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Carl van Haag tapa violemment sur son volant.

— Il faut la retrouver, puisque ce salaud est hors de portée maintenant !

— Bonne idée, approuva Malko. Mais où et comment ?

Gudrun Tindorf n’était sûrement pas partie au hasard. Carl van Haag ne répondit pas.

— Je vais vous déposer auGaborone Sun, dit-il, j’ai des messages à envoyer. Je vous rejoins après.

Quelques minutes plus tard, Malko descendit de la Range-Rover, morose et perplexe. Il passait devant la réception quand l’employée l’appela :

— Il y a quelqu’un qui vous demande au bar.

Malko s’y dirigea. Une femme installée sur un des hauts tabourets du bar. De trois quarts, en train de fumer une cigarette. Elle tourna la tête et lui adressa un sourire chaleureux.

C’était Gudrun Tindorf.

Chapitre XVII

Malko, d’abord, n’en crut pas ses yeux ! Il fallait un culot d’enfer à la terroriste allemande pour venir le défier auGaborone Sun. Il fit un pas en avant et le sourire de Gudrun Tindorf s’accentua, mais ses yeux bleu cobalt ne souriaient pas, eux. La jeune Allemande tenait une cigarette dans la main gauche et sa main droite disparaissait dans le sac posé sur le bar. Deux putes abruties de bière, affalées dans un box, le fixaient d’un regard de bovin et le barman se trouvait à l’autre bout du bar.

— Avancez, dit-elle, et asseyez-vous.

C’est la première fois qu’il l’entendait parler. Une voix douce, calme et froide. Devant, elle avait deux grandes dents de lapin et une bouche charnue et très rouge. Malko se rapprocha d’elle et resta debout à côté du tabouret voisin.

— Que voulez-vous ? Que faites-vous ici ?

— C’est une surprise, n’est-ce pas ? Je vous ai aperçu tout à l’heure.

— Pourquoi n’êtes-vous pas restée avec vos amis ?

Elle eut un sourire froid.

— Il y a eu des problèmes.

— Et alors ?

— J’ai une proposition à vous faire, dit-elle.

— À moi ?

Elle tira une bouffée de sa cigarette, sans cesser de le fixer.

— Enfin, à ceux qui travaillent avec vous. Vos amis sud-africains…

— Pourquoi ne la leur faites-vous pas directement… ? L’un d’eux va venir me rejoindre…

Le major van Haag allait arriver. S’il voyait Gudrun, il risquait de l’abattre à vue.

— Ils ne m’aiment pas beaucoup, dit l’Allemande sans se troubler. Je préfère vous utiliser comme intermédiaire.

C’était une litote.

Le barman s’approcha et Malko se fit servir une vodka. Il en avait besoin.

— Que voulez-vous ?

Elle le fixa droit dans les yeux.

— D’abord que vous ne commettiez pas l’erreur de croire que vous pouvez vous emparer de moi. En ce moment, j’ai une arme braquée sur vous, et je tire bien. Quand je sortirai d’ici, évitez de me suivre. Cela ne vous mènerait nulle part, sinon dans un monde meilleur. C’est d’accord ?

— D’accord. Ensuite ?

— Je suis prête à collaborer avec vos amis.

— Pour quoi faire ? demanda Malko suffoqué.

Gudrun Tindorf ne broncha pas.

— Pour des raisons identiques à celles qui m’ont fait travailler contre eux. De l’argent. Beaucoup d’argent. Vous le savez probablement, je ne suis pas motivée politiquement. Je suis une technicienne.

Il y avait de la fierté dans sa voix.

— Dans votre métier, remarqua-t-il, il est dangereux de trahir ses employeurs.

Elle hocha gravement la tête :

— C’est vrai, mais ce sont eux qui me trahissent. J’avais été engagée pour une tâche précise que j’ai accomplie. Mon travail se terminait ici. J’aurais dû repartir du Botswana avec une certaine somme en dollars, solde de mon contrat. Au lieu de cela, on refuse de me payer et on me demande de retourner en Afrique du Sud. C’est de la folie, et ils le savent. C’est la raison pour laquelle j’ai repris ma liberté. Je suis coincée ici. Les Botswanais ne me garderont pas longtemps, avant de céder aux Sud-Africains et de m’expulser de l’autre côté. Vos amis sont à ma recherche pour me tuer. Alors, je n’ai pas le choix…

— Et qu’avez-vous à vendre ?

