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— Donc, vous faites confiance à Lyle ?

— Il n’a pas inventé cela tout seul…

— Quelqu’un a pu le faire pour lui.

Ferdi hocha la tête.

— Right. Mais ce n’est pas la première fois que l’on « retourne » un Cafre. Comment croyez-vous que nous ayons des informateurs ?

— Et si c’est un piège ?

— Ce n’est pas exclu, admit le Sud-Africain. Mais nous ne pouvons pas faire l’impasse… Il faut y aller.

— Comment ?

— En avion.

Malko s’aperçut qu’il filait dans la direction opposée auGaborone Sun.

— Où allons-nous ?

— Chez Piet Hertzog, notre chef de poste.

* * *

Un chien loup, montrant ses crocs jusqu’aux gencives, bavant de joie à l’idée d’un peu de chair fraîche, pointait son museau à travers la grille. LeChien des Baskerville. Il n’aboyait pas, attendait le moment de bondir à la gorge des visiteurs.

Malko posa néanmoins la main sur la poignée et Ferdi l’arrêta :

— Attendez ! Il vous boufferait les couilles.

D’habitude, il préfère les couilles de Cafres, mais il se ferait une raison.

Il y eut des pas sur le gravier et un homme corpulent apparut, un shot-gun dans la saignée du bras. En même temps, un puissant projecteur les éclaira.

— Piet ! C’est Ferdi.

Le projecteur s’éteignit, le chien disparut et la grille s’ouvrit. Piet Hertzog était impressionnant. Un géant de près de deux mètres, avec une panse de buveur de bière, un visage de prophète et une barbe étalée presque jusqu’à l’estomac. Ferdi fit les présentations, Piet parlait anglais avec un accent à couper au couteau. Ils le suivirent dans un living-room aux murs décorés d’armes de toutes sortes, de la MG 34 à la Stein et de trophées de chasse. Dans un coin, deux magnétoscopes Akaï étaient empilés l’un sur l’autre au-dessus d’une télé. Seule distraction au Botswana, à part la chasse.

Ferdi eut un clin d’œil ironique :

— Piet aime bien chasser. L’impala et le terroriste cafre…

Piet apporta d’autorité des boîtes de bière et du J & B et Ferdi commença son récit. L’autre colonel sud-af l’écoutait pensivement en caressant sa barbe. Puis, il prit la boîte de bière vide dans sa main et se mit à la broyer méthodiquement.

— Ça n’est pas facile de trouver un avion si vite, dit-il, mais je vais essayer…

Il se leva et disparut dans son bureau d’un pas lourd, endormi. Ferdi sourit à Malko, et but un peu de son J & B.

— Ne vous fiez pas à son apparence. C’est un vrai Boer. Il parle le zoulou, l’ovambo et le tswana. Il est malin comme un singe et résistant comme un éléphant. Il habitait la Namibie. Les gens de la SWAPO[26] ont dynamité sa ferme et découpé sa femme à la machette. Alors, il ne les aime pas beaucoup.

Piet revint ; dans ses gros doigts, la boîte de bière n’était plus qu’une petite boule de métal froissé.

— Je crois que j’ai ce qu’il faut. Une copine, Helda. Elle a un Comanche à peu près en bon état. Elle est OK pour partir demain matin très tôt.

— Une femme ? s’étonna Malko.

— Une Rhodésienne, expliqua Ferdi. Son mari était fermier, il a été assassiné. Elle vit ici en faisant du charter. Nous l’utilisons pour pas mal de missions. Elle pilote bien et ferme sa gueule. En plus, elle n’a pas peur et sait tenir une arme…

Piet Hertzog s’était versé une seconde bière. Il en but un peu et laissa tomber :

— Ce putain de Cafre va probablement essayer de nous baiser…

— Vous venez avec nous ? demanda Malko.

Piet sourit pour la première fois.

— Évidemment ! fit-il de sa voix lente. Si je pouvais amener la tête de ce fumier de Joe Grodno pour la clouer sur la porte de ma ferme, je serais le plus heureux des hommes…

— Il y a un terrain d’atterrissage à Phuduhudu ?

