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Comme s’ils s’étaient toujours connus. Il allongea la main pour lui caresser la poitrine, mais elle se déroba avec un sourire trouble.

— Fini. Tu as eu de la chance de connaître Johanna. Je ne fais jamais cela comme ça, pour m’amuser.

— Ah bon, fit Malko, un peu déçu. Et si j’ai envie de te revoir ?

— Tu lui demandes. Ou tu viens ici le soir. J’y suis souvent. Si tu as des amis que ça intéresse.

Ainsi, la maîtresse de l’assistante de Ferdi était pute ! C’était complet. Malko pensa tout à coup à quelque chose. Se levant, il alla prendre dans sa veste la photo de Gudrun Tindorf.

— Tu connais ?

Shona examina le document d’un œil distrait et hocha la tête :

— Oui, je crois.

Malko crut que son cœur allait s’arrêter.

— Où l’as-tu vue ?

Le visage de la Noire se ferma aussitôt.

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ?

— C’est une copine.

— Une copine. (Elle eut un ricanement d’une vulgarité étudiée.) Unehoer[7] oui, elle tapine tout le temps au bar du premier. Allez, faut que je m’en aille. Tu n’as pas cent rands que je prenne un taxi…

Avec ça, elle pouvait faire le tour du Transvaal. Malko lui en tendit deux cents et du coup, elle redevint chatte, lui offrant sa bouche.

— Alors, peut-être à un de ces jours.

Elle remit son chapeau, son chemisier et disparut. L’excitation de Malko n’était pas retombée. Ainsi, le tuyau des Services hollandais était bon. Il était bien sur la piste de Gudrun Tindorf.

* * *

La réunion se terminait. Malko en avait mal à la tête d’avoir regardé des photos de femmes réunies par la police sud-africaine pouvant être Gudrun Tindorf. Ferdi avait vidé ses archives en vain. Johanna lui avait froidement serré la main comme si rien ne s’était passé. Elle se tourna vers son chef et demanda :

— Colonel, je peux accompagner M. Linge jusqu’au garage ?

— Bien sûr, dit Ferdi. J’ai une autre réunion dans cinq minutes. J’espère que nous allons déboucher sur quelque chose.

— Moi aussi, dit Malko.

Grille, carte magnétique. L’ascenseur. Ce n’est que dans le garage que Johanna demanda d’une voix calme :

— Que faisiez-vous hier soir auCarlton ?

— Je vous ai dit…

— Don’t bullshit me[8], fit-elle d’une voix douce. Vous connaissez mes petits secrets. Je veux connaître les vôtres. Vous savez quelque chose que vous ne nous avez pas dit, n’est-ce pas ?

— Oui.

Elle hocha la tête.

— Bien. Je veux être dans le coup.

— Pourquoi ?

— Pour Shona. Je dirai que c’est elle. Cela me permettra de la voir d’une façon plus officielle.

Au moins, elle était franche.

— Promis, dit Malko.

Elle griffonna un numéro qu’elle lui tendit.

— C’est chez moi. Ne parlez pas trop, je suis sur écoute. Si vous me dites que vous avez envie de boire un verre avec moi, je comprendrai. Vous y retournez ?

— Oui. Ne me suivez pas.

— Non. Mais n’oubliez pas.

* * *

Malko inspecta du regard le restaurant argentin empuanti de la fumée des churrascos cuits en pleine salle et se dirigea vers le bar du premier attenant au restaurant où il avait dîné la veille avec Johanna et Shona. Une hôtesse se dressa devant lui.

— Sir, vous êtes seul ?

— Oui, dit Malko.

Elle eut un sourire d’excuse.

— Donnez-moi votre nom et revenez dans vingt minutes environ. Toutes les tables sont occupées.

— Mais je cherche quelqu’un…

Le sourire s’accentua. Inflexible. Derrière elle, Malko aperçut des tables, des lumières tamisées, un grand piano à queue servant de bar. Le pianiste égrenait une musique romantique à souhait.

