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Katrin se taisait.

– Est-ce que vous lui avez raconté toute la vérité ?

Katrin regardait Erlendur. Il avait l’impression qu’elle allait encore résister. Il s’écoula ainsi un certain temps, puis il vit que ses lèvres se détendaient. Ses épaules s’affaissèrent, ses yeux se fermèrent, son corps se recroquevilla partiellement sur le canapé et elle éclata en sanglots. Elinborg lança à Erlendur un regard assassin mais celui-ci continuait à regarder Katrin en attendant qu’elle reprenne ses esprits.

– Vous lui avez raconté pour Einar ? demanda-t-il finalement, une fois qu’elle parut avoir recouvré son calme.

– Il ne m’a pas cru, reprit-elle.

– Qu’il n’était pas le père d’Einar ? demanda Erlendur.

– Albert et Einar sont extrêmement proches l’un de l’autre et ils l’ont toujours été. Depuis la naissance du garçon. Évidemment, Albert aime aussi ses deux autres fils, mais il voue à Einar un amour exceptionnel. Depuis le tout début. C’est notre plus jeune fils et Albert l’a toujours particulièrement choyé.

Katrin se tut.

– Peut-être est-ce pour cela que je ne lui ai jamais rien dit, reprit-elle. Je savais qu’Albert ne le supporterait pas. Les années passaient et je faisais comme si de rien n’était. Je n’ai jamais rien dit. Et tout allait bien. Holberg avait laissé derrière lui une blessure et pourquoi n’aurait-elle pas pu se refermer en paix ? Pourquoi aurait-il eu le droit de détruire notre avenir ensemble ? C’était la façon que j’avais trouvée de conjurer cette ignominie.

– Avez-vous tout de suite compris qu’Einar était le fils de Holberg ? demanda Elinborg.

– Il aurait tout aussi bien pu être celui d’Albert.

Katrin se tut à nouveau.

– Mais vous l’avez vu sur son visage, dit Erlendur.

Katrin le regarda.

– Comment faites-vous pour tout savoir ? demanda-t-elle.

– Il ressemble à Holberg, n’est-ce pas ? demanda Erlendur. A Holberg quand il était jeune. Il a été vu à Keflavik et la femme en question a cru qu’il s’agissait de Holberg en personne.

– Ils présentent effectivement certaines ressemblances.

– Si vous n’avez jamais rien dit à votre fils et que votre mari ne savait pas pour Einar, pourquoi y a-t-il eu alors ce grand déballage entre Albert et vous ? Qu’est-ce qui l’a provoqué ?

– Comment ça, la femme de Keflavik ? demanda Katrin. Qui est cette femme de Keflavik qui connaissait Holberg ? Est-ce qu’il vivait là-bas avec une femme ?

– Non, répondit Erlendur tout en se demandant s’il devait lui parler de Kolbrun et d’Audur. Il savait qu’elle entendrait parler d’elles tôt ou tard et ne voyait aucune raison à ce que Katrin n’ait pas le droit d’entendre la vérité immédiatement. Il avait déjà mentionné le viol commis à Keflavik devant elle mais, maintenant, il précisa le nom de la victime de Holberg et lui raconta l’histoire d’Audur, décédée si jeune des suites d’une longue et douloureuse maladie. Il lui raconta comment ils avaient trouvé la photographie de la pierre tombale dans le bureau de Holberg et comment celle-ci les avait menés jusqu’à Kelfavik et à Elin. Il lui décrivit également la manière dont Kolbrun avait été reçue quand elle était allée porter plainte.

Katrin écouta attentivement le récit. Les larmes lui montèrent aux yeux quand Erlendur lui apprit les circonstances du décès d’Audur. Il lui parla aussi de Grétar, l’homme à l’appareil photo qu’elle avait vu en compagnie de Holberg et qui avait disparu sans laisser de traces mais qu’on venait de retrouver, coulé sous la dalle de l’appartement de Holberg.

– S’agit-il de tout le remue-ménage de Nordurmyri dont ils ont parlé au journal télévisé ? demanda Katrin.

Erlendur hocha la tête.

