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– Elles appartiennent donc à l’assassin ?

– Il y a toutes les chances pour que ce soit les siennes.

– Eh bien, c’est bien un meurtre à l’islandaise, dégueulasse. Voilà tout.

– Le truc typique. On enquête dans ce sens.

Il continuait à pleuvoir. Les dépressions provenant des fins fonds de l’océan Atlantique à cette époque de l’année traversaient le pays d’ouest en est, les unes après les autres, accompagnées de leur lot de tempêtes, d’humidité et de brumes hivernales. La police scientifique était encore à l’œuvre dans l’appartement de Nordurmyri. Le ruban jaune, que la police avait installé autour de l’immeuble, rappelait à Erlendur les travaux de la compagnie d’électricité : un trou creusé dans la rue, recouvert d’une toile sale et, sous la toile, la lumière d’une lampe, le tout soigneusement empaqueté dans un ruban jaune. La police avait circonscrit le lieu du crime de la même manière, au moyen d’un impeccable ruban de plastique jaune marqué du sceau de l’administration. Erlendur et Sigurdur Oli tombèrent sur Elinborg et d’autres enquêteurs de la police scientifique qui avaient passé la maison au peigne fin pendant cette nuit d’automne et jusque tard dans la matinée ; ils avaient terminé leur tâche.

Les occupants des immeubles voisins avaient été entendus et aucun d’entre eux n’avait remarqué d’allées et venues suspectes aux abords du lieu du crime entre le lundi matin et l’heure de la découverte du cadavre.

Bientôt, il n’y eut plus personne à part Erlendur et Sigurdur Oli dans l’appartement. La tache de sang sur la moquette était devenue noire. Le cendrier avait été emmené comme pièce à conviction. De même que le crayon à papier et le bloc-notes. Ceci excepté, on aurait dit qu’il ne s’était rien passé. Sigurdur Oli pénétra dans l’entrée, puis se dirigea vers le couloir desservant la chambre ; Erlendur examina le salon. Ils enfilèrent des gants de latex blanc. Sur les murs étaient accrochées des reproductions qui semblaient avoir été achetées à des camelots sur un marché. Dans la bibliothèque étaient rangés des romans policiers étrangers, des livres de poche du Club littéraire, certains d’entre eux avaient été lus, d’autres même pas ouverts. Aucune édition reliée digne d’intérêt. Erlendur se baissa presque jusqu’à terre pour lire les titres de l’étagère du bas, il n’en reconnut qu’un seul. Lolita, de Nabokov. En édition de poche. Il l’attrapa sur l’étagère. Il était en anglais et avait été lu.

Il replaça le livre sur l’étagère et se dirigea vers le bureau. Celui-ci formait un L qui occupait tout un coin du salon. Un confortable fauteuil en cuir neuf placé sur une coque en plastique rigide destinée à protéger la moquette lui faisait face. Le bureau paraissait nettement plus ancien que le fauteuil. Des tiroirs étaient disposés à chaque extrémité sous le plateau le plus long et, au milieu de celui-ci, se trouvait un tiroir plus grand : au total, cela en faisait neuf. Le plateau le plus petit des deux accueillait un écran d’ordinateur 17 pouces et dessous, avait été placée une tablette pour clavier. Posé à terre, sous cette partie du bureau, se trouvait l’ordinateur.

Les tiroirs étaient tous fermés à clef.

Sigurdur Oli examina de près l’armoire de la chambre à coucher. L’agencement était plutôt bien pensé ; les chaussettes dans un tiroir, les sous-vêtements dans un autre, slips et T-shirts. Des chemises ainsi que trois costumes étaient accrochés à des cintres, le plus vieux des trois, marron à carreaux, datait de l’époque disco, pensa Sigurdur Oli. En bas de l’armoire, quelques paires de chaussures. Des draps et housses de couettes sur l’étagère du haut. L’homme avait fait son lit avant de recevoir son invité. Un jeté de lit blanc couvrait la couette et les oreillers. C’était un lit d’une personne.

Sur la table de nuit, se trouvaient un réveil et deux livres, l’un était un recueil d’interviews d’un homme politique connu, l’autre un livre de photos de camions suédois du modèle Vabis de chez Scania. La table de nuit servait aussi d’armoire à pharmacie contenant des médicaments, de l’alcool à 90°, des somnifères, des cachets d’aspirine et un petit pot de vaseline, tout poisseux.

– Est-ce que tu vois des clefs quelque part ? demanda Erlendur qui était arrivé à la porte de la chambre.

– Non, aucune. Tu veux parler des clefs de la maison ?

– Non, de celles du bureau.

– Non plus.

Erlendur retourna dans l’entrée puis dans la cuisine. Ouvrit les tiroirs et les placards mais ne vit rien d’autre que des couverts, des verres, des ustensiles et des assiettes. Pas la moindre clef. Il alla jusqu’à la penderie, tâta vestes et manteaux où il trouva un anneau fixé à un porte-monnaie noir contenant quelques pièces. Deux petites clefs étaient accrochées à l’anneau avec celle de l’immeuble – celle de l’appartement et celle de la chambre – s’imagina Erlendur. Il les essaya sur le bureau. La même clef ouvrait tous les tiroirs.

Il commença par ouvrir le grand, situé au milieu du plateau. Celui-ci contenait principalement des factures de téléphone, d’électricité, de chauffage de ville, des reçus de carte de crédit ainsi qu’un abonnement au quotidien Morgunbladid. Les deux tiroirs du bas sur le côté gauche étaient vides, le second en partant du haut renfermait les déclarations d’impôt et les bulletins de salaire, celui du haut contenait un album de photos. Erlendur le feuilleta. Il n’y avait que de vieilles photos en noir et blanc datant d’époques diverses, représentant des gens dont certains étaient parfois endimanchés, et Erlendur eut l’impression qu’ils étaient assis dans le salon de l’appartement de Nordurmyri, d’autres clichés les montraient en excursion : en forêt, à Gullfoss ou à Geysir. Il remarqua deux photos dont il se dit qu’elles pouvaient très bien être des clichés de la victime encore jeune, mais il n’y en avait aucun de récent.

Il ouvrit les tiroirs du côté droit. Les deux du haut étaient vides. Dans le troisième, il trouva un jeu de cartes, un échiquier plié dans une boîte avec ses pièces et un vieil encrier.

C’est dans le tiroir du bas qu’il trouva la photo.

Erlendur était en train de le repousser quand un froissement se fit entendre. Il tira à nouveau le tiroir vers l’extérieur, le repoussa et entendit une nouvelle fois le froissement. Le tiroir frottait contre quelque chose quand on le refermait. Il soupira et se mit à genoux, examina l’intérieur du tiroir mais ne vit rien. Il le tira vers l’extérieur, le repoussa et le bruit recommença. Il s’agenouilla sur le sol, tira complètement le tiroir, remarqua que quelque chose était resté coincé dans le caisson et étendit le bras pour l’attraper.

Il s’agissait d’une petite photo noir et blanc représentant une tombe dans un cimetière en hiver. Il ne reconnut pas immédiatement le cimetière. Une stèle était accolée à la tombe et l’inscription principale était assez facile à lire. C’était un prénom féminin. Audur. Sans patronyme3. Erlendur avait du mal à discerner les années. Il chercha ses lunettes à tâtons dans la poche de sa veste, les mit et approcha la photo de son nez. 1964-1968. Il voyait la trace d’une épitaphe mais l’inscription était petite et il ne parvenait pas à la lire. Il souffla doucement sur la photo pour en enlever la poussière.