Shona eut une moue ennuyée.
— Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Vous êtes flic ou quoi ?
— Je ne suis pas flic, expliqua Malko, mais j’enquête.
Avec les mots les plus simples possible, il expliqua le minimum à Shona qui semblait ne pas l’écouter. Insistant simplement sur le fait que Gudrun Tindorf était une dangereuse terroriste.
— Qui vous a envoyé Gudrun Tindorf ? conclut Malko. Si vous ne me répondez pas ce sont les policiers qui viendront vous poser la question. Vous et votre amie Johanna risquez alors beaucoup d’ennuis…
Shona demeura muette d’interminables secondes. Au point que Malko se demanda si elle avait compris. Puis, elle laissa enfin tomber d’une voix lasse :
— Une copine.
— Son nom ?
— Elle s’appelle Wanda.
— Où peut-on la trouver ? Ici à Jo’Burg ?
— Non. À Gaborone.
— Où ça ? demanda Malko surpris.
— À Gaborone, au Botswana, lâcha Shona d’un ton énervé. Elle travaille auGaborone Sun. C’est un hôtel.
Malko avait entendu parler du Botswana, petit état noir limitrophe de l’Afrique du Sud, mais jamais de sa capitale, Gaborone.
— Comment avez-vous connu l’autre ? insista-t-il.
Shona poussa un soupir excédé :
— Wanda m’a téléphoné. Elle m’a dit qu’elle avait une copine qui voulait travailler à Jo’Burg. Une Blanche, mais OK. Une étrangère. C’est tout. L’autre est venue et je l’ai aidée.
— Grâce à Johan Botha ?
Cette fois, la Noire réagit, avec une mimique furieuse.
— Comment vous savez ça ?
— Je suis au courant de beaucoup de choses, dit Malko. Il a été interrogé par la police. Si j’étais vous, je ne remettrais pas les pieds auCarlton pendant un moment. Vous ne savez rien de plus sur cette Allemande ?
Shona se leva brusquement et il crut qu’elle allait essayer de le frapper.
— Non ! cria-t-elle. Foutez le camp !
Malko se leva à son tour, certain qu’elle lui avait dit la vérité. Gudrun Tindorf n’était pas le genre de femme à raconter sa vie. La porte claqua derrière lui et il entendit Shona hurler :
— Enculé de Blankie !
Pas du tout lady-like.
Les quatre policiers faisaient nerveusement les cent pas dans la rue et il les rassura.
— Dites au colonel Koster que tout va bien et que j’ai obtenu l’information que je cherchais, nous en parlerons demain matin, à la conférence.
Son cou l’élançait et il avait hâte de se reposer. Il se remit au volant de la Sierra et eut un mal fou, dans le dédale de la banlieue de Jo’Burg, à retrouver le freeway pour Pretoria.
Johanna lui devait une fière chandelle… Quelle imprudence pour une jeune femme dans sa situation d’avoir une relation amoureuse avec une fille comme Shona. Décidément, les êtres humains étaient bien bizarres…
La fièvre faisait battre le sang dans ses tempes et la brûlure de son cou devenait insupportable. Malko se tournait et se retournait, allongé en slip sur son lit, lorsque le timbre de la porte de sa chambre sonna. Comme l’étage n’était pas directement accessible aux visiteurs, ce ne pouvait être que la femme de chambre. Il se leva et alla ouvrir.
Johanna surgit devant lui.
— Je viens pour la piqûre, annonça-t-elle.
— Mais comment êtes-vous montée ?
— Ils me connaissent, dit-elle avec un sourire.
Elle entra et Malko referma. Elle ne semblait pas avoir remarqué qu’il était pratiquement nu. Elle posa son sac et ôta sa veste, révélant un chemisier de soie tendu par ses seins lourds. Le regard de Malko descendit et il n’en crut pas ses yeux. Sous une jupe grise étroite, il voyait nettement se dessiner les minces serpents de deux jarretelles ! À la place des collants, il y avait des bas gris et les mocassins avaient été troqués contre d’élégants escarpins à hauts talons ! Johanna se pencha un peu sur la table, tournant le dos à Malko, en train de préparer sa piqûre, faisant involontairement saillir sa croupe pleine. Puis, elle revint, la seringue à la main.
