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– Hmm… et la voiture ? Vous l’avez retrouvée ?

– Oui, dans la rue Gardastraeti, répondit l’époux.

– Pourquoi là-bas ?

– Je n’en sais rien. Elle ne connaît personne dans cette rue. Ses vêtements étaient à l’intérieur de cette voiture. Ses vêtements de ville.

Erlendur hésitait.

– Ses vêtements de tous les jours étaient à l’intérieur de la voiture de cérémonie ? dit-il enfin, en réfléchissant aux profondeurs abyssales qu’atteignait maintenant cette discussion et en se demandant s’il en portait la responsabilité.

– Elle a enlevé sa robe de mariée et mis ses vêtements de tous les jours qu’elle avait visiblement déposés dans la voiture, précisa l’épouse.

– Vous pensez que vous pourrez la retrouver ? demanda l’époux. Nous avons contacté tous les gens qu’elle connaît et personne ne sait rien. Nous ne voyons absolument pas comment nous y prendre. J’ai une photo d’elle.

Il tendit à Erlendur la photographie d’une jolie jeune fille aux cheveux blonds en costume de bachelière, qui était maintenant partie se cacher. Sur le cliché, elle lui souriait.

– Vous n’avez aucune idée de ce qui s’est produit ?

– Pas la moindre, répondit la mère.

– Aucune, dit le père.

– Et là, ce sont les cadeaux, n’est-ce pas ?

Erlendur regardait l’imposante table de salle à manger située à plusieurs mètres, chargée de paquets aux jolies couleurs, de magnifiques objets de décoration, de cellophane et de fleurs. Il se dirigea vers la table et le couple le suivit. De sa vie, il n’avait vu autant de cadeaux et se demandait ce que les paquets pouvaient bien renfermer. Des babioles et encore des babioles, s’imaginait-il.

Quelle vie !

– Et là, nous avons un peu de végétation, dit le mari en désignant un buisson dont les brindilles dépassaient d’un grand sac à l’autre bout de la table. De petits papiers rouges en forme de cœur avaient été accrochés aux branches.

– C’est un arbre à messages.

– Qu’est-ce que c’est au juste ? demanda Erlendur. Il n’avait assisté qu’à un seul mariage dans sa vie et cela faisait longtemps maintenant. Il n’y avait pas d’arbres à messages à cette époque-là.

– On distribue aux invités des papiers sur lesquels ils peuvent écrire un petit mot aux mariés, ensuite, on les accroche à l’arbre. On venait juste d’en accrocher des tas sur l’arbre quand Disa Ros a disparu, expliqua l’épouse en portant à nouveau son mouchoir à son nez.

Le téléphone portable d’Erlendur sonna dans la poche de son imperméable et il plongea sa main pour le saisir mais la malchance voulut qu’il se coince dans l’ouverture de la poche et qu’au lieu de faire preuve d’adresse et de calme, ce qui aurait été si facile, Erlendur le tire de toutes ses forces jusqu’à ce que la poche cède. La main qui tenait le téléphone vint heurter l’arbre à messages. Celui-ci se renversa et tomba à terre. Erlendur regarda le couple d’un air désolé et alluma son téléphone.

– Est-ce que tu nous accompagnes à Nordurmyri, oui ou non ? demanda Sigurdur Oli de but en blanc. Histoire de regarder l’appartement d’un peu plus près.

– Tu es au pied de l’immeuble ? demanda Erlendur. Il s’était éloigné sur le côté.

– Tu me fais poireauter, continua Sigurdur Oli. Nom de Dieu, tu es où ?

Erlendur éteignit le téléphone.

– Je vais voir ce que je peux faire, dit-il au couple. Je ne crois pas qu’elle coure un quelconque danger. Elle a sûrement eu un moment de doute et elle doit être en train de se remettre de tout ça chez un ami. Vous ne devriez pas vous inquiéter autant. Elle vous appellera plus tôt que vous ne le pensez.

Le couple se baissa pour ramasser les petits cœurs qui étaient tombés de l’arbre à messages. Il remarqua que certains morceaux de papier tombés sous la chaise avaient échappé à leur regard et il se pencha pour les ramasser. Ils étaient en carton rouge. Erlendur lut les messages écrits dessus et regarda le couple.

– Avez-vous vu ceci ? demanda-t-il en leur tendant l’un des cœurs.

