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— C’est drôle, le ping-pong, déclare Jim. La façon dont on peut compter sur sa façon de jouer change vraiment du jour au lendemain. Vous comprenez ?

— Je crois que la plupart des sports sont comme ça. Le moment où on se dépasse arrive rarement. Peut-être que ça ne concerne pas seulement les sports, hein ?

Jim hoche la tête en la dévisageant. Son sourire, qu’il a rarement eu l’occasion d’observer, est mince et contrôlé, finalement très joli. Il ne sait pas grand-chose d’elle, malgré son admiration à distance. « Une femme d’affaires d’un genre ou d’un autre ? Drôle de pendant à l’activisme social d’Arthur. Peut-être que c’est pour ça qu’ils se sont séparés. Ne nous tracassons pas là-dessus. »

Ils sortent sur le balcon, et Jim la questionne sur son travail. Elle collabore à la gestion de Fashion Island, le vieux mail qui surplombe Newport Beach. Elle travaille donc pour la compagnie d’administration engagée par l’Irvine Corporation, qui possède le terrain. La vieille fortune née du démembrement des ranches, et qui remonte à deux cents ans… même si Irvine n’est plus qu’un nom désormais, et que la famille est depuis longtemps hors du coup. Jim parle de cet aspect de la propriété terrienne dans le C. d’O., et Virginia écoute, intéressée et curieuse.

— C’est drôle, on ne pense jamais à la façon dont les choses en sont arrivées là, dit-elle avec éclat.

Ah bon. Jim y pense. Mais il passe là-dessus. Il lui raconte la récente fouille archéologique sous le Fluffy Donuts, se transformant lui-même en sujet de plaisanteries, et elle rit. Le rôle du pitre, après tout, peut être un rôle utile, comme il le sait déjà. Surtout après une démonstration de ses compétences à la table de ping-pong : on peut alors confondre ça avec de la modestie. Ils contemplent les voitures qui tracent sur les autoroutes. Alors qu’ils se penchent par-dessus les géraniums rouges qui courent le long du balcon, leurs bras se frôlent. C’est accidentel et ça ne signifie rien, sûrement.

— Vous surfez ? demande Virginia.

— Non. Tash a essayé de m’apprendre, mais au moment où je me redresse la planche fout le camp et je tombe.

Elle rit.

— Il faut juste se lancer et se lever d’un seul coup sans s’inquiéter de son équilibre. Je parie que je pourrais vous apprendre.

— Vraiment ? J’adorerais ça. (Sans mentir. Virginia à la plage ? Tu parles d’une image !) Tash dit toujours, comme si je l’avais fait exprès : « Ne tombe pas, Jim. »

Elle rit de nouveau.

Mais bon, Jim est actuellement avec Sheila Mayer. Comme sa mère ne tarderait pas à le souligner. Ils sont ensemble depuis maintenant presque quatre mois, et ces quatre mois ont été plutôt bien, c’est vrai. Mais, depuis quelque temps, Jim considère que c’est une affaire classée ; l’émotion a disparu, et Sheila est une Lagunatique qui ne va pas dans le centre du C. d’O. plus de deux fois par semaine, et Jim a assez souvent pris du bon temps avec d’autres femmes rencontrées chez Sandy. Mais l’occasion d’en discuter avec elle à tête reposée ne s’est pas encore présentée. Il le fera bientôt. En attendant, il s’imagine que ses infidélités le rendent un peu moins pitre aux yeux de ses amis, et un peu plus homme du monde.

Et pour l’instant il ne pense à rien de tout ça, de toute façon. Il a oublié Sheila, en fait, et s’il songe à ses amis, c’est juste avec le vague sentiment qu’il ferait vraiment impression s’il avait une liaison avec Virginia Novello.

Ils discutent durant pas mal de temps des mérites comparés du surf et du body-surf, et autres sujets philosophiques du même ordre. Ils rentrent et s’asseyent sur l’un des longs canapés beiges, et boivent d’autres margaritas. Ils parlent du travail de Jim, des gens qu’ils connaissent les uns et les autres, des groupes qu’ils aiment en musique. La fête se vide, maintenant, seuls restent les habitués, les vrais amis de Sandy et d’Angela. Sandy se pointe et s’assied à leurs pieds pour bavarder un moment.

— Est-ce que Jim t’a parlé de notre attaque du parking ?

— Oui. J’aimerais bien voir ce vieux bout de bois que vous avez libéré.

— Tu l’as amené, Jim ?

— Je suis en train de le faire remodeler pour le manche de ma raquette de ping-pong.

Ils rient ; il a plaisanté, apparemment ! Ça doit vraiment être sa soirée.

Erica, la camarade de Tashi, se penche sur Sandy, l’attrape par sa longue queue-de-cheval rousse et tire.

— Sandy, est-ce que tu vas ouvrir le jacuzzi ce soir ?

— Oui. Je l’ai pas déjà fait ? Bon Dieu, quelle heure est-il ? Une heure ? (Le grand sourire de givré s’élargit de manière impossible, Sandy roule des yeux lubriques à l’intention d’Erica.) Accompagne-moi, attends que je fasse monter la pression, tu pourras la tester pour moi.

— Tester quoi pour toi ?

Bras passés l’un autour de l’autre, ils se dirigent vers le sauna tout au bout de l’appart, invitant Tash et Angela.

— Veux aller au jacuzzi ? demande Virginia à Jim.

— Sûr, déclare-t-il, très calme.

Ils suivent Sandy, Erica, Tash, Angela, Rose, Gabriela, Humphrey et un ou deux autres dans le couloir qui mène au sauna. Sandy allume la lumière, le chauffe-eau, le thermostat du jacuzzi, les jets d’eau. La pièce est chaude, moite, emplie des plantes grasses les plus tropicales d’Angela, suspendues dans un lacis de macramé. Planchers en séquoia, cloisons en séquoia, fenêtre de toit en dôme, bain turc carrelé de céramique bleue ; oui, Sandy et Angela ont la vie belle. Ils entrent dans le vestiaire et se déshabillent.

Bien sûr ils agissent souvent ainsi chez Sandy, la nudité en société y est affaire courante, vraiment rien d’important. Pourtant, l’œil gauche de Jim s’est retrouvé bloqué traqué sur son nez, à force d’essayer de regarder Virginia et Erica se dévêtir en même temps. Subreptice pression des phalanges pour débloquer la pauvre chose, pour continuer à profiter du spectacle, on peut parier ; la saturation de vidéo a formé Jim, comme tout le monde, à apprécier l’image féminine avec raffinement. Aussi, quand les bras se croisent, quand ces corsages passent par-dessus ces têtes en un unique mouvement fluide, poitrines libérées, chevelures secouées sur les épaules, les hommes exhalent un soupir de connaisseurs réjouis. Sans doute les femmes ressentent-elles cette légère crête dans la lecture de données, elles aussi, il y a là un moment d’exhibitionnisme pseudo-tabou, quelle émotion d’Enlever Tout Devant Tout le Monde, waow, et en plus tous ces muscles de maniaques de la lutte, du surf, partout… Mais c’est une scène banale, bien sûr, naturellement, évidemment.

Nus, ils sortent dans la salle de bains turcs et descendent dans le bassin. Rose et Gabriela, amies de longue date, se plongent l’une l’autre dans l’eau brûlante. Vapeur et rires emplissent la pièce. Debbie Riggs, la sœur de Humphrey, entre voir ce qui motive tous ces rires. L’eau est trop chaude pour Virginia, et elle s’assied ruisselante sur le bâti à côté de Jim. Ils parlent tous.