- Si je comprends bien, cette grossesse est en train de devenir le secret de Polichinelle.
- N'exagérons rien ! Je n'ai cité jusqu'ici que deux personnes, l'empereur et la reine de Naples. Il faut y ajouter le prince de Condé qui cantonne actuellement non loin de la frontière suisse et qui veillera sur la sécurité de la princesse au moment délicat de l'échange contre les prisonniers français d'une part et avec sa demi-sour d'autre part. Encore plus délicat bien entendu C'est à ce moment là que commencera votre rôle à vous, c'est-à-dire dès l'instant où les voitures du prince de Gavre, qui vient chercher la princesse, auront pris le chemin de l'Autriche. Vous partirez avec elle pour le lieu, agréable rassurez-vous, mais discret où elle vivra le temps qu'il faudra. Vous serez sa... dame d'honneur, son amie, sa protectrice, sa confidente peut-être et cela pour un temps que je ne saurais déterminer. Réfléchissez et dites-moi votre sentiment !
Réfléchir ? Laura n'en avait pas besoin. Ce qu'on lui offrait c'était, avec le bonheur de vivre auprès de Marie-Thérèse et de l'enfant à venir, d'échapper à son tourment et d'échapper à l'attirance terrible qu'exerçait sur elle l'homme dont elle était certaine à présent qu'il la trahissait, qu'il l'avait sans doute toujours trahie comme, peut-être il trahissait Marie...
- J'accepte, dit-elle fermement. Et avec plus de joie que vous ne l'imaginez.
- Même si vous devez sacrifier beaucoup de temps de votre vie ?
- Surtout dans ce cas !
Le visage fatigué du ministre s'éclaira d'un sourire.
- Bien. Je vous remercie très sincèrement, madame. Vous n'ignorez pas, cependant, que cette mission peut présenter des dangers, presque aux secrets dun inévitables lorsque l'on toiicfr Etat ou d'un personnage. ne m'effraie pas.
- Je m'en doute mais cel^_ander comment je Cependant, il me faut vous de Saint-Malo une dois agir envers mes proches' chère qu'une mère amie qui m'est devenue aussi ^ajSon d'armement travaille à remettre debout la ' naval de mes ancêtres... ^rnet :
Bénézech consulta un petit <^ j} ne peut être
- Mme de Sainte-Alferine cOurant, pas plus question qu'elle soit rnise a^votrevie. qu'aucun de vos amis. Il y va ^urtant Laura avait
Le ton s'était fait sévère, ï7 encore quelque chose à dire : ^ut savoir de moi,
- Puisque vous sernblez ^erviteur qui m'est si vous n'ignorez pas que j'aj un ns à " disparaître " solidement attaché que, si je V* cjel et terre pour de façon inexplicable, il rem1* *\ jaouen. C'est un me retrouver. Il s'appelle J^ t pour la fidélité, il brave, un homme de valeur ^ pourrait sous les en remontrerait à un chien- ,f Comment dois-je tourments plutôt que rr\e trafc m'y prendre avec lui ? $ tout de suite. Il
Bénézech ne répondit P^ qu'il avait pris dans consultait à nouveau le cam^ sa poche : P>. Il serait peut-être - L'homme au crochet de * r jj vous faut, à vous bon qu'il vous accompagne ^ n'en trouveriez pas aussi, une protection et voi* gercela... de meilleure. Je verrai - Une autre question cette petite Lambriquet. Si elle part avec Madame, comment opérerez-vous la substitution ?
- De façon fort simple. Ernestine Lambriquet ne partira pas... mais Mme de Soucy qui va être chargée d'escorter la princesse jusqu'à Vienne sera autorisée à emmener son jeune fils... et sa femme de chambre.
Le dernier mot rappela Bina au souvenir de Laura .
- Moi aussi, j'en ai une. Elle est très éprise de Jaouen et si je la sépare de lui, elle est capable d'aller se jeter dans la Seine.
- Ah!
La réflexion, cette fois, fut plus longue puis le ministre demanda :
- Dévouée aussi celle-là ?
- A moi sans aucun doute... mais à Jaouen, j'en mettrais ma main au feu
- Alors qu'il l'épouse, sinon vous partirez sans lui...
