, il ne s’en était pas encore aperçu.

Lentement, Damon traversa l’énorme entrée voûtée. Vers le fond, il entendait de l’eau goutter, et au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans la grotte, la lumière se faisait de plus en plus rare. La terreur glaciale de l’obscurité l’envahit, et il hésita. Quand j’étais adolescent et que je venais ici, il y avait des torches montées sur les parois pour que l’on puisse voir le chemin. Puis il vit la silhouette spectrale d’Andrew qui avait l’air de sortir de la muraille même. Le Terrien semblait luire d’un éclat bleuté, et il tenait dans les mains un objet qui ressemblait à une torche étincelante. La matrice, bien sûr. Est-ce qu’elle va alerter le grand chat ? Si je dois me rendre dans le surmonde pour trouver mon chemin, verra-t-il ma pierre-étoile ?

Il lui semblait à présent entendre un bourdonnement semblable à celui d’un essaim d’abeilles. Il en reconnut l’origine au bout d’un moment : une puissante matrice sans la moindre protection. Un frisson de peur le parcourut. Cet homme-chat est complètement fou ! Fou ou plus puissant qu’un humain ou qu’une gardienne ! Il faudrait un Cercle d’au moins quatre esprits pour manipuler un écran de matrice de cette taille !

On ne trouvait jamais de telles matrices à l’état naturel. Elles avaient été faites artificiellement, du temps où la technologie des matrices était à son apogée. Le grand chat avait-il trouvé celle-ci, accident de la nature, ou l’avait-il fabriquée lui-même ? Comment, par les neuf enfers de Zandru, arrive-t-il à manipuler cet engin ? Je ne voudrais toucher cette matrice pour rien au monde !

Le fantôme d’Andrew lui fit signe à nouveau. À la lueur de la pierre-étoile, il vit des piliers massifs de structure cristalline, d’énormes stalagmites et stalactites qui joignaient le sol à la voûte. Partout régnait une humidité de cave, accompagnée du suintement de l’eau et du bourdonnement de la matrice. Damon pensait qu’il n’aurait qu’à écouter pour retrouver son chemin. Mais il verrait plus tard. Pour le moment, il importait de trouver Callista avant que le grand chat ne se rende compte qu’il était là et qu’il n’envoie l’un de ses acolytes lui trancher la gorge. Au fond de la cavité, deux passages s’enfonçaient dans le noir, au fond desquels on voyait de pâles lumières. Il s’arrêta un instant, indécis, puis aperçut, au fond du couloir de gauche, la silhouette d’Andrew Carr. Il la suivit, et après avoir perdu l’équilibre par deux fois – bien sûr, Andrew se trouvant dans le surmonde, il ne pouvait pas buter contre les obstacles –, il se concentra sur sa pierre-étoile pour faire naître une boule de lumière magique. C’était bien peu, et Damon avait l’impression que cette lumière était atténuée par la proximité de l’énorme gemme, mais il réussit à accumuler assez de force pour produire un peu d’éclairage. Sacrement utile, ça aussi. Comment pourrais-je me battre, en cas de besoin, en tenant une torche dans l’autre main ?