Le mari lut le message et une expression d’étonnement s’inscrivit sur son visage. Il le tendit à sa femme. Elle le lut plusieurs fois sans sembler en comprendre un traître mot. Le message n’était pas signé.

– Est-ce l’écriture de votre fille ? demanda-t-il.

– Oui, je crois, répondit la femme.

Erlendur, qui faisait tourner le papier entre ses doigts, relut le message : Il est dégoûtant, qu’est-ce que j’ai fait ?

5

– Est-ce qu’Eva Lind a cherché à me joindre ? demanda-t-il.

Sigurdur Oli répondit qu’il ne pensait pas qu’elle l’ait fait. Il savait dans quelle situation se trouvait la fille d’Erlendur, mais aucun d’eux n’en disait jamais mot. Il était rare qu’ils évoquent leur vie privée dans leurs conversations.

– Du nouveau pour Holberg ? demanda Erlendur en rentrant directement dans son bureau. Sigurdur Oli le suivit et referma la porte. Les meurtres étaient peu fréquents à Reykjavik et suscitaient un énorme intérêt les rares fois où ils se produisaient. La police criminelle avait pour principe de ne pas tenir les médias au courant du déroulement de ses enquêtes sauf en cas de nécessité absolue, mais cette affaire dérogeait à la règle.

– Nous en savons un peu plus sur lui, annonça Sigurdur Oli en ouvrant une chemise qu’il tenait à la main. Il est né à Saudarkrokur et était âgé de soixante-neuf ans. Il avait été employé comme chauffeur routier au cours des dernières années et avait travaillé à Islandsflutningar, la compagnie des transports d’Islande. Il travaillait encore pour eux de temps à autre.

Sigurdur Oli fit une pause.

– Nous devrions peut-être aller interroger ses collègues ? continua-t-il en réajustant sa cravate. De haute taille et beau garçon, il était vêtu d’un costume neuf, avait fait des études de criminologie aux États-Unis. Moderne et organisé, il était l’exacte antithèse d’Erlendur.

– Nous ferions peut-être bien d’établir son profil ? continua-t-il. Afin de le connaître un peu mieux.

– Son profil ? dit Erlendur. Qu’est-ce que c’est que ça ? Une photo prise de côté ? Tu veux une photo de profil de lui ?

– Non, je veux dire qu’on devrait collecter des informations à son sujet. Enfin ! Qu’est-ce qui te prend ? !

– Et qu’en pensent les collègues ? demanda Erlendur en tripotant un bouton qui pendait de son pull et qui finit par lui atterrir dans la paume. Il était courtaud, râblé, arborait une touffe de cheveux d’un brun-roux, c’était l’un des membres les plus chevronnés de la police criminelle. On le laissait en général appliquer ses propres méthodes. Ses supérieurs, tout comme ses collègues, avaient depuis longtemps renoncé à toute discussion. C’était ainsi que les choses avaient évolué. Ce qui ne dérangeait pas Erlendur outre mesure.

– Il s’agit probablement d’un détraqué, dit Sigurdur Oli. Les recherches s’orientent vers le treillis vert. Le garçon a dû essayer de dévaliser Holberg et il a paniqué.

– Et la famille de Holberg ? Avait-il de la famille ?

– Aucune. Mais nous ne sommes pas encore en possession de tous les éléments. Nous en sommes toujours au stade de la collecte d’informations, la famille, les amis, les collègues. Tu sais, son background. Son fameux profil.

– Si on en juge à l’état de son appartement, j’ai l’impression qu’il était célibataire et depuis un bon bout de temps.

– Évidemment, tu en connais un rayon dans ce domaine, laissa échapper Sigurdur Oli mais Erlendur fit comme s’il n’avait pas entendu.

– Des nouvelles du médecin légiste ? Ou de la police scientifique ?

– Le rapport d’autopsie est arrivé. Il n’y figure rien que nous ne sachions déjà. Holberg est mort d’un traumatisme crânien. Le coup a été violent mais c’est surtout la forme du cendrier et ses arêtes qui ont été fatales. La boîte crânienne a été fracassée et il est mort sur le coup ou pratiquement. Il semble qu’il ait heurté la table du salon dans sa chute. Il avait une méchante plaie au front, laquelle correspondait au coin de la table. Les empreintes digitales présentes sur le cendrier étaient celles de Holberg mais on en a décelé au moins deux autres types dessus, l’une d’elles correspond à celles retrouvées sur le crayon à papier.