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Afin de ne pas commettre de gaffes, il était nécessaire, avant tout, de voir clair; d’où l’on est en droit de conclure que, pendant les mille milliards de siècles précédents, ce pauvre papa Bon Dieu était dans la plus complète obscurité.

Heureusement, il ne se cogna jamais le nez nulle part, puisqu’il n’y avait rien du tout.

«— Que la lumière soit!» commanda l’Éternel.

«Et la lumière fut.»

Quelle était cette lumière? La Bible ne le dit pas; elle se borne à nous apprendre ceci: «Dieu vit que la lumière était bonne». Il en fut satisfait, par conséquent. Son premier soin fut alors de «séparer la lumière d’avec les ténèbres»; inutile encore de chercher à comprendre. «Et Dieu nomma la lumière, Jour; et les ténèbres, Nuit». — «Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin.» Tel fut le premier jour de la création.

Après quoi, papa Bon Dieu s’occupa de créer… devinez quoi… l’étendue, ou, si vous aimez mieux, l’espace. Pour peu qu’on veuille y réfléchir, il est clair que l’espace existait de tout temps, même en supposant une époque où il n’était meublé d’aucune étoile, d’aucune planète. Néanmoins, l’étendue fut créée après la lumière, quoique «créée» soit ici un terme impropre. La Bible, très embrouillée dans son premier chapitre, nous a enseigné, nous venons de le voir, qu’au début de la création Elohim fit le ciel et la terre en tohu-bohu, avec de la matière informe et des masses d’eaux confuses sur lesquelles le vent de Dieu courait; et voici comment le livre sacré explique cette seconde opération, la formation de l’étendue:

«Dieu créa l’étendue et sépara les eaux qui sont au-dessus de l’étendue d’avec celles qui sont au-dessous de l’étendue; et ainsi fut.»

(Genèse 1:7)

Quelques commentateurs disent qu’il s’agit de l’atmosphère. En tout cas, on lit au verset 8:

«Et Dieu nomma l’étendue, Cieux. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin; ce fut le deuxième jour.»

Quoi qu’il en soit, il ressort de ceci que l’Esprit-Saint conta à l’auteur une superbe blague et abusa de sa naïveté. Cette histoire d’eaux au-dessus et d’eaux au-dessous est la reproduction d’une grosse erreur des peuples primitifs. En effet, tous les anciens croyaient que les cieux étaient quelque chose de solide, de ferme, — d’où le nom de «firmament», — et même on se les imaginait en cristal, attendu que la lumière passait à travers; et l’opinion était qu’au-dessus de cette plaque solide, de ce firmament, il y avait un immense réservoir d’eau. Aujourd’hui, nous savons que la pluie est l’eau attirée, pompée par le soleil, devenue vapeurs, nuages, et retombant ensuite sur terre; mais autrefois on croyait que la pluie venait du grand réservoir supérieur; on supposait des sortes de fenêtres s’ouvrant et se refermant à la plaque du firmament et produisant ainsi les pluies. Et cette opinion, qui maintenant nous fait rire, fut en cours fort longtemps; c’est le sentiment d’Origène, de saint Augustin, de saint Cyrille, de saint Ambroise et d’un nombre considérable de docteurs des premiers siècles du catholicisme. Le fumiste Esprit-Saint se moquait d’eux.

Enfin, passons. Le troisième jour fut employé par papa Bon Dieu à un travail dont les résultats sont plus appréciables que ceux des jours précédents. Il abaissa ses regards sur les eaux de l’au-dessous, et il se dit qu’il serait utile de les rassembler, de façon à faire apparaître des parties sèches, c’est-à-dire des continents.

Alors, les eaux, très obéissantes à sa volonté, se réunirent à part, des profondeurs s’étant creusées pour leur amas; par contre, des hauteurs se formèrent, hérissant de montagnes la surface de la matière solide, tandis que le liquide roulait en flots lents ou précipités vers les gouffres nouveaux.

«Et Dieu nomma le sec, Terre; il nomma aussi l’amas des eaux Mers. Et Dieu vit que cela était bon.»

Il est à remarquer que papa Bon Dieu était, le plus souvent, content de sa besogne.

— Nom d’une pipe! devait-il se dire, ce que j’ai été moule de ne pas avoir créé cela plus tôt!

