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C’est le cas de dire qu’Adam aurait été bien inspiré en envoyant le père Bon Dieu promener, puisque la promenade plaît à Jéhovah.

Mais voici ce qui se passa après le prononcé du jugement:

«20. Alors Adam nomma sa femme Eva, parce qu’elle est la mère de tous les vivants.»

Le cher homme n’avait pas encore pensé à donner un nom à sa compagne; jusqu’alors il s’était borné à la qualifier d’hommesse, ainsi qu’on l’a vu au verset 23 du chapitre 2. Ce qui est curieux, c’est que le nom donné par Adam à son épouse soit précisément un nom hébreu; Hévah signifie «la vie». D’où l’on est en droit de poser ce dilemme à l’auteur de la Genèse: ou la langue de nos premiers parents est l’hébreu, et alors, cette langue n’ayant pas été perdue, il faut biffer l’histoire de la tour de Babel; ou Adam a donné à sa femme un nom pris dans la fameuse langue primitive, aujourd’hui perdue, et alors l’auteur sacré a commis un impair. Dans un cas comme dans l’autre, le pigeon inspirateur s’est moqué, celte fois encore, de l’écrivain.

Maintenant, on va voir que Jéhovah ne chassa pas immédiatement Adam et Ève du paradis terrestre, contrairement à l’opinion répandue. D’abord, papa Bon Dieu, trouvant trop sommaire leur costume en feuilles de figuier, s’improvisa tailleur.

«21. Et l’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des robes de peaux, et il les en habilla.»

Pour la confection de ces vêtements, voilà donc un massacre d’innocentes bêtes; l’abattoir était inauguré par Elohim en personne. Après ça, comment voulez-vous que nos premiers parents n’aient pas pensé aussitôt à utiliser pour leur nourriture la viande des animaux si prestement immolés et dépouillés? Zut pour le régime au pain et à l’herbe! durent-ils se dire en eux-mêmes.

El le seigneur Jéhovah aurait fort bien laissé Adam et Ève vivre et mourir en Éden, si, quelque temps après les avoir habillés, il n’avait pas songé à ce mirifique arbre de vie, dont l’homme et la femme n’avaient pas eu l’idée de croquer les fruits.

«22. Or, l’Éternel Dieu se dit: Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous (sic); il connaît le bien et le mal. Mais, maintenant, il faut prendre garde qu’il n’avance aussi la main vers l’arbre de vie, qu’il n’en cueille le fruit et n’en mange, et qu’ainsi il ne vive éternellement.»

Tel est le verset 22 que les tonsurés omettent, et pour cause, dans leurs résumés de la Bible.

Ainsi, c’est clair, ça: nos deux nigauds Adam et Eve, à qui le fruit de l’arbre de vie n’avait pas été interdit, le négligèrent sottement; et si l’homme et la femme, pendant que Jéhovah était occupé à tailler leurs costumes de peaux, avaient eu la bonne inspiration de sauter sur un de ces fruits merveilleux et de l’avaler vivement, c’est le vieux juge rageur qui aurait fait un nez!… V’lan! sa sentence devenait tout à coup inexécutable.

N’est-ce pas, qu’elle est rigolotte, décidément, la Sainte Bible, dès qu’on la lit de près?… Non seulement il a la berlue, ce Dieu unique qui lâche une constatation d’existence de plusieurs dieux; mais encore, lui, prétendu tout-puissant, il avoue, comme un imbécile, son impuissance à appliquer son arrêt portant condamnation à mort. À quoi cela a tenu, voyez un peu! Avec de la présence d’esprit, Adam et Eve se rendaient immortels, malgré Dieu lui-même!!!

Et ce que le vieux Jéhovah dut se féliciter de s’être enfin remémoré ce coquin d’arbre de vie!… non, ce n’est rien de le dire… Bien sûr, il avait fait un nœud à son mouchoir. Sans ça!…

«23. Et l’Éternel Dieu fit sortir Adam du jardin d’Éden, afin qu’il labourât la terre dont il avait été pétri.