— Allongez-vous sur le côté.
Malko obéit. Il sentit à peine la piqûre. Puis les doigts de Johanna commencèrent à masser délicatement l’endroit où l’aiguille s’était enfoncée. Elle s’était assise sur le bord du lit.
— Je ne vous ai pas fait mal ?
La voix de la jeune femme était douce avec de curieuses intonations rauques.
Il se retourna : elle était penchée sur lui avec une expression ambiguë, tendre et inquiète.
— Non, dit-il. À propos, j’ai vu Shona. Elle m’a donné l’information que nous cherchions. Je pense que pour elle, l’affaire s’arrêtera là.
Il lui relata rapidement son entrevue avec la call-girl. Johanna l’écoutait avidement. Elle dit d’une voix étranglée :
— Je ne sais pas comment vous remercier… J’avais tellement peur…
Elle se tut, des larmes dans les yeux. Malko en oublia les ganglions douloureux de son cou. Il posa une main sur le genou gainé de nylon et se mit à le caresser doucement, remontant le long de la cuisse.
— Vous mettez souvent des bas ?
Johanna secoua la tête.
— Non, je les ai achetés tout à l’heure.
Cet aveu fit l’effet d’une piqûre de toni-cardiaque sur Malko. Il sentit son sexe augmenter brusquement de volume, tendant le tissu de son slip. Comme si les doigts de Johanna avaient senti cette évolution, ils glissèrent tout naturellement de sa hanche et se posèrent sur lui. Pendant un long moment, ils ne dirent rien. Malko avait beau connaître le corps de Johanna depuis leur soirée surprise, il éprouvait un plaisir violent à le redécouvrir de cette façon. Ses doigts progressaient le long du bas ; ils trouvèrent la peau nue et il en ressentit un picotement délicieux le long de sa colonne vertébrale. Puis il continua et sentit une moiteur brûlante, une coulée de miel merveilleuse. Visiblement, Johanna n’était pas en service commandé.
Soudain, il n’eut plus envie de flirter. Doucement, il pesa sur ses épaules et elle s’allongea. Sans rien ôter de ses vêtements, il se contenta de faire glisser la jupe vers le haut, découvrant le ventre ombré de noir. D’un coup, il entra en elle avec une aisance exquise et poussa un cri de douleur. Oubliant sa blessure, Johanna venait de nouer ses mains sur sa nuque.
— Oh, pardon !
Elle le lâcha, emprisonnant ses reins et il commença à lui faire l’amour lentement, la sentant s’éveiller peu à peu, par le roulis de ses hanches. Elle haletait, la bouche ouverte, les yeux fermés, et tout à coup se mit à gémir de plus en plus vite, puis retomba avec un cri. Malko explosa à son tour et ils demeurèrent enlacés. La glace au-dessus du bureau lui renvoya l’image de Johanna, la jupe retroussée sur ses hanches, les cuisses nues coupées de jarretelles, le chemisier en désordre, les escarpins accrochés à la couverture.
Sublime.
— Je pensais que vous n’aimiez que les femmes, dit-il doucement.
Johanna esquissa un sourire.
— Pas vraiment. J’ai toujours oscillé. Avec Shona, j’étais folle, elle me domine complètement… Depuis longtemps, je n’avais pas fait l’amour comme ça. Vous avez été fantastique…
— Bof, fit Malko.
Elle lui mit un doigt sur les lèvres :
— Non, pas maintenant, je veux dire avec Ferdi. C’était toute ma vie qui était en jeu. Alors, j’ai eu tellement envie de vous remercier, je me suis sentie tellement portée vers vous. Je ne pensais pas que cela serait comme ça. Vous m’avez donné beaucoup de plaisir.
— Espérons que c’est plus qu’un entracte…
— Je ne sais pas, dit-elle.
Lui avait envie de le savoir. Toujours abuté en elle, il recommença à remuer lentement. Un peu plus tard, il se retira et fit doucement basculer Johanna sur le ventre, la prenant par-derrière. D’elle-même, elle se redressa, creusant les reins, l’enfonçant encore plus en elle. Puis sa main chercha celle de Malko et la posa sur sa cuisse, à la lisière du bas et de la peau.