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Elle le regarda s’éloigner. Chacun de ses pas le faisait rouler pesamment de bâbord à tribord, tellement grotesque… Il me parle plus gentiment que Joffrey, se dit-elle, mais la reine aussi me parlait gentiment, C’est bel et bien un Lannister, le frère de Cersei, l’oncle de Joffrey, tout sauf un ami. Elle avait aimé de tout son cœur le prince Joffrey, naguère, naguère elle avait admiré et cru sur parole la reine sa mère. Et cet amour, cette confiance, ils l’en avaient récompensée par la tête de Père. Jamais, jamais plus Sansa ne commettrait pareille erreur.

TYRION

Dans le réfrigérant arroi blanc de la Garde, ser Mandon Moore avait tout d’un cadavre dans son linceul. « Sa Grâce a formellement interdit de laisser déranger le Conseil.

— Je ne serai qu’un tout petit dérangement, ser. » De sa manche, Tyrion retira un parchemin. « J’apporte une lettre de mon père, lord Tywin Lannister, Main du roi. Voyez le sceau…

— Sa Grâce entend n’être pas dérangée », répéta l’autre, articulant syllabe après syllabe comme s’il s’adressait à un cancre incapable de comprendre dès le premier coup.

A en croire Jaime, Moore était – après lui-même, naturellement – l’homme le plus dangereux de la Garde en ceci que jamais son visage ne trahissait ce qu’allait être sa réaction. Le moindre indice eût contenté Tyrion. Certes, si l’on en venait à tirer l’épée, Bronn et Timett auraient probablement raison du chevalier, mais débuter en tuant l’un des protecteurs de Joffrey présagerait plutôt mal de la suite. Pouvait-il toutefois se laisser éconduire sans compromettre son autorité ? Il se contraignit à sourire. « Vous ne connaissez pas mes compagnons, ser Mandon. Timett, fils de Timett, main rouge des Faces Brûlées. Bronn. Peut-être vous rappelez-vous ser Vardis Egen, capitaine de la garde personnelle de lord Arryn ?

— Je le connais. » Ser Mandon avait des prunelles gris pâle, étrangement neutres et sans vie.

« Vous l’avez connu », rectifia Bronn avec un demi-sourire.

Ser Mandon dédaigna montrer qu’il eût entendu.

« Advienne que pourra, commenta Tyrion d’un air guilleret. Je dois vraiment voir ma sœur, ser, et lui remettre cette lettre. Seriez-vous assez aimable pour nous ouvrir cette porte ? »

Faute de réponse, il allait se résoudre à tenter le passage en force quand le chevalier blanc s’écarta, tout à coup : « Vous pouvez entrer. Pas eux. »

Menue victoire,songea-t-il, mais douce. Il venait de réussir la première épreuve. Et c’est presque grand qu’il franchit le seuil. Les cinq membres du Conseil restreint suspendirent instantanément leur discussion. « Toi ? s’exclama Cersei d’un ton où entraient à parts égales la répugnance et l’incrédulité.

— Je vois d’où Joffrey tient ses bonnes manières. » Avec un air d’insouciance des mieux affecté, il s’accorda le loisir d’admirer les sphinx valyriens qui flanquaient l’entrée. Il savait sa Cersei aussi bien douée pour flairer la faiblesse qu’un chien la peur.

« Que viens-tu faire ici ? » Les ravissants yeux verts de sa sœur le scrutaient sans la moindre espèce d’affection.

« Délivrer une lettre de notre seigneur père. » Il sautilla jusqu’à la table et y déposa le rouleau.

Varys l’eunuque y porta ses doigts poudrés et le tourna, retourna délicatement. « Trop aimable à lord Tywin. Et exquise, sa cire à cacheter, ce ton doré…» Il inspecta minutieusement le sceau. «Authentique, selon toute apparence.

— Evidemment qu’il est authentique. » Cersei lui arracha la lettre, rompit le sceau, déroula la feuille et se mit à lire.

Tyrion l’observait, cependant. Et comme elle s’était adjugé le siège du roi – d’où il conclut que Joffrey ne devait pas plus se soucier que Robert d’assister aux séances –, il escalada celui de la Main, qui lui semblait le seul adéquat.

