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— Naturellement ! Je considère ça comme un cas familial !

— Alors part à deux !… ou je mange le morceau !

— Plan-Crépin ! s’indigna la marquise. Voilà que vous pratiquez le chantage maintenant ? Et en quels termes ! Il est vrai qu’avec vous il faut s’attendre à tout !

— Nous devrions savoir que je suis capable de tout quand il s’agit de ceux que j’aime ! Et d’ailleurs est-ce que vous-même…

— Ne soyez pas insolente ! Depuis le temps vous devriez savoir que je déteste que l’on me dise mes vérités ! Conclusion, Adalbert ?

— On garde ça pour nous jusqu’à nouvel ordre ! Et il faut d’abord savoir où est passée Lisa !

2

Une nouvelle guerre des Deux-Roses ?

Décider de ce que l’on dirait ou qu’on ne dirait pas en roulant – même trop vite ! – sur une route de campagne et s’en tenir là quand la personne en question s’inscrit dans le paysage n’est pas du tout la même chose ! Adalbert allait en faire l’expérience dès le lendemain matin, en rencontrant ledit Langlois dans le hall de l’hôpital. Il s’y attendait si peu qu’il se sentit rougir comme s’il était coupable.

Pourtant, en le voyant venir, le visage cependant soucieux du policier s’éclaira :

— Content de vous voir, Vidal-Pellicorne ! Vous ne le savez peut-être pas, mais vous avez quelque chose de réconfortant ! Surtout pour moi qui ai toujours eu les hôpitaux en horreur.

— Vous avez dû pourtant en rencontrer quelques-uns… et ce n’est pas fini !… Mais c’est gentil d’être venu voir Morosini ! Il a dû être content ?

— Pas vraiment : il ne m’a pas reconnu !

— Quoi ? Pas reconnu ? Mais…

— Il paraît que ça va plus mal qu’hier. J’ai vu le chirurgien et il est un peu inquiet…

Adalbert ne l’écoutait déjà plus et fonçait vers la chambre d’Aldo dont Mme Vernon lui barra le passage :

— Où allez-vous ainsi ?

— On vient de me dire qu’il va mal, qu’il n’a pas reconnu…

— Ne dramatisez pas ! Il nous fait une montée de température et il est moins bien qu’hier mais ce sont des accidents qui se produisent. Cela ne signifie pas qu’il soit en train de mourir et nous sommes là pour le surveiller !

— Je peux le voir ?

— Pas pour le moment ! Voulez-vous une tasse de café ?

— Merci, non. Je dois rejoindre le commissaire principal !

— Et prévenir les dames ! Plus de visites aujourd’hui mais vous pouvez m’appeler ce soir. Je passe la nuit ici. Et ne vous tourmentez pas trop. Il est solide !

— Sauf des bronches ! Il a déjà eu des problèmes…

— Elles ne sont pas en cause !

Il retrouva Langlois qui faisait les cent pas dans le hall et vint vers lui aussitôt :

— Vous l’avez vu ?

— Non ! Plus de visites aujourd’hui mais je peux appeler ce soir. Venons-en à vous…

— Vous allez me demander ce que je fais là ? fit Langlois avec l’esquisse d’un sourire. D’habitude c’est plutôt moi qui pose les questions, non ?… Vous devez bien penser que l’affaire déborde largement la région de Touraine ? Je suis venu m’entretenir avec le préfet et le sous-préfet de Chinon pour leur donner les informations qui nous sont parvenues. On sait maintenant comment les coupables ont pu fuir.

— Vous savez où ils sont ?

— Là nous n’en sommes qu’aux suppositions, en Italie sans doute. Quant aux moyens de quitter la Croix-Haute, ils devaient être prévus depuis longtemps, ce genre d’organisation ne laissait rien au hasard ! Ils sont partis en bateau mais au lieu de se laisser glisser jusqu’à la Loire, ils ont remonté la Vienne jusqu’à un petit aérodrome plus ou moins abandonné près de L’île-Bouchard où ils ont laissé le bateau…

— Comment avez-vous pu le savoir ?

