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– Emballé dans du plastique et glissé sous le sol.

– Marion Briem, murmura Erlendur en lui-même en secouant la tête.

Les techniciens se démenaient sur les perceuses électriques, le sol se disloquait à leur contact et l’ouverture s’agrandissait jusqu’à ce que l’ensemble du paquet plastifié apparaisse. Il avait la longueur d’un homme de taille moyenne. Les techniciens discutèrent pour savoir comment ils allaient s’y prendre pour l’ouvrir. Mais ils décidèrent de le retirer du sol en un seul morceau et de n’y toucher qu’une fois qu’ils l’auraient amené à la morgue de Baronsstigur où il serait possible de l’examiner sans risquer de détruire d’éventuels indices ou pièces à conviction.

Ils allèrent chercher une civière qu’ils avaient apportée la veille et la déposèrent par terre. Deux d’entre eux essayèrent de soulever le paquet mais celui-ci s’avéra trop lourd et deux autres vinrent à leur rescousse. Le paquet ne tarda pas à bouger et à se libérer de l’endroit où il avait été conservé, ils le soulevèrent et le déposèrent sur la civière.

Erlendur s’en approcha, se pencha dessus, tenta de scruter à travers le plastique et crut distinguer la forme d’un visage, décomposé et moisi, quelques dents et un bout de nez. Il se releva.

– Il n’a pas l’air si mal en point que ça, dit-il.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Sigurdur Oli en désignant l’intérieur du trou.

– Quoi ? demanda Erlendur.

– Ce ne serait pas des pellicules ? dit Sigurdur Oli.

Erlendur s’approcha, s’agenouilla et remarqua effectivement qu’à la place du paquet se trouvaient des pellicules à demi enfouies sous les graviers. Des mètres et des mètres de pellicules éparpillés un peu partout. Il espérait bien que certaines d’entre elles contenaient encore des photos.

34

Katrin ne quitta pas son domicile du reste de la journée. Elle ne reçut aucune visite et n’utilisa pas le téléphone. Dans la soirée, un homme venu en jeep s’approcha de la maison et y entra, tenant à la main un sac de voyage de taille moyenne. On supposa qu’il s’agissait d’Albert, son époux. Il était prévu qu’il rentre chez lui d’un voyage d’affaires en Allemagne dans la soirée.

Deux hommes dans une voiture de police banalisée surveillaient la maison. Le téléphone était sur écoute. On avait retrouvé la trace des deux fils aînés du couple mais on ne savait rien des allées et venues du plus jeune. Il était divorcé et occupait un petit appartement du quartier de Smaibudir, lequel semblait désert. Son domicile avait également été placé sous surveillance. La police travaillait à collecter des informations sur son compte et son signalement avait été envoyé à tous les postes de police du pays. On considérait qu’il n’y avait encore aucune raison de lancer un avis de recherche dans la presse.

Erlendur arriva devant la morgue de Baronsstigur. C’est là qu’avait été transféré le corps de l’homme susceptible d’être Grétar. Le médecin légiste, le même qui avait examiné Holberg et Audur, avait enlevé le plastique entourant le cadavre. La dépouille d’un homme en était apparue, la tête rejetée en arrière, la bouche ouverte comme si elle poussait un cri d’effroi et les bras le long du corps. La peau était desséchée, flétrie et couverte de moisissure grise, des taches d’humidité maculaient ici et là le corps dénudé. La tête semblait terriblement abîmée, les cheveux longs et décolorés descendaient sur le visage.

– Il l’a éviscéré, déclara le médecin.

– Hein ?

– Celui qui l’a caché chez lui. C’est intelligent si l’on veut cacher un cadavre. A cause de l’odeur. Il s’est momifié petit à petit à l’intérieur du plastique. Vu sous cet angle, il est plutôt bien conservé.

– Vous pouvez voir la cause du décès ?

– Il avait un sac plastique sur la tête, ce qui indiquerait qu’il a été étouffé mais il faut que je l’examine plus précisément. Vous allez bientôt en savoir plus. Tout cela prend un certain temps. Vous connaissez son identité ? Pauvre gars, il est dans un sale état.