« Absurde ! dit enfin la reine. Le seigneur mon père envoie mon frère le suppléer au Conseil. Il nous enjoint d’accepter Tyrion comme Main du roi jusqu’à ce qu’il soit lui-même en mesure de se joindre à nous. »

Avec des hochements sentencieux, le Grand Mestre Pycelle tripota sa longue barbe blanche. « Entériner paraîtrait dans l’ordre.

— Effectivement. » Suffisance, bajoues, calvitie, Janos Slynt avait tout d’un batracien, d’un batracien parvenu plus qu’au-delà de ses mérites. « Nous avons un pressant besoin de vous, messire. Des rebelles de tous côtés, dans le ciel, ce signe sinistre, des émeutes en ville…

— A qui la faute, lord Janos ? décocha Cersei. Il appartient à vos manteaux d’or de maintenir l’ordre. Quant à toi, Tyrion, tu nous serais plus utile sur le champ de bataille. »

Il s’esclaffa. « Non pas, j’en ai ma claque, des champs de bataille, merci bien. Je me tiens mieux dans un fauteuil qu’en selle, et j’ai plus tôt fait de brandir une coupe de vin qu’une hache. Quant au tonnerre des tambours, à l’éclat des armures au soleil, à la splendeur des destriers piaffants, renâclant, pardon ! les tambours m’ont flanqué la migraine, l’éclat du soleil sur mon armure m’a rôti comme une oie le jour de la moisson, et les splendides destriers, misère…, ça chie partout. Non que je me plaigne. A côté de l’hospitalité dont j’ai joui au Val d’Arryn, les tambours, le crottin, les mouches et leurs piqûres sont mes délices de prédilection. »

Littlefinger se mit à rire. « Bien parlé, Lannister. En homme selon mon cœur. »

En souvenir de certain poignard à lame d’acier valyrien et manche en os de dragon, Tyrion lui sourit. Il nous faut en causer, et vite. Ce sujet-là divertirait-il autant lord Petyr Baelish ? « S’il vous plaît, dit-il a la ronde, permettez-moi de me rendre utile, si petits que soient mes moyens. »

Cersei relut la lettre. « Combien d’hommes as-tu amenés ?

— Quelques centaines. Mes propres gens, pour l’essentiel. Père répugnait à se défaire d’aucun des siens. Il est en train de faire la guerre, après tout,lui.

— Et de quoi nous serviront tes quelques centaines d’hommes, si Renly marche sur la ville, ou si Stannis appareille de Peyredragon ? Je réclame une armée, et mon père m’expédie un nain. C’est le roi qui nomme la Main. Et Joffrey avait, avec le consentement du conseil, nommé notre seigneur père.

— Et notre seigneur père m’a nommé.

— Il ne peut faire cela. Pas sans l’aval de Joffrey.

— S’il vous convient d’en débattre avec lord Tywin, riposta poliment Tyrion, vous le trouverez à Harrenhal avec son armée. Verriez-vous un inconvénient, messires, à ce que nous ayons, ma sœur et moi, un entretien privé ? »

De la manière onctueuse qui n’appartenait qu’à lui, Varys se laissa glisser sur ses pieds avec un sourire. « Combien vous avez dû vous languir, messire, de Sa Grâce et de sa douce voix… Accordons-leur, messeigneurs, je vous prie, quelques instants d’intimité. Les malheurs du royaume nous attendront bien. »

Tour à tour se levèrent, non sans hésiter, Janos Slynt et, non sans pesanteur, le Grand Mestre Pycelle, mais tous deux finirent par se lever. Bon dernier s’exécuta Littlefinger. « Avertirai-je l’intendant de vous préparer des appartements dans la citadelle de Maegor ?

— Je vous remercie, lord Petyr, mais je prendrai ceux qu’occupait lord Stark dans la tour de la Main. »

Littlefinger se remit à rire. « Vous êtes plus brave que moi, Lannister. Vous connaissez pourtant le triste sort de nos deux dernières Mains ?