– Je ne savais pas que Holberg avait violé d’autres femmes, observa Katrin. Je croyais être la seule.

– Nous savons pour vous deux, répondit Erlendur. Mais vous n’êtes peut-être pas les seules. Il n’est pas certain qu’on finisse par le savoir.

– Audur était donc la demi-sœur d’Einar, remarqua Katrin, profondément plongée dans ses pensées. La pauvre enfant.

– Êtes-vous absolument certaine que vous n’aviez pas connaissance de son existence ? demanda Erlendur.

– Évidemment que j’en suis certaine, répondit-elle. Je n’en avais pas la moindre idée.

– En revanche, Einar, si, poursuivit Erlendur. Il a retrouvé Elin à Keflavik.

Katrin ne répondait rien. Il décida de réitérer la question.

– Si votre fils ne savait rien et que vous ne l’avez jamais raconté à votre époux, comment se fait-il que votre fils ait tout à coup découvert la vérité ?

– Je ne sais pas, répondit Katrin. Attendez un peu, redites-moi. Comment est morte la pauvre petite ?

– Vous êtes consciente du fait que votre fils est soupçonné du meurtre de Holberg, annonça Erlendur sans répondre à sa question. Il essaya d’annoncer ce qu’il se devait de dire avec autant de précaution qu’il le pouvait. Katrin lui parut étrangement calme, comme si elle n’était en rien étonnée que son fils soit soupçonné de meurtre.

– Mon fils n’est pas un assassin, dit-elle doucement. Il ne pourrait jamais tuer quiconque.

– Il y a de grandes chances qu’il ait assommé Holberg. Il n’avait peut-être pas l’intention de le tuer. Il l’a certainement fait dans un accès de colère. Il a laissé un message à notre intention. Il avait écrit dessus : je suis lui. Vous voyez où je veux en venir ?

Katrin gardait le silence.

– Savait-il que Holberg était son père ? Savait-il ce que Holberg vous a fait subir ? Est-il allé lui rendre visite ? Avait-il appris pour Audur et Kolbrun ? Et, si oui, comment ?

Katrin regardait la paume de ses mains.

– Où se trouve votre fils en ce moment ? demanda Elinborg.

– Je ne sais pas, chuchota Katrin. Je n’ai aucune nouvelle de lui depuis plusieurs jours.

Elle regarda Erlendur.

– Brusquement, il a su pour Holberg. Il a compris qu’il y avait quelque chose d’anormal. Il a découvert ça dans l’entreprise qui l’emploie, dit-elle. Il a dit qu’il était désormais impossible de garder les secrets. Il m’a dit que tout ça, c’était dans la base de données.

38

Erlendur regardait Katrin.

– C’est comme ça qu’il s’est procuré les informations sur son véritable père ? demanda-t-il.

– Il a découvert qu’il était impossible qu’il soit le fils de son père, répondit Katrin tout bas.

– Comment ? demanda Erlendur. Qu’est-ce qu’il recherchait ? Pourquoi est-ce qu’il a cherché des données sur lui-même dans la base ? Par hasard ?

– Non, répondit Katrin. Cela n’avait rien d’un hasard.

Elinborg en avait assez. Elle voulait interrompre l’interrogatoire pour permettre à Katrin de récupérer. Elle se leva, prétextant avoir besoin d’un verre d’eau, et fit signe à Erlendur de l’accompagner. Il la suivit jusqu’à la cuisine. Là, Elinborg argua que la femme avait traversé assez d’épreuves pour l’instant et qu’ils devaient la laisser tranquille, lui conseiller d’aller consulter un avocat avant d’ajouter quoi que ce soit. Il fallait repousser la suite de l’interrogatoire à plus tard dans la journée, contacter sa famille et demander à quelqu’un de rester à ses côtés pour l’aider. Erlendur objecta que Katrin n’avait pas été arrêtée, qu’aucun soupçon ne pesait sur elle et qu’il ne s’agissait pas là d’un interrogatoire officiel mais d’une recherche d’informations. Katrin se montrait extrêmement coopérative en ce moment et, pour cette raison, ils devaient poursuivre.

Elinborg secoua la tête.

– Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, observa Erlendur.