Выбрать главу
* * *

Ferdi était penché sur le corps du mécanicien. Trois des projectiles tirés par le Soviétique l’avaient atteint. L’un en pleine tête, les autres dans la poitrine. Il était mort sur le coup et une flaque de sang commençait à s’élargir sous son corps. Le major van Haag tira Ferdi en arrière :

— Vite, foutons le camp !

Par miracle, les coups de feu n’avaient attiré personne. Les trois hommes regagnèrent la voiture après que Ferdi ait sommairement fouillé le Noir, prenant tous ses papiers.

La Range démarra en trombe, vers Gaborone. Le major van Haag éclata :

— Vous êtes fou ! lança-t-il à Ferdi. Vous avez tiré sur un Soviétique. Vous vous rendez compte des conséquences…

Ferdi semblait préoccupé et furieux.

— Et alors ? fit-il. Il allait me tirer dessus, non ? Et il venait de flinguer ce type ? Vous croyez qu’il va aller se plaindre ?

Le major van Haag secoua la tête.

— Si jamais il va trouver les Botswanais, on peut fermer boutique ici.

Visiblement ses tâches administratives ne l’avaient pas préparé à ce genre de situation.

Il en était blanc de rage. Malko s’immisça dans cette conversation qui risquait de tourner mal.

— Le plus intéressant, remarqua-t-il, est de savoir pourquoi les Soviétiques se trouvaient là.

— Pour abattre ce type, évidemment, grommela Ferdi. Il y a un arrêt de bus, en face de la station-service. Il serait descendu là.

— Donc, ils étaient au courant de l’attentat monté contre nous…

Silence. Ils reprirent Khama Crescent pour arriver finalement dans Mooka Close, une allée discrète, ombragée de bougainvillées, où se trouvait la villa du major van Haag. Celui-ci alla téléphoner tandis que Ferdi et Malko se laissaient tomber dans des fauteuils sous la véranda. Il n’était que midi et la journée avait déjà bien commencé. Malko avait l’impression d’être passé dans une essoreuse tant ses muscles étaient douloureux.

— Je m’étais dit que l’idée de remplacer l’essence par du kérosène ne venait pas des gens de l’ANC, remarqua-t-il. C’était une idée de Blanc. J’avais pensé à Joe Grodno. Il semble que ce soit nos amis d’en face. Donc, ils superviseraient toute l’opération de déstabilisation menée contre nous…

— Cela m’étonne. Le KGB se mêle rarement des opérations « Action » des partenaires africains. Surtout dans ces pays…

— Ils ne venaient pas offrir une balade à Moscou à ce Noir, remarqua Malko. Ils étaient là pour le liquider. Si nous n’avions pas eu la chance de le suivre, ils le tuaient tranquillement et on aurait retrouvé son cadavre abattu par des inconnus. À mon avis, ils ont dû recevoir un SOS de ceux qui ont organisé l’opération et qui savaient que ce mécanicien nous mènerait quelque part…

Ferdi prit l’air sceptique :

— Impossible, dans un temps aussi court qu’ils aient pu communiquer avec la Zambie.

— Donc, l’ordre venait d’ici, conclut Malko. On nous manipule depuis notre arrivée. Par l’intermédiaire de Lyle. Vous l’avez sous-estimé. C’est lui qui nous a manipulés.

— C’est possible, reconnut le Sud-Africain. C’est bien le Cafre le plus malin que j’ai jamais vu !

— Et Johanna ? demanda soudain Malko. Il faudrait la prévenir.

Dans l’affolement des dernières heures, ils avaient complètement oublié la jeune femme.

Le major les rejoignit et Ferdi le remplaça au téléphone. Pas de réponse dans la chambre duGaborone Sun. Il essaya la piscine et le restaurant, sans plus de succès, avant de raccrocher, soucieux.

— Elle n’est pas là. C’est bizarre, je lui avais recommandé de ne pas bouger de l’hôtel.

— Allons-y, dit Malko.