— Désolée, je ne peux pas vous laisser entrer. Sinon, je ne pourrais pas vous faire sortir. Donnez-moi votre nom. À tout à l’heure.

Elle avait déjà remis la cordelière de velours rouge séparant la salle de l’entrée. Ce n’était pas le moment de faire un scandale… Malko se tordit le cou, sans rien voir. Fou de rage, il se replia sur les banquettes du hall d’où il pouvait surveiller la porte du bar. Les vingt minutes écoulées, il revint et cette fois, l’hôtesse l’accueillit avec un grand sourire :

— J’ai une place pour vous maintenant, Sir.

Il la suivit à travers les tables bourrées jusqu’à un tabouret vide en face du piano à queue.

— Une vodka, demanda Malko.

Une demi-douzaine d’hommes et de femmes étaient déjà installés autour du piano où un grand garçon blond officiait. Malko parcourut lentement la salle du regard et crut que son cœur allait s’arrêter. La dernière personne avant le pianiste était une femme. Sa veste de cuir noir était posée sur ses genoux et son sac, à côté d’elle, sur le piano. Elle portait un chemisier rouge, avait des cheveux noirs, une bouche charnue, un profil régulier. Elle tourna la tête pour prendre des allumettes et il vit ses yeux. Bleus. Superbes…

Une fraction de seconde plus tard, l’inconnue s’était retournée. Cependant, la conviction de Malko était faite.

À côté de lui se trouvait Gudrun Tindorf, la terroriste responsable de l’explosion de Church Street.

Chapitre IV

Malko replongea vivement le nez dans son verre de vodka, essayant de toutes ses forces de ne plus regarder Gudrun Tindorf, ni même de penser trop intensément à elle. Il connaissait le sixième sens de ces gens qui vivent dans la clandestinité, capables de capter le signe de danger le plus infime. Le pianiste blond à la moustache bien cirée jouait leTroisième Homme et Malko s’appliqua à observer ses mains courir sur le clavier, le temps de retrouver son calme. Laisser un tel serpent à sonnettes en liberté relevait du délire. Gudrun Tindorf était très probablement en train de préparer un autre attentat.

Il releva la tête et grâce à la glace en face du bar, réussit à observer l’Allemande tranquillement.

Elle avait vraiment un beau visage, avec une épaisse bouche très rouge et un nez droit et fin. Ses cheveux très noirs, relevés en chignon haut sur la nuque, lui donnaient l’air distingué. Un paquet de Marlboro était posé près d’elle avec un gros briquet d’or. Elle fumait, mais sans nervosité, ni ostentation. Son voisin, un homme élégant d’une quarantaine d’années, avait engagé la conversation avec elle et ils riaient tous les deux.

Il fallait à l’Allemande un sacré culot pour s’installer dans le plus grand hôtel de Jo’Burg avec toute la police sud-africaine à ses trousses…

Les dernières notes duTroisième Homme moururent doucement. Malko avait pris sa décision. Pas de roulette russe : il allait prévenir Ferdi.

Seulement, son verre était encore plein et il ne voulait absolument rien faire qui puisse donner l’éveil à Gudrun. Il s’appliqua à prendre un air ennuyé et but sa vodka à petits coups. Dès qu’il eut terminé, le barman s’approcha et demanda :

— Une autre vodka, Sir ?

Malko, pour lui répondre, tourna la tête et, ce faisant son regard croisa celui de Gudrun Tindorf. Il eut l’impression de heurter une ligne à haute tension. L’Allemande était en train de le fixer, de le scruter plutôt et il eut toutes les peines du monde à ne pas changer d’expression, s’efforçant de la dévisager à son tour comme n’importe quel homme aurait fait.

— Non, merci, l’addition, dit-il au barman.

Gudrun Tindorf avait repris sa conversation avec son voisin. Il allait récupérer sa monnaie quand elle se leva, ramassa son sac posé sur le piano et s’éloigna, accompagnée de son voisin. Elle s’était fait draguer ! Malko était certain qu’ils ne se connaissaient pas en arrivant.

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8

Ne me racontez pas de conneries.