— Un terrain ! (Piet rota.) Plutôt une piste, très mauvaise. Ici.

Il se leva et posa un gros pouce sur un point de la carte épinglée au mur.

— À Motokwe. Trente kils. Nous avons un copain là-bas qui a une ferme et un pick-up avec une radio. On l’appellera dès qu’on sera dans le coin et il viendra nous chercher. Ensuite, il nous prêtera une Range-Rover et on ira voir.

— Vous avez un plan ? demanda Malko.

Piet secoua la tête.

— Un plan ! Non. On va discuter avec les gens. C’est le désert là-bas, tout le monde sait ce qui se passe… Je parle leur langue, c’est facile. Pour eux, tous les Blancs se ressemblent. Ils croiront qu’on est avec les autres. Ensuite…

Il eut un geste vague de la main.

— Départ quelle heure ? demanda Ferdi.

— Six heures et demie. Le temps que Helda dépose son plan de vol pour le parc naturel de Gemsbok, ajouta avec un sourire le gros colonel. À propos, vous avez dîné ?

— Non.

— Venez, j’ai duboerekos[27]

Une femme effacée entra dans la pièce, salua d’un hochement de tête et annonça que le dîner était servi. Avant de s’asseoir à la table, Piet Hertzog inclina la tête et murmura à voix basse une prière brève. Ferdi avait fermé les yeux. Malko se demandait quelle sorte de piège leur avait tendu Lyle. Il ne croyait pas une seconde à la bonne foi du petit métis. Ce dernier avait une façon très simple de se racheter auprès de ses amis de sa prétendue trahison : leur livrer les deux colonels sud-afs et Malko.

On risquait de les attendre avec une mitrailleuse à Phuduhudu…

Ils s’assirent. Le ragoût était bourré de pili-pili. Heureusement, car la viande trop cuite s’effilochait. En quelques instants, la barbe de Piet ne fut plus présentable ; Ferdi échangea un regard de connivence avec Malko et un sourire qui le rajeunissait beaucoup.

— J’espère que demain soir, nous boirons le champagne, dit-il.

— Moi, dit Malko, au risque de doucher son enthousiasme, j’espère simplement que nous ne serons pas étendus morts dans le désert.

Piet Hertzog rota de nouveau et rit joyeusement. Apparemment indestructible. Puis, il ouvrit sa chemise et montra à Malko une énorme cicatrice rougeâtre qui filait de son sternum au bas de sa panse.

— Ça, fit-il, c’est un Cafre qui m’a planté sa machette dans le ventre. Je lui ai fait craquer le cou avant qu’il me coupe les tripes en deux. Il a craché sa langue et ses yeux, et son cerveau s’est mis à bouillir.

Il se rassit et se versa une rasade de J & B qu’il but pur.

* * *

Une odeur fade flottait dans le petit casino : la dagga. Toutes les filles fumaient en attendant le client. Ferdi semblait plus éveillé que d’habitude et ses yeux traînaient un peu sur les filles. La bière. Il s’approcha d’une machine à sous, mit une pièce d’un pula et appuya sur le bras latéral.

« Dring-dring-dring… »

Une pluie de pièces ! Heureux comme un enfant, le colonel sud-af recommença à la machine suivante et ainsi de suite. Enfin, il alla changer des poignées de pièces et revint triomphant, brandissant des billets.

— J’ai gagné soixante pulas ! On va aller à la roulette.

Malko changea cent dollars. Ils eurent du mal à trouver une place à l’une des tables de roulette, toutes assiégées. Une vieille Noire, accrochée à son sac, jouait parcimonieusement, pula par pula. Malko et Ferdi se mirent à jouer, misant n’importe quoi, leur date de naissance, le jour du mois, tout ce qui leur passait par la tête. Et cela marchait ! Des tas de jetons s’amoncelaient devant eux.

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26

Mouvement marxiste de libération de la Namibie.

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27

Sorte de ragoût typiquement afrikaaner.