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La jeune croupière en service à la table ouvrit un bouton supplémentaire de son pull et leur adressa un regard langoureux, espérant profiter de cette manne. Heureusement que Johanna dormait. Elle eut été scandalisée de voir son chef flamber ainsi.

Leur table était la plus animée. Soudain, Malko aperçut lapit-girl de la veille qui se frayait un chemin vers eux. Superbe, la croupe insolente de beauté, la même jupe droite d’où émergeaient deux jambes bien moulées de noir et une poitrine qui faisait pâlir toutes celles des alentours. De grands yeux de biche marron la faisaient ressembler à une impala, si étirés vers le haut qu’on avait l’impression qu’elle voyait sur le côté.

Elle adressa à Malko un sourire à liquéfier une banquise.

— You are lucky[28] ! remarqua-t-elle.

Un peu déhanchée, elle observait les deux hommes d’un regard trouble, pointant vers eux ses deux obus… Elle consulta sa montre et ajouta :

— Last ball[29] !

Le casino fermait. Ferdi misa vingt pulas d’un coup sur le sept et le sept sortit. Hurlements de joie ! Toute la table l’avait imité. La croupière paya avec un sourire contraint et Ferdi emmena ses jetons de vingt pulas ; une petite fortune.

— Je vais pouvoir acheter un manteau de fourrure à ma femme, dit-il.

Lapit-girl leur coupa la route au moment où ils partaient et demanda d’une voix douce :

— Avec tout cet argent, vous devriez m’offrir un verre, ma journée est terminée.

Elle s’adressait plus spécialement à Ferdi. Ce dernier lança un regard d’interrogation à Malko qui répondit, amusé :

— Pourquoi pas ?

Dans le bar l’odeur était horrible et une rangée de braillards occupait le comptoir. Ils s’installèrent dans un box et lapit-girl croisa très haut les jambes. Elle était étonnamment sophistiquée pour une Africaine. Au lieu de la sempiternelle bière, elle prit un cognac Gaston de Lagrange, qu’elle savoura lentement, en connaisseuse. Ferdi semblait fasciné par ses fabuleux seins en poire. Ils bavardèrent de choses et d’autres, du casino, du jeu, elle les interrogea sur ce qu’ils faisaient, ils échangèrent leurs prénoms.

— Je m’appelle Louisa, dit la métisse.

Sa bière vidée, Ferdi regarda nerveusement sa montre.

— Nous partons en safari très tôt demain matin, dit-il, je crois que je vais me coucher.

— Moi aussi, dit Malko.

— Ah, c’est merveilleux, fit lapit-girl. Où allez-vous ?

— Dans le parc de Gemsbok, répondit vivement Ferdi.

— Eh bien, j’espère que vous verrez beaucoup d’animaux.

Ferdi était déjà debout, après avoir payé. Lapit-girl l’imita.

— À propos, demanda Malko, vous ne connaissez pas une fille qui s’appelle Wanda et qui travaille ici ?

— Wanda ? Non, je ne vois pas, mais il y en a tellement… Je demanderai…

Elle s’éloigna vers le lobby, laissant derrière elle une traînée de parfum… Malko se promit, si leur mission se passait bien, de mettre la superbepit-girl dans son lit.

* * *

Le soleil était à peine levé mais Ferdi avait pris le temps de se raser de près. Johanna les fixait anxieusement. Elle ne faisait pas partie du voyage.

— Faites attention, dit-elle, je n’aime pas cette histoire.

— Avec Piet, il ne peut rien nous arriver, dit Ferdi en riant. Il parle à Dieu tous les jours…

Ils achevèrent leur breakfast et sortirent. Direction la maison de Piet. De jour, sa villa était coquette, entourée de fleurs. Il les attendait dans le jardin, avec deux sacs qu’il posa à l’arrière de la Honda.

— Provisions de route ! annonça-t-il.

Ferdi entrouvrit un des sacs et Malko aperçut trois PM d’un modèle inconnu, très courts, comme l’Ingram, avec des tas de chargeurs.