Cinq minutes pour gagner leGaborone Sun. La clef de Johanna était au tableau. Ils la prirent et se rendirent dans sa chambre, s’arrêtant net. Une lampe était renversée, des affaires traînaient un peu partout. Visiblement, on avait fouillé rapidement la pièce… Ils allèrent vérifier les deux autres. Idem. Valises ouvertes au couteau et tout et tout… Ferdi était blanc d’inquiétude.

— Les salauds, ils n’ont pas…

Ils foncèrent se renseigner à la réception. Personne n’avait vu la jeune femme. Quand ils eurent vérifié tout le motel, ils durent se rendre à l’évidence. Johanna avait été kidnappée.

Ils retournèrent à la chambre.

— Ils ne l’ont quand même pas traînée de force à travers cent mètres de couloir, remarqua Malko. Il y a une autre explication.

Son regard se posa sur la porte-fenêtre et il comprit. Il essaya de la faire coulisser et y parvint sans difficulté. Quelqu’un l’avait déverrouillée et, de l’extérieur, on pouvait l’ouvrir facilement. Il sortit. Cette partie du parking donnait sur le désert, et personne n’y venait. Si Johanna avait été enlevée, c’était par là…

Ils repartirent. Nouvelle enquête. À force de distribuer des pulas, ils finirent par apprendre qu’un camion de blanchisserie avait stationné dans le parking pendant une heure, très tôt le matin…

— Il faut prévenir Pretoria ! dit Ferdi. C’est très grave.

Nouvelle course pour la villa. Le major van Haag les accueillit, impassible.

— J’ai eu un tuyau par la police, dit-il. Les Soviétiques viennent de faire hospitaliser un membre de leur ambassade avec une balle dans le poumon.

Ferdi changea de couleur. L’autre continua, suavement :

— Ils ont déclaré à la police qu’il s’agissait d’un accident durant une manipulation d’arme…

— Bon, cessons de nous faire peur ! dit Malko. Il y a plus sérieux. C’est une bonne chose que nos amis Popovs soient discrets, mais cela prouve surtout qu’ils sont mouillés jusqu’au cou dans cette histoire et qu’ils n’ont pas envie qu’on mette le nez dans leurs affaires. Tout a été conçu pour nous éliminertous ce matin. Notre présence à Gaborone représente donc un danger pour eux. Avant tout, il faut retrouver Johanna.

— Comment ? demanda Ferdi.

— Les Soviétiques sont sûrement au courant, mais cela m’étonnerait qu’ils la cachent dans leur ambassade, dit Malko. Visiblement, leurs amis de l’ANC disposent ici d’une infrastructure importante et de nombreuses complicités. Seulement, cela peut nous prendre très longtemps de découvrir leurs planques…

Le major van Haag triturait une cigarette, le front barré d’une grande ride.

Malko revit le visage extasié de Johanna lorsqu’il lui avait fait l’amour dans sa chambre duHoliday Inn, à Pretoria. À présent elle était en danger de mort. Jamais les autres ne la rendraient. Il fallait faire vite.

— J’ai une idée pour la récupérer, dit-il.

— Quelle idée ? demanda anxieusement Ferdi.

— Il faut une monnaie d’échange, dit Malko. Et vite, parce que j’ai peur qu’ils ne la tuent.

— Quelle monnaie d’échange ? Un type de l’ANC ? Joe Grodno ?

— Nous ignorons où il se trouve. Par contre, il y a une personne impliquée dans cette histoire que nous pouvons, à la rigueur, atteindre.

— Qui ?

— Le Soviétique que vous avez blessé et qui est à l’hôpital, dit Malko. C’est lui qu’il faut enlever et échanger contre Johanna.

Chapitre X

Un gros insecte tournait autour des fleurs noyant la véranda, émettant un bourdonnement aigu, seul bruit qui troubla le silence pendant plusieurs secondes. Le major van Haag semblait pétrifié d’horreur.

— Vous êtes fou ! dit-il enfin. Un diplomate ! Vous savez à quoi vous vous exposez ?