Выбрать главу

De nouveau, Joe Grodno essuya son front, en proie à un vertige. Sa vie était dure, surtout depuis que sa femme avait péri dans une explosion. Parfois, il se demandait comment il tenait le coup. Depuis longtemps, son rêve était d’aller revisiter le château de Neuschwanstein, en Bavière, construit par Louis II, le Roi Fou. Seulement, l’Allemagne était dangereuse pour lui. Il prendrait quand même le risque avant de mourir.

Il fixa de nouveau le corps étendu et en quelques secondes sa décision fut prise. Il n’avait pas le droit de mettre sa mission en péril.

— Lyle, puisque c’est toi qui a fais cette erreur, tu vas la réparer.

— Oui, Colonel, dit le métis.

— Tu sais comment ?

Le métis hésita à peine.

— Oui, Colonel. Je peux le faire ici ?

Joe Grodno le fixa avec un découragement dégoûté. Décidément, il ne se ferait jamais à ces abrutis de Cafres.

— Il faut que cela ait l’air d’un meurtre de rôdeur, expliqua-t-il patiemment. Tu vas l’emmener sur le terrain de golf ce soir. Comme si elle était allée se promener et qu’on l’ait attaquée…

— Oui, Colonel, approuva Lyle, les yeux brillants d’une joie anticipée.

* * *

Malko gara la Range-Rover dans Notwane Road en face de l’entrée de service du Princess Marina Hospital. C’était celle du major van Haag qu’ils avaient réussi, Ferdi et lui, par lui arracher… Ils avaient ôté les plaques, rendant toute identification impossible. Des Range-Rover couleur sable, il y en avait des dizaines à Gaborone. Van Haag avait également consenti à leur indiquer une piste discrète pour franchir la frontière sans croiser de Botswanais. Il était onze heures du soir et les rues de Gaborone complètement désertes. Ferdi se trouvait déjà à l’intérieur. Malko continua à pied, longeant une allée sombre. Au bout d’un moment, un léger sifflement attira son attention. Ferdi émergea d’un bosquet et ils se rejoignirent.

— Tout est OK, annonça le Sud-Af. Il est au second étage chambre 234. J’ai une bombe à gaz pour le neutraliser. J’espère qu’il ne sera pas trop mal en point. Allons-y !

Ils gagnèrent le bâtiment de chirurgie. Le hall était désert et ils empruntèrent l’escalier après avoir passé des blouses blanches. S’ils croisaient une infirmière, elle les prendrait pour des médecins étrangers. Ils ne virent personne. Le couloir du second était brillamment éclairé. Un ronflement sonore filtrait d’une porte ouverte. L’infirmier de garde, les pieds sur la table…

La 234 se trouvait cinq portes plus loin. Ils l’atteignirent et poussèrent le battant. La pièce était plongée dans l’obscurité. Malko alluma : le lit était vide.

— Goete himel[32] ! jura Ferdi.

— Vos informations sont mauvaises, fit Malko à voix basse. Filons.

Le Sud-Af continuait à fixer le lit vide comme si sa volonté pouvait y faire surgir le Soviétique. Malko l’entraîna. Au moment où ils sortaient, il y eut des pas dans le couloir. Ils n’eurent pas le temps de se cacher. Une grosse infirmière noire surgit et leur jeta un coup d’œil étonné, mais pas inquiet.

— Vous cherchez quelque chose ?

— Nous étions venus voir un ami, dit Malko. Le patient du 234. Il n’est pas là ?

L’infirmière lui adressa un regard bizarre avant de dire :

— Comment, vous ne savez pas…

— Il a été transféré ? demanda Ferdi.

La grosse femme secoua la tête et fit un signe de croix rapide.

— Dieu l’a rappelé à lui, en fin d’après-midi. Il est à la morgue. Une hémorragie interne.

Les deux hommes demeurèrent stupéfaits quelques secondes, puis Malko donna le signal du départ. Sans un mot ils remontèrent dans la Range-Rover et gagnèrent la villa du major van Haag.

Ce dernier fumait sous sa véranda. Il sauta en l’air comme si un scorpion l’avait piqué en entendant le véhicule et traversa le jardin en trombe. La nouvelle de la mort du Soviétique le figea d’horreur.