– J’ai certains soupçons, répondit Erlendur.

– Vous avez vu le professeur ?

– Une femme charmante.

– N’est-ce pas ?

Sigurdur Oli attendait Erlendur quand celui-ci arriva au bureau et l’informa qu’il allait faire une visite à la police scientifique. Ils étaient parvenus à agrandir quelques fragments d’images à partir des pellicules retrouvées dans la cave de Holberg. Erlendur lui rapporta en long et en large la discussion qu’Elinborg et lui-même avaient eue avec Katrin.

Ragnar, le chef de la Scientifique, les attendait avec, sur son bureau, quelques pellicules et des agrandissements de photos. Il leur tendit les clichés qu’ils examinèrent.

– Nous n’avons récupéré que ces trois-là, annonça le chef et, à dire vrai, je ne sais pas ce qu’ils représentent. Il y avait en tout sept pellicules Kodak de 24 poses. Trois d’entre elles étaient complètement noires, et nous ne savons pas si elles avaient été exposées mais, sur l’une d’elles, nous avons réussi à agrandir le petit truc que voici. Est-ce que ça vous dit quelque chose ?

Erlendur et Sigurdur Oli scrutaient les photos. Elles étaient toutes en noir et blanc. Deux d’entre elles étaient à moitié noires comme si l’objectif ne s’était pas ouvert totalement, le sujet n’était pas bien cadré et tellement flou qu’ils n’arrivaient pas à comprendre ce qu’elles représentaient. La troisième et dernière était en bon état et assez nette, elle montrait un homme en train de se photographier devant un miroir. L’appareil photo était petit et plat, surmonté d’un cube flashes à quatre ampoules et le flash éclairait l’homme dans le miroir. Il portait un jeans, une chemise et une veste d’été qui lui descendait à la taille.

– Vous vous souvenez des cubes flashes ? demanda Erlendur avec un soupçon de nostalgie dans la voix. Une sacrée révolution.

– Je m’en souviens bien, répondit Ragnar, qui avait le même âge qu’Erlendur. Sigurdur Oli les regardait à tour de rôle en secouant la tête.

– Cela peut-il s’appeler un autoportrait ? demanda Erlendur.

– On ne voit pas très bien son visage à cause de l’appareil photo, observa Sigurdur Oli, mais n’est-il pas probable qu’il s’agisse de Grétar en personne ?

– Est-ce que vous reconnaissez l’environnement, enfin, le peu qu’on en voit ? demanda le chef de la Scientifique.

Sur l’image reflétée par le miroir pouvait se distinguer une partie de ce qui semblait être un salon, derrière le photographe. Erlendur voyait le dossier d’une chaise ainsi qu’une table de salle à manger, un tapis et une partie de ce qui pouvait être des rideaux descendant jusqu’à terre mais le reste n’était pas très net. L’éclairage était centré sur l’homme dans le miroir et s’atténuait vers les côtés jusqu’à se perdre dans l’obscurité.

Ils scrutèrent longtemps la photographie. Au bout de bien des efforts, Erlendur commença à distinguer quelque chose dans l’obscurité à gauche du photographe ; il lui semblait que c’était une forme, peut-être même un profil, des sourcils et un nez. C’était juste une impression qu’il avait mais la lumière était inégale, parcourue de minuscules ombres, qui aiguisaient son imagination.

– Peut-on tirer un agrandissement de cette zone ? demanda-t-il à Ragnar qui scrutait la même zone sans rien voir. Sigurdur Oli prit la photo et la plaça face à lui, cependant il ne distinguait rien de ce qu’Erlendur croyait voir.

– Ça ne prendra qu’un instant, répondit Ragnar. Ils le suivirent hors du bureau pour aller voir les techniciens.

– Vous avez trouvé des empreintes sur les pellicules ? demanda Sigurdur Oli.

– Oui, répondit Ragnar, deux types : les mêmes que celles qui figurent sur la photo du cimetière. Celles de Grétar et de Holberg.