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— Ooups ! fait Sandy, qui est doué de P.E.S. dans ces cas-là. (Il jette un œil derrière le coin, vers la rue.) La police.

Il a déjà prévu un itinéraire de fuite et, sans un instant de pause, il remonte une allée entre le supermarché et le mur de la résidence, entre dans l’aplex. Sandy ne peut pas se permettre ne serait-ce qu’une conversation à bâtons rompus avec la police, encore moins une arrestation pour avoir violé le sol d’un parking.

Les autres ramassent les outils d’Abe en vitesse et suivent Sandy, juste au moment où un rayon cosmique de lumière blanche au xénon vient subitement à l’existence et inonde le parking de son éclat. Des voix autoritaires amplifiées par des haut-parleurs leur ordonnent de s’arrêter, mais ils sont déjà à l’abri dans l’aplex, aussi en sécurité que des cafards sous un réfrigérateur. Sauf que cette fois la police s’est mise à les poursuivre… peut pas laisser ces voyous bousiller les parkings du C. d’O., et c’est l’heure de la chasse ; les quatre amis fuient à toutes jambes, en ordre dispersé, filant de cours pareilles à des placards en voies piétonnes au deuxième ou troisième étage, en recoins à poubelles, en embrasures de portes… L’aplex est d’une architecture typique de L-5, forme dominante du XXIè siècle, mais il est plus petit que la plupart des aplex labyrinthiques du C. d’O. et il n’y a tout simplement pas autant d’endroits corrects où se réfugier à la hâte. En traversant une cour de trois mètres cinq sur trois mètres cinq, Jim trébuche sur un robot-jouet de gosse et laisse tomber sa trouvaille archéologique, elle lui échappe bruyamment et il sautille en tous sens en essayant de la repérer lorsque Sandy lui rentre dedans en courant et l’entraîne dans un renfoncement d’ascenseur tout proche. Juste à temps, car un policier coiffé d’un casque IRHUD surgit et, eh bien, qui sait s’il n’est pas capable de distinguer les empreintes de chaleur de leurs pas sur ce sol ! Bien possible. Il s’est immobilisé dans la cour. Sandy et Jim, espérant que les semelles de leurs chaussures auront été assez épaisses, se recroquevillent dans l’obscurité du renfoncement de la cage d’ascenseur et regardent la lampe frontale du policier balayer la mini-cour en dansant.

Un instant, le faisceau lumineux éclaire le morceau de bois, sous un buisson mort, plus loin.

— Bon, c’est qu’un bout de bois, murmure Sandy à l’oreille de Jim. Et ça… (faisant un geste en direction du policier sur le départ)… c’est une nuit de prison. Il faut que tu pèses tes priorités, Jim. Tu dois réfléchir avant d’agir…

Ils récupèrent le morceau de bois et partent furtivement dans la direction opposée. Jim est maintenant irrémédiablement désorienté, mais une partie de la P.E.S. de Sandy consiste en une parfaite boussole intérieure, et il les conduit vers l’est, puis les fait redescendre à travers le bâtiment de blanchisserie/récréation/administration de l’aplex, avec son mur de cinq cents boîtes aux lettres, et ressortir sur Chapman Avenue.

La voiture des flics est toujours garée devant le Fluffy. Ah ha, voilà Abe et Tash, devant eux. Les suivre et traverser la rue vers la voiture de Jim.

— Qu’est-ce qui vous est arrivé, les gars ? demande Tash.

— J’ai fait tomber le bout de bois, dit Jim. Eu quelques problèmes pour le retrouver.

— J’espère que tu y es arrivé, le gronde Abe, sinon on te renvoie le chercher !

— Non, le voilà ! Tu vois ?

Ses amis rient fort et longtemps. Tout est bien qui finit bien. Ils sautent dans la voiture, mettent le moteur en route, se reglissent sur le rail et repartent sur Chapman. Abe déclare :

— Portons ce précieux fragment au musée et filons chez Sandy voir comment la fête se passe.

— Ah, hahaha. Pas de fête ce soir, les gars.

— C’est ce que tu crois.