24. Ainsi il chassa l’homme; et alors il plaça un Chérub au-devant de l’entrée du jardin, avec une lame d’épée de feu, qui se tournait çà et là pour garder le chemin de l’arbre de vie.»

Pas d’erreur, n’est-ce pas?… C’est bien ce malencontreux arbre de vie qui préoccupait le plus maître Elohim. À aucun prix, il ne fallait qu’Adam et Ève pussent y retourner. Mais aussi quelle fichue idée papa Bon Dieu avait-il eue de créer cet arbre!… Voyons: avec sa connaissance de l’avenir, il savait d’une façon certaine que nos premiers parents pécheraient et qu’il les condamnerait à mort, eux et toute la race humaine; alors, cet arbre de vie ne pouvait être pour lui qu’un embarras; il était si simple de ne pas le planter!… Voilà un sacré Jéhovah qui ne ferait pas mal de se mettre au régime des douches; après ça, peut-être les établissements d’hydrothérapie brillent, au ciel, par leur absence, quoique le début de la Genèse nous ait appris l’existence d’eaux supérieures, situées au-dessus de l’étendue où se meuvent les astres… Et encore, cette idée d’immobiliser un Chérub avec épée flamboyante à la porte de l’Éden, c’est ça qui est d’un bête, oh! oui!… D’une parole, d’un seul effort de volonté, Dieu pouvait anéantir le fâcheux arbre de vie, désormais sans raison d’être; et le Tout Puissant n’y a pas songé!…

Enfin, va pour le Chérub, factionnaire sans guérite!… Ce Chérub est un planton précieux, si la découverte de l’Éden tente quelque nouveau Christophe Colomb.

Allons, on demande un explorateur de bonne volonté. Parmi mes lecteurs, quelqu’un veut-il s’inscrire?… Puisque papa Bon Dieu a pris la peine de faire garder la porte de l’Éden, puisqu’il a tant fait que de prendre des mesures défensives pour empêcher à jamais l’humanité d’entrer dans le chemin qui mène à l’arbre de vie, c’est que le paradis terrestre et le merveilleux arbre existent encore quelque part. Si, en explorant la région où sont les sources du Tigre et de l’Euphrate, nous apercevons sur une route, en avant d’un portail, un Chérub agitant une lame d’épée de feu, nous n’aurons aucun doute, nous pourrons dire: Nous y sommes et c’est ici!

Cent mille francs de récompense à qui trouvera le Chérub!

Et d’abord, qu’est-ce exactement que ce paroissien-là?… «Chérub» est le mot qui figure dans le texte hébreu de la Genèse. Ce mot signifie «un bœuf»; il vient de charab, «labourer». En effet, les Hébreux avaient gardé de nombreux souvenirs de leur servitude en Égypte, et ils copièrent assez largement les Egyptiens en maints usages, même ce qui concernait les menus détails du culte; c’est ainsi qu’ils sculptèrent grossièrement des bœufs, dont ils firent des espèces de sphinx, des animaux composés, tels qu’ils en mirent dans leurs sanctuaires. Ces figures avaient deux faces, une d’homme, une de bœuf, et des ailes, ainsi que des jambes d’homme et des pieds de bœuf. Aujourd’hui, les tonsurés ont changé tout ça: de Chérub ils ont fait Chérubin, et les Chérubins du nouveau culte sont de jeunes anges joufflus, mais sans corps, n’ayant qu’une tête d’enfant avec deux petites ailes; on voit de ces anges cocasses dans quantité de tableaux d’église… Il est probable que l’angélique portier du paradis terrestre ne répond pas à ce dernier signalement, et que c’est, au contraire, un Chérub à la mode hébraïque, avec tête à deux faces, dont l’une de bœuf; ce qui permettra à notre explorateur de le reconnaître de loin. Ou, si c’est un Chérubin à la mode catholique, sans corps ni mains, c’est avec les dents qu’il doit tenir son épée flamboyante, et. de celte façon encore, il ne pourra pas rester inaperçu. Mais je penche pour le pipelet à tète mi-humaine mi-bovine.