Laura commençait à trouver qu'on lui en demandait beaucoup. Comme faire accepter à Jaouen une telle condition ? Elle voyait poindre à l'horizon une infinité de discussions, mais elle n'eut pas le temps de s'y attarder. Bénézech n'en avait pas encore fini et elle n'était pas au bout de ses surprises.
- Le mariage républicain devrait suffire, concéda-t-il en voyant sa visiteuse froncer les sourcils.
- Concernant des Bretons ? Cela m'étonne-rait...
- Ma chère, la Bretagne n'est pas composée uniquement de fervents chrétiens. On y a vu des prêtres mariés, j'en passe et des meilleures. Quant à vous et une fois ce petit problème domestique réglé, vous allez disparaître...
- Moi ? Je vais...
- Je veux dire miss Adams va disparaître. Elle va retourner le plus tranquillement du monde à Boston.
- Mais qu'irais-je faire à Boston ?
Le ministre lui dédia un regard sincèrement affligé avant de porter son attention sur l'abat-jour vert de sa lampe bouillotte.
- J'espérais que vous étiez femme à me comprendre à demi-mot. Miss Adams va quitter Paris très officiellement en donnant l'impression que ce départ est définitif. Ensuite, une chaise de poste la conduira au Havre, avec ses serviteurs, où ils embarqueront sur un navire... qui les déposera à Dieppe. Là, Mme de Laudren et ses gens trouveront une voiture dans un endroit tranquille, menée par un homme qui a ma confiance. Il vous remettra vos passeports et vos instructions puis il reviendra me dire si tout s'est bien passé. Naturellement c'est votre... Jaouen qui prendra sa place sur le siège et, en évitant Paris, vous partirez pour Baie où vous descendrez à l'hôtel du Sauvage. Merlan, le propriétaire, est un agent royaliste en qui le prince de Condé a toute confiance. Vous y attendrez un certain Philippe Scharre. C'est un ancien cent-Suisses échappé au massacre des Tuileries. Il vous dira la suite. Vous partez dans trois jours.
- Trois jours ! protesta Laura. N'est-ce pas un peu hâtif ?
- Pas du tout ! Vous devez être à Baie pour le jour de Noël. Vous ne retournerez pas au Temple : Madame et vos amis apprendront que vous avez été expulsée pour agissements royalistes. On vous plaindra, on vous bénira... et Madame n'en sera que plus heureuse de vous retrouver.
- Où la rejoindrai-je ?
- Scharre vous dira la suite. Naturellement tous les frais de cette aventure m'incombent. A moi, précisa-t-il. Pas à la République. La voiture que vous prendrez à Dieppe sera à votre nom et vous devriez gagner votre destination sans encombres. A présent que vous savez ce qui vous attend, acceptez-vous toujours ?
- Oui. J'accepte. Ainsi... Laura Adams va disparaître... définitivement ?
- C'est indispensable dès l'instant où elle va être connue comme ennemie de la République. Y étiez-vous tellement attachée ?
- Oui... répondit Laura après un instant de réflexion. Je lui dois la vie et aussi de grandes joies. Je crains d'avoir l'impression de perdre une vieille amie...
- J'espère que, dans la suite des temps, le destin vous réservera assez de bonheur pour effacer les regrets.
- Je n'y crois guère, monsieur le ministre. Il y a des gens qui ne sont pas faits pour le bonheur et je crains d'être de ceux-là !
- Il faut toujours y croire ! Vous êtes jeune et... très belle. Sachez que je vous suis infiniment reconnaissant d'avoir accepté.
Bénézech conduisit Laura jusqu'à l'antichambre où Favre l'attendait pour la ramener chez elle mais là, au lieu d'un simple salut, il prit sa main et la baisa avec toute l'élégance d'un noble d'Ancien Régime en y ajoutant quelque chose de plus doux qui ressemblait à de l'amitié.
- Encore merci ! dit-il.
Revenue rue du Mont-Blanc, Laura envoya Bina se coucher et alla s'enfermer avec Jaouen dans son petit salon. En quelques phrases, elle lui rapporta son entretien avec le ministre sans mentionner d'abord la clause qui le concernait. Il l'écouta attentivement sans rien laisser paraître, se contentant de remarquer :