Gudrun Tindorf écrasa sa cigarette dans le cendrier :

— Joe Grodno, dit-elle. Plus le réseau de saboteurs que j’ai monté en Afrique du Sud, et les explosifs qu’ils ont amenés de Zambie et qui vont être introduits en Afrique du Sud, dans quelques heures. Vous ne pensez pas que tout cela vaut de l’argent ?

Malko était écœuré devant la froideur de cette femme responsable de dizaines de morts, prête à monnayer quelques vies de plus. Comment pouvait-elle se regarder dans une glace ?

— Si, dit-il, mais je ne vous crois pas.

— Vous avez tort, fit l’Allemande. Je veux un million de dollars en billets de cent. Vous me donnerez la réponse demain matin. Je vous appelle ici. Je vous laisse payer mon verre. Ne me suivez pas…

Elle glissa de son tabouret et passa devant lui, la main toujours enfoncée dans son sac. Ensuite, elle sortit de l’hôtel d’un pas rapide, laissant Malko abasourdi.

Quel culot, quel cynisme et quel sang-froid ! C’était la femme la plus dangereuse qu’il ait jamais connue.

Il ne chercha pas à la suivre car elle ne bluffait sûrement pas. À peine avait-elle disparu que les cheveux noirs et calamistrés du major van Haag surgirent à l’entrée du bar.

— Vous n’avez pas croisé une femme en arrivant ? demanda Malko.

— Je n’ai pas fait attention. Pourquoi ?

— Gudrun Tindorf.

Le major van Haag eut l’air d’avoir reçu un coup sur la tête.

— Mais pourquoi ne l’avez-vous pas arrêtée !

— Parce qu’elle m’aurait mis une balle dans la tête, fit Malko paisiblement. C’est une tueuse. Elle avait préparé cette rencontre.

— Il faut lui tendre un piège, la ramener chez nous pour la juger et la pendre, gronda le major.

— Je sais, dit Malko. Mais ce n’est pas vraiment le problème. Elle veut monnayer ce qu’elle sait sur Grodno, le réseau de terroristes d’Afrique du Sud etc., ces informations valent-elles un million de dollars… ?

— Elles valent une corde, répéta l’officier.

— Transmettez quand même son offre à Pretoria, conseilla Malko. Nous n’aurons pas deux fois une occasion pareille. Les Botswanais nous trahissent et Joe Grodno est à l’abri à l’ambassade soviétique. Je ne vois pas ce que nous aurions à perdre.

— Un million de dollars, laissa tomber le Sud-Africain. Vous croyez que le NSC va lâcher une telle somme ?

— Joe Grodno a menacé de déclencher une campagne de terreur avec des voitures piégées, remarqua Malko. Cela peut coûter beaucoup plus cher qu’un million de dollars.

— Vous donneriez cet argent à cette femme qui… C’est une corde qu’il lui faut, pas un million de dollars…

Malko était d’accord sur le fond, mais pour une corde, il fallait un cou qui aille avec.

— Moi aussi, elle me répugne, dit-il. Seulement, il faut être pragmatique. Nous pouvons peut-être sauver beaucoup de vies humaines et mettre un terme à la carrière de Grodno. Bien entendu tout en négociant, il faut essayer de la piéger.

Carl van Haag but sa bière d’un coup. Complètement perturbé. Son vernis de fonctionnaire craquait devant la férocité des événements. Ce n’était pas un homme de Renseignement et il se sentait de plus en plus mal à l’aise dans cette histoire. À ses yeux, la seule méthode valable aurait été de faire cerner Gaborone par un régiment des Forces Spéciales et de fouiller la ville, maison par maison, après avoir préparé quelques gibets.

— Bien, dit-il, je vais envoyer un télex à Pretoria.