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De retour à ta place, juste avant l’arrivée, tu lis le dernier paragraphe. J’y invite ceux et celles qui auront fait le voyage, dans le train ou ailleurs, à m’en raconter leur version. Ça fera peut-être une suite, qui ne sera pas seulement performative mais interactive, qui dit mieux? Je leur donne même mon adresse: emmanuelcarrere@yahoo.fr. Tu trouves que je suis gonflé. Tu as raison, je suis gonflé. Je t’attends sur le quai.

EMMANUEL CARRÈRE

Un homme se rase la moustache et découvre que personne, même parmi ses proches, ne s’en aperçoit. Un autre fait croire sans difficulté à sa famille qu’il est médecin et quitte chaque matin la maison comme s’il se rendait au travail pour aller errer dans les bois et sur les parkings d’autoroute. La supercherie dure dix-huit ans avant que le faux médecin ne massacre toute sa famille pour protéger son secret. Que ce soit dans La Moustache (POL, 1986) ou dans son tout dernier livre, L’Adversaire (POL, 2000), Emmanuel Carrère ne cesse d’explorer les zones obscures du mensonge et de la solitude, de la folie et de la perte d’identité, dans des oeuvres de pure fiction comme La Classe de neige (prix Fémina 1995) ou dans des récits directement issus de faits réels comme le cas de Jean-Claude Romand dans L’Adversaire. Fils de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, né à Paris en 1957, il a aussi réalisé des documentaires et des adaptations pour la télévision, en particulier de romans de Simenon. Il est également l’auteur d’une biographie de Philip K. Dick, Je suis vivant et vous êtes mort (Seuil, 1993).

Nouvelle publiée dans le journal Le Monde à l’été 2002; très amusante car elle jouait du performatif: cette nouvelle s’adressait essentiellement à la femme de l’auteur, qui devait se trouver le jour de sa publication dans un train, et qui devait lire cet article. Sa femme comme les autres lecteurs étaient censés suivre les indications de l’auteur et se retrouver au bar du TGV… mais cette nouvelle était aussi érotique, donc difficile à étudier avec les élèves!