Ce jour-là, il fut tellement satisfait de ses continents et de ses mers, qu’il voulut faire encore quelque chose avant la tombée de la nuit.

«Que la terre pousse son jet, dit-il, savoir, de l’herbe portant semence, et des arbres fruitiers portant du fruit chacun selon son espèce, qui aient leur semence en eux-mêmes sur la terre. Et ainsi fut.» (1:11)

On ne saurait trop admirer cette délicate attention du Créateur. Impossible d’être plus plein de précautions que lui. En effet, on se demande ce que serait la terre, si Dieu l’avait plantée d’arbres fruitiers portant chacun des fruits autres que ceux de son espèce. Remercions le paternel Elohim de ne pas nous avoir donné des abricotiers produisant des oranges, des orangers produisant des pommes, des pommiers produisant des groseilles, etc.; ce serait à ne plus s’y reconnaître. Ah! oui, remercions Dieu; quel bon papa prévoyant!…

La terre lui ayant obéi et les abricotiers ayant poussé en portant des abricots, Dieu, encore une fois,

«vit que cela était bon. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin; ce fut le troisième jour».

Mais voici bien une autre histoire! Trois jours déjà s’étaient écoulés avec soir et matin, grâce à la lumière créée dès le début: seulement, ce qui est bizarre, cette lumière qui disparaissait à la fin du jour pour faire place aux ténèbres de la nuit, cette lumière illuminait le monde naissant, sans avoir aucun foyer; pas plus de soleil qu’au fond d’une mine de houille. Cette cocasserie mérite une citation textuelle de la Bible:

«14. Puis, Dieu dit: Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des deux, pour séparer la nuit d’avec le jour, et qui servent de signes, et pour les saisons, et pour les jours, et pour les années;

15. Et qui soient pour luminaires dans l’étendue des cieux, afin de luire sur la terre; et ainsi fut.

16. Dieu donc fit deux grands luminaires: le plus grand luminaire, pour dominer sur le jour, et le moindre, pour dominer sur la nuit; il fit aussi les étoiles.

17. Et Dieu les mit dans l’étendue des cieux, pour luire sur la terre:

18. Et pour dominer sur le jour et sur la nuit, et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres; et Dieu vit que cela était bon.

19. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin; ce fut le quatrième jour.»

Aucun quiproquo, n’est-ce pas? il s’agit bien du soleil et de la lune. Par conséquent, d’après l’Esprit-Saint, la création du soleil a suivi de quatre jours la création de la lumière! Or, l’Esprit-Saint sait tout, évidemment; sinon, il ne serait pas l’Esprit-Saint, mais un simple imbécile. Chaque fois que la science fait une découverte, l’Esprit-Saint doit rire dans son bec de pigeon et se murmurer en lui-même: Moi, je sais ça de toute éternité; ces pauvres pygmées d’hommes se donnent grand mal pour savoir ce qui est!

Mais alors, pourquoi l’Esprit-Saint a-t-il dicté à Moïse encore cette colossale bêtise, à propos de la lumière et du soleil?… Quel fumiste, décidément!…

En effet, jusqu’à Olaüs Rœmer, astronome de Copenhague, qui vivait au dix-septième siècle (1644–1710), on a cru que le soleil ne produit pas la lumière, mais que la lumière existe dans l’espace et que le soleil ne sert qu’à la «pousser»; cette fausse conception physique a été une erreur de Descartes lui-même. C’est à Rœmer que la science doit la démonstration de cette importante vérité, directement contraire à l’énoncé de la Bible, c’est-à-dire: la lumière qui éclaire notre monde émane du soleil et sa propagation n’est pas instantanée. Le grand astronome danois en arriva même à déterminer exactement la vitesse de la lumière solaire; il établit, et ceci est mille fois prouvé aujourd’hui, que cette lumière met huit minutes dix-huit secondes à nous parvenir de l’astre qui en est le foyer, soit une vitesse de 308, 000 kilomètres par seconde. On sait que Rœmer fut amené à cette grande découverte par l’observation des éclipses des satellites de Jupiter, planète faisant partie de notre système solaire. Rœmer était alors en France, et il s’empressa d’annoncer sa découverte à l’Académie (Voir l’Histoire de l’Académie, séance du 22 novembre 1675)