2

Le lendemain matin, Dennis McPherson, le père de Jim, prend le vol-navette de l’United qui va de Lax au National Airport de Washington D.C. Il se réveille alors que le Boeing 7 X7 replonge dans l’atmosphère, refourre les journaux qui sont sur ses genoux dans sa mallette. Ils ne l’ont pas aidé. Bien sûr, il a somnolé pendant la majeure partie du court vol, mais même s’il les avait lus cela ne l’aurait pas aidé. Il est ici, d’abord, pour rencontrer le colonel de l’Air Force T.D. Eaton, pour discuter des progrès du programme Foudre en Boule, l’un des gros contrats actuellement en cours de développement dans la compagnie pour laquelle travaille McPherson, la Laguna Space Research. Ce n’est pas le programme de McPherson, toutefois, et il ne sait pas comment justifier les retards qui l’ont empoisonné. C’est son vieil ami Dan Houston qui devrait couvrir celui-ci, mais Houston est descendu à White Sands, pour tâcher d’arriver à réussir un essai du satellite de repérage/ciblage/pistage Foudre en Boule, et McPherson a d’autres obligations à remplir à Washington, de sorte qu’on lui a collé celle-là. Magnifique.

L’autre but de cette visite est une conférence avec le major Tom Feldkirk, du Département des Systèmes Electroniques de l’Air Force. Feldkirk a sollicité cette conférence sans en fournir le motif, ce qui est inquiétant. La L.S.R. a de nombreux contacts avec le D.S.E., et le problème à débattre pourrait relever d’un domaine parmi beaucoup d’autres.

Parce que, à vrai dire, dans beaucoup de domaines, la L.S.R. se débat, ces temps-ci. Trop de propositions ont échoué, et trop de contrats décrochés ont sombré dans les retards et les dépassements de délais. L’Air Force réprime ces difficultés plus sévèrement que jamais et, quel que soit le sujet que Feldkirk envisage d’aborder, il y a peu de chances que ce soit bon.

L’avion enfile la cuvette de la Potomac River et atterrit. Moment d’aller à son hôtel.

Il passe en pilotage automatique. Tellement de répétitions… Il est devenu chef garçon de courses à la L.S.R. pour ce genre de chose, expédié à Washington une vingtaine de fois par an pour éteindre incendie après incendie. (Descendre de l’avion, entrer dans l’aérogare. Il a épuré son bagage jusqu’à ne plus avoir qu’un simple sac de voyage, et sort directement vers la file d’attente devant la station de taxis.) A en juger d’après toutes ces missions plus ou moins diplomatiques, on pourrait se dire que c’est un type du genre salut-mon-pote-content-de-te-voir, quelqu’un qui peut faire ami-ami avec les marioles et noyer leurs objections dans un verre. Pas du tout : Dennis McPherson est un homme réservé, dont le quant-à-soi peut rendre les gens nerveux. (Grimper dans un taxi, en route pour le Hyatt Regency de la Cité de Cristal. Circulation pare-chocs contre pare-chocs au niveau inférieur de l’avenue George-Washington.) Il est capable de faire un interlocuteur valable dans une conversation de table aussi bien que n’importe qui ; c’est juste qu’il n’a pas cette bonhomie qui, dans ce contexte, se doit d’être toujours transparente et fausse, et par conséquent déroutante. C’est une affaire sérieuse, après tout, la plus sérieuse des affaires : l’industrie militaire. Pourquoi faire semblant d’être le meilleur copain d’un quelconque emmanché de l’Air Force avec lequel on doit traiter ?

Entrer dans le Hyatt Regency de la Cité de Cristal, un vaste espace irrégulier empli de miroirs, d’escalators, de cascadantes fontaines d’eau et de lumière, de murs de verdure luisante, d’ascenseurs suspendus, de balcons en surplomb. Se faufiler dans le labyrinthe sans réfléchir, se faire enregistrer, monter dans sa chambre. Dans la salle de bains de chrome et de porcelaine blanche, se regarder dans le miroir assombri, peut-être faire un peu de toilette avant le travail de la journée.

La peau rose tachée de son. Il a besoin d’un rasage. Des cheveux blond fraise, comme dit toujours Lucy, qui cèdent du terrain sur un front rond d’irlandais. Des yeux d’un bleu froid et de profondes crevasses verticales entre les sourcils ; c’est un personnage trapu, têtu, l’un de ces Irlandais renfermés qui ne parlent pas beaucoup, et il a maintenant l’air tourmenté, fatigué, contrarié. Ça va être une rude journée.