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Beaucoup plus tard. Je ne sais pas quelle heure il est. Largement minuit passé, je suppose. Monde-sœur est à la moitié de sa course à l’ouest, mais son éclat est encore plus grand, aussi loin que mon regard porte, en bas de la vallée, et les falaises plus haut resplendissent d’un éclat bleuté.

Je n’écrirai pas Un peu plus tard, car je n’ai interrompu ce journal que pendant quelques secondes, pour ramasser des brindilles et de l’herbe sèche pour faire du feu. C’est le premier feu que j’allume depuis plusieurs jours. Comme je ne suis pas dans mon sac de couchage, j’ai froid, et je n’ai pas envie de me rendormir. J’ai rêvé que des gens nus se rassemblaient autour de moi pendant que je dormais. Des enfants, des Enfants de l’ombre à la silhouette difforme, qui ne sont ni des enfants ni des hommes, et une fille grande, avec de longs cheveux pendants qui effleuraient mon visage quand elle s’est penchée sur moi.

C’était la fin du journal à la reliure de toile. L’officier le referma, le poussa de côté et pendant quelques instants pianota sur la couverture rigide. L’aube s’était levée pendant qu’il lisait ; il éteignit la faible flamme de sa lampe, repoussa son siège en arrière et s’étira. Il y avait déjà une impression d’humidité et de chaleur dans l’air du matin. Dehors, par la porte ouverte, il voyait que l’esclave avait quitté son poste sous l’arbre à fièvre. Sans doute était-il endormi dans un coin quelque part. Pendant quelques instants, l’officier envisagea d’aller le chercher et de le réveiller à coups de botte. Puis il retourna vers son bureau et, sans s’asseoir, relut la lettre qui avait accompagné le dossier. Elle était datée de plus d’un an.

VOTRE EXCELLENCE : Le dossier ci-joint concerne le détenu 143, actuellement dans nos installations, et qui prétend être un citoyen de la Terre. Ce détenu, dont le passeport (qui a peut-être été faussé) porte le nom de John V. Marsch, docteur en philosophie, est arrivé ici le 2 avril de l’année dernière et a été arrêté le 5 juin de l’année présente à la suite du meurtre d’un correspondant-espion G S P B de catégorie A A dans notre ville. Le fils de la victime a depuis été inculpé pour ce meurtre, mais nous avons des raisons importantes de penser, comme vous pourrez le constater en prenant connaissance du dossier, que 143 pourrait être un agent de la junte actuellement au pouvoir sur la planète sœur. Telle est, en fait, ma conviction.

Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que l’exécution d’un agent de Sainte-Anne aurait, dans les circonstances actuelles, un excellent effet sur l’opinion publique de notre planète. D’un autre côté, si nous acceptons les allégations du détenu selon lesquelles il serait originaire de la planète mère, il est certain que sa libération, tout au moins en attendant qu’il s’incrimine davantage, pourrait avoir un effet également favorable. Les gens d’ici, particulièrement au sein de la classe intellectuelle, l’ont bien accueilli lorsqu’il s’est présenté comme un savant venu de la Terre.

« Maître… »

L’officier leva les yeux. Cassilla, qui bâillait, se tenait à côté de lui avec un plateau, l’esclave à côté d’elle. « Du café, Maître », dit-elle. À la lumière du jour maintenant éclatante, il voyait un réseau de fines rides autour de ses yeux. Elle vieillissait. Dommage. Il prit la tasse qu’elle lui tendait, et pendant qu’elle versait le café il lui demanda son âge.

« Vingt et un ans, Maître. » La cafetière était l’une de celles en argent, avec les Motifs divisionnaires, ce qui signifiait que l’esclave avait dû insister aux cuisines pour qu’on la lui donne ; autrement, il n’aurait eu que l’une des cafetières ordinaires de la table des jeunes officiers.

« Tu devrais prendre mieux soin de toi. » Le café était brûlant, et légèrement parfumé à la vanille. Il ajouta une noix de crème épaisse.

« Oui, Maître. Ce sera tout ? »

« Oui, tu peux me laisser. Dis-moi », fit-il en se tournant soudain vers l’esclave, « quel est le premier navire qui part pour Port-Mimizon ? »

« L’Evenstar, Maître. Aujourd’hui à la marée haute. Mais il doit faire escale à Coldmouth avant d’arriver à la Main, Maître, et peut-être faire un peu de commerce dans les îles. Le Slough Desmond n’appareille que la semaine prochaine, mais il devrait être à Port-Mimizon environ un mois plus tôt. »

L’officier hocha la tête, but son café et retourna à sa lettre.

Bien que plusieurs indices contenus dans les papiers personnels du détenu apparaissent significatifs, il s’est jusqu’à présent refusé à passer aux aveux. Nous poursuivons la politique habituelle des traitements alternativement sévères et bienveillants pour obtenir un effondrement de sa résistance. Peu après son transfert dans la cellule appropriée, le n° 47 à l’étage au-dessus a commencé à communiquer avec lui au moyen de coups en code sur un tuyau qui passe dans les deux cellules. Dès que le détenu 143 a répondu, nous avons persuadé le n° 47 (qui est un politique, et malléable comme le sont tous nos politiques) de noter toutes les conversations. Il l’a fait (Fiche n° 181) et des vérifications au hasard ont montré qu’il coopérait loyalement, mais il n’est rien sorti d’important de ces transcriptions. Dans la cellule voisine de 143 se trouve une prisonnière de droit commun illettrée, qui semble essayer d’entrer en communication avec lui en frappant des coups sur le mur, mais le résultat est incompréhensible et il ne répond pas.

Comme une certaine pression s’exerce de la part de l’université en faveur de la libération du détenu, nous suggérons que cette affaire soit promptement réglée.

L’officier ouvrit le couvercle de la mallette et replaça la lettre à l’intérieur, puis les feuillets épars de la transcription officielle, les bandes magnétiques, le registre à la reliure de toile et le cahier d’écolier. Puis il prit quelques feuilles de papier à lettre à en-tête et un stylo dans un tiroir de son bureau et écrivit :

Monsieur le Directeur du G S P B

Citadelle

Port-Mimizon

Département de la Main

Monsieur le Directeur,

Après un examen approfondi du dossier ci-joint, nos conclusions sont que, malgré le peu d’importance que présente ce détenu, les deux attitudes que vous préconisez nous paraissent totalement indéfendables. Une exécution publique serait interprétée par certains comme la confirmation qu’il était citoyen de la planète mère comme il l’a prétendu, et qu’il a été sacrifié à titre de bouc émissaire. D’un autre côté, s’il était déclaré innocent et relâché, puis inculpé pour une autre raison, cela risquerait de porter atteinte au crédit du gouvernement.

Nous ne nous inquiétons guère de l’état de l’opinion publique à Port-Mimizon, mais comme c’est la seule incidence que cette affaire exerce, nous vous enjoignons de poursuivre vos efforts pour obtenir une coopération complète. Par la même occasion, nous vous recommandons de ne pas fonder d’espoirs prématurés sur cette liaison en train de se développer avec la fille C.E. Jusqu’à ce que vous obteniez sa coopération complète, nous vous ordonnons de continuer à garder le détenu.

Après avoir signé au bas de la lettre, l’officier la glissa également dans la mallette et appela l’esclave à qui il ordonna de la refermer comme elle était à son arrivée. Puis l’officier dit à l’esclave :