— Un coup de chance, je vous l’accorde : le père d’un de mes inspecteurs, ancien policier lui-même et pêcheur impénitent, habite sur la rive gauche de la Vienne et tout près dudit terrain d’envol. Il s’était levé très tôt pour poser des appâts. Il a vu arriver l’embarcation qui est repartie après avoir déposé ses passagers. L’avion est venu atterrir un quart d’heure plus tard, et n’est resté que quelques minutes avant de décoller. Direction plein sud ! Là-dessus notre pécheur a appelé son fils qui m’a prévenu… Et me voilà !… Vous êtes à l’hôtel de l’Univers je suppose ?

— Vous supposez bien. C’est là que vous descendez ?

— Non. J’ai les honneurs de la préfecture… et cela me fait penser que je dois envoyer des fleurs à la préfète. En revanche, vous trouverez à votre hôtel Mr. John-Augustus Belmont qui est venu s’occuper de sa sœur qu’il souhaite ramener en Amérique au plus vite ainsi que sa femme de chambre Helen Adler qui va beaucoup mieux.

— Vous n’avez plus besoin de leurs témoignages ?

— Mrs. Belmont et miss Adler ont dit, je crois, tout ce qu’on pouvait en attendre et il n’y aucune raison de les retenir davantage. L’une comme l’autre ont le plus urgent besoin de se retrouver dans leur cadre familier.

— Je m’en doute mais si vous arriviez à capturer toute la bande cela donnerait lieu à un procès, vous les convoqueriez ?

— Pour ne pas leur faire courir de risque, elles pourraient être entendues, à l’ambassade de France, par deux magistrats commis à cet effet, assistés de Phil Anderson, patron de la police métropolitaine de New York. En outre, je vous rappelle que – du moins en ce qui concerne Mrs. Belmont ! – une traversée de l’Atlantique supplémentaire ne représenterait pas un obstacle. Elle prend plus facilement le paquebot que le métro new-yorkais. De toute façon, le procès ne s’inscrit pas dans l’horizon immédiat. Je suis persuadé que nous avons en face de nous une branche de la Mafia…

— Autrement dit, le procès est du domaine du rêve ?

— Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! J’espère fermement avoir leur peau un jour ou l’autre et Gordon Warren, à Scotland Yard, n’est pas près de lâcher prise. Nous allons obtenir de la Cour de La Haye un mandat d’arrêt international contre Lucrezia Torelli et Ottavio Fanchetti…

— S’ils s’appellent vraiment comme ça ! En outre, je ne suis pas certain que l’Italie de Mussolini soit disposée à vous aider !

Brusquement, l’élégant commissaire principal Langlois, que l’on pourrait appeler le dandy du Quai des Orfèvres, vira au rouge vif :

— Dites-moi, Vidal-Pellicorne, vous en avez encore pour longtemps à vous faire l’avocat du diable ? Vous commencez à m’agacer singulièrement !

— Ce n’est pas mon propos et je vous offre mes excuses ! Au vrai c’est que je me tourmente…

— Pour Morosini ? Vous croyez que je l’ignore ? Il est même le tout premier de mes soucis !

— Moi c’est son ménage qui arrive en première ligne ! Cette histoire délirante l’a mis en morceaux !

— Ce n’est pas une nouveauté ! Dois-je vous rappeler l’affaire de la « Régente » où, se croyant trompée, Dame Morosini lui a imposé une pénitence de plusieurs mois alors qu’il était aussi innocent que vous et moi, sans compter un état physique déplorable ? De toute façon, j’ai l’intention de l’interroger. Où qu’elle soit ! Si une convocation officielle ne lui suffit pas, j’irai jusqu’à Venise !

— Mais… pourquoi ?

— Pour qu’elle me parle de l’homme qui, ayant réussi l’exploit de suivre la voiture de ses ravisseurs, l’attendait à l’entrée du bois de la Croix-Haute… et en compagnie de qui elle est partie après l’avoir embrassé. Comme par hasard, le coup de feu qui a abattu Morosini est venu de ce coin-là… Approximativement, certes, mais suffisamment pour m’intéresser !