Aussi, le soir précédant le départ du jeune homme, elle lui proposa de faire quelques pas le long de l’étang. La nuit était tiède, constellée d’étoiles, romantique à souhait. Ils marchèrent plusieurs minutes côte à côte sans se parler. Thomas partait à l’aube. Il ne fallait pas gâcher cet instant mais les circonlocutions n’étaient pas dans la nature de Lorenza. C’est pourquoi elle dit sans préambule :
— Souhaitez-vous toujours faire de moi votre femme, Thomas ?
— Vous n’avez pas changé ? Alors moi non plus ! répondit-il d’une voix calme mais que l’émotion enrouait.
Ils s’étaient immobilisés l’un en face de l’autre et se turent. Ils se regardèrent un instant sans rien dire comme s’ils hésitaient au bord des mots mais, cette fois, ce fut lui qui rompit le silence :
— Je vous aime plus que jamais ! murmura-t-il. Assez pour respecter...
— Non, l’interrompit-elle en lui posant un doigt sur la bouche. Ce serait avilissant pour tous les deux. Au soir du mariage, je serai à vous tout entière, sans arrière-pensée, sans regret et, je crois, avec bonheur !
— Lorenza !... En vérité ?
— Prenez-moi dans vos bras, Thomas, serrez-les très fort... et ne les ouvrez plus jamais !
— Tant que je vivrai, Lorenza ! Tant que je...
Leur premier baiser étouffa le dernier mot...
Ce fut la veille du mariage que la lettre arriva portée par un messager à cheval qui la lança à un valet avant de repartir. Elle était adressée à donna Lorenza Davanzati et ne contenait que deux courtes phrases ainsi qu’un dessin reproduisant minutieusement la dague au lys rouge :
« Si tu l’épouses, il mourra comme les autres ! Tu seras à moi ou à personne ! »
Frappée au cœur mais sans un cri, elle s’écroula...
Saint-Mandé, janvier 2010
Notes
[1] Les Emmurés
[2] Le palais porte toujours le nom de son constructeur mort en exil en 1445, bien que celui-ci n’ait réalisé que le rez-de-chaussée. Le grand-duc Cosme l’avait achevé en lui adjoignant les jardins Boboli. Une légende tenace disait d’ailleurs que Luca Pitti était enterré dans les fondations et que le palais portait malheur.
[3] Le fonctionnaire chargé de la police.
[4] Quai de l’Arno.
[5]. Paris vaut bien une messe
[6] Santa Maria dei Fiori, la cathédrale de Florence
[7] Le maire, en quelque sorte.
[8] C’est Catherine de Médicis qui avait inventé la selle d’amazone afin de pouvoir montrer ses jambes.
[9] On appelait ainsi le Grand Ecuyer.
[10] Jacques Ier, fils de Marie Stuart, dont Elizabeth Ire fit son successeur à condition qu’il abjure le catholicisme.
[11] En fait c’est au ras du sol, sur le pont de Montereau, qu’il se fit occire. La tour existe toujours.
[12] Quelques années plus tard, en 1628, elle deviendra le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, l’un des deux ancêtres de la Comédie- Française, où l’on jouera Racine pour la première fois.
[13] Marguerite de Valois, première épouse d’Henri IV dont le mariage avait été cassé par le pape, était revenue habiter Paris en 1605.
[14] Et pourtant, devenu duc de Chevreuse il épousait, quelque vingt ans plus tard, celle qui en était l’incarnation. Voir du même auteur Marie des intrigues.
[15] Mort en bas âge.
[16] La municipalité de Paris se composait alors du prévôt des marchands et de quatre échevins. Jusqu’ a la Révolution, la capitale a vécu presque continuellement sous un régime d’exception : sans maire.
[17] Il n’en reste que la bibliothèque de l’Arsenal, l’ensemble étant occupé par une partie de la caserne des Célestins et le boulevard Morland.
[18] Philippe Erlanger, L’Etrange Mort d’Henri IV.
[19] Diane de France, fille légitimée d’Henri II et de Filippa Duco, une belle Piémontaise qu’il avait plus ou moins violée !
[20] Rasé par le prince de Condé dans le but d’agrandir son domaine de Chantilly.
[21] Une serre à l’époque.