— Dans l’autre sac, il y a des grenades et quelque chose de plus sérieux, annonça Piet Hertzog. Une MG 34 que j’ai bricolée.

Une mitrailleuse légère !

Il leur fallut cinq minutes pour atteindre le petit aéroport désert et pénétrer sur le tarmac. La pilote, avec ses cheveux courts et sa silhouette trapue, ressemblait à un homme, avec pourtant une poitrine impressionnante. Sa couperose révélait mieux que des mots à quoi elle passait ses soirées…

— Tout est en ordre, dit-elle. On peut y aller.

Ils prirent les sacs contenant les armes et traversèrent la minuscule aérogare pour gagner le bimoteur parqué en face de la tour de contrôle. Il n’y avait qu’une demi-douzaine d’avions privés avec, au loin, trois appareils des Forces Aériennes botswanaises en peinture de camouflage. Un Noir terminait les pleins du Comanche. On chargea les sacs dans les soutes derrière les moteurs et Piet Hertzog commença une inspection complète de l’appareil, faisant fonctionner les volets, sondant les réservoirs, vérifiant tous les endroits où on aurait pu cacher quelque chose, s’attardant aux vis, afin de voir si on ne les avait pas touchées récemment. Rassuré, il fit signe à Malko et Ferdi de prendre place sur la banquette arrière. Lui tenait à peine à la place avant. Il semblait maintenant parfaitement paisible. Malko se tourna vers Ferdi :

— Vous ne craignez pas que notre départ soit repéré ?

— Je ne pense pas. Helda a l’habitude de conduire des gens dans les Game Park, Piet circule beaucoup. C’est un grand chasseur. Ici, il accomplit surtout des tâches administratives…

Avec des PM 9 mm…

— S’ils nous attendent, remarqua Malko, nous allons nous faire massacrer.

Le visage grimaçant et suant de Lyle ne lui inspirait décidément pas confiance, mais, puisque les deux Sud-Africains semblaient si sûrs de leur fait…

Un moteur tourna, puis les deux et on ferma le cockpit. L’appareil avait déjà beaucoup volé, et ça se voyait. Malko jeta un coup d’œil sur le plan de vol. La pilote lui sourit, suivant son regard.

— Je contacterai la tour au dernier moment pour lui dire que nous avons un problème d’instruments et que nous nous posons à Motokwe. Cela arrive souvent.

Elle aussi paraissait parfaitement calme. Malko attacha sa ceinture et se laissa aller à l’euphorie du moment. Le Comanche se mit à rouler de plus en plus vite.

— Dites donc, la fille d’hier soir, elle est drôlement bien foutue ! cria le Sud-Af. Si je n’étais pas marié. Je n’ai jamais eu une Noire…

— Celle-là ne l’est pas vraiment, dit Malko, comme les roues du Comanche quittaient le sol.

L’appareil vira, passant au-dessus de Gaborone, prenant ensuite la direction de l’ouest. En bas, c’était l’immensité du bush, piqueté d’épineux et de quelques collines pelées qui semblaient posées sur le sol ocre. Au loin, les montagnes s’estompaient dans la brume.

Ferdi détacha sa ceinture. Derrière eux, Gaborone n’était plus qu’une tache marron, à peine discernable dans l’immensité du Kalahari. Devant, c’était le désert et ensuite la Zambie. La pilote se retourna :

— L’atterrissage ne sera pas facile, la piste est rongée par la sécheresse là-bas. J’espère que je ne casserai pas le train.

Piet Hertzog caressa sa barbe et sortit une boîte de bière. Ils montaient régulièrement et se trouvaient déjà à trois mille pieds. Malko se détendit. Il revoyait le Sud-Africain inspectant le Comanche sous toutes les coutures, les moindres coins où on aurait pu cacher une machine infernale. De ce côté-là, ils étaient tranquilles.

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28

Vous avez de la chance !

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29

Dernier jeu !