— Holy God ! Les Popovs vont être fous furieux, murmura-t-il. Comment vont-ils réagir ?

— En tout cas, fit Malko, nous n’avons plus de monnaie d’échange…

Ils demeurèrent silencieux quelques instants, puis van Haag tourna les talons, rentrant dans la villa.

— Je vais demander des instructions à Pretoria, dit-il de sa froide voix administrative.

Ferdi et Malko échangèrent un regard. Les bureaucrates de Pretoria n’avaient aucune prise sur ce qui se passait au Botswana. C’était à eux de récupérer Johanna s’il était encore temps.

* * *

Lyle avait pénétré sur le golf par Notwane Road. Un petit sentier aboutissait directement sur les « greens ». Il avait garé son « bakkie » tout au fond, sous un acacia et sorti le corps de Johanna du véhicule. Ses liens l’empêchaient de bouger, mais elle gigotait un peu. Il la chargea sur son dos sans effort. Pendant des années, il avait coltiné des sacs de farine et, malgré sa petite taille, il était extrêmement robuste. Ses pieds s’enfonçaient dans l’herbe tandis qu’il avançait silencieusement. La nuit était très claire et une vague lueur commençait à monter du côté de la frontière, indiquant la proximité de l’aube. Il avait encore une longue heure devant lui. Il repéra un bosquet près du trou numéro 14 à côté d’une petite cuvette herbue.

C’est là qu’il déposa la jeune femme et qu’il souffla un peu. Il était très calme, repensant à tout ce qu’il avait subi lors de ses différents séjours en prison quand les policiers l’avaient battu, humilié. Une fois, il s’était fait prendre après un petit vol à l’étalage. Un sergent sadique avait fait venir un grand Cafre de près de deux mètres, incarcéré pour une bagarre et lui avait mis un marché en main. S’il sodomisait Lyle au milieu du poste de police, il était libre… L’autre n’avait pas hésité. Lyle sentait encore la brûlure de cette épée de chair qui l’avait fouillé brutalement et entendait les rires des policiers blancs… Il sortit son couteau et, méthodiquement, commença à découper les vêtements de la prisonnière. Cela prit plusieurs minutes et peu à peu, le corps blanc apparut. Lyle, minutieusement, enleva les derniers lambeaux de tissu accrochés autour du ventre et tira le soutien-gorge, découvrant la poitrine. Chaque fois que ses doigts effleuraient la chair ferme, il frissonnait. Jamais il n’avait touché une Blanche auparavant. Des Indiennes oui, mais pas de vraies Blanches. Il retourna Johanna sur le dos et regarda son visage. Il était livide. Ses narines étaient pincées et il y avait une terreur abominable dans ses yeux, inhumaine. Elle se recroquevilla dans la position de fœtus, comme pour chercher une protection illusoire. Lyle la contemplait avec des sentiments mitigés. Lentement, il commença à faire courir ses mains rugueuses sur sa peau, partout, la forçant à s’allonger peu à peu. Elle essaya de lui échapper.

Lyle la rattrapa, patiemment, sans brutalité. Leurs corps se touchèrent. Il se mit à trembler. Son pantalon semblait prêt à éclater sous la pression de son sexe. Le sang battait à ses tempes. Pris d’une envie incontrôlable, il arracha brusquement le scotch qui bâillonnait la jeune femme. Celle-ci secoua la tête, les joues creusées par la peur, méconnaissable et siffla d’une voix grêle :

— Que voulez-vous ?

Lyle ne répondit pas, préoccupé par son fantasme. Il la sentait complètement à sa merci, mais il avait peur de la détacher quand même. Il choisit un moyen terme : d’un coup de poignard, il fit sauter les liens de ses chevilles. Aussitôt, elle se mit à gigoter comme une anguille, essayant de se mettre debout. Lyle dut se coucher sur elle, l’enfonçant dans le sol meuble, le visage dans la terre. Le contact de ses fesses pleines poussant contre son ventre le rendit fou. Il planta son poignard dans l’herbe, hors de sa portée, et se défit rapidement. Lorsque sa victime sentit la chaleur de son membre collé à elle, elle poussa un grognement, arriva à tourner son visage de profil et jeta d’une voix à la fois suppliante et menaçante :

вернуться

32

Dieu du cul !