Выбрать главу

– Eh! mon Dieu! ayez donc de la patience, dit une cinquième voix. Tout à l'heure vous vous plaindrez, j'en suis sûr, que vous avez trop chaud.

– Dieu t'entende, d'Épernon, fit Maugiron en battant la semelle.

– Ce n'est pas moi qui ai parlé, dit d'Épernon, c'est d'O. Moi, je me tais, de peur que mes paroles ne gèlent.

– Que dis-tu? demanda Quélus à Maugiron.

– D'O disait, reprit Maugiron, que tout à l'heure nous aurions trop chaud, et je lui répondais: Que Dieu t'entende!

– Eh bien, je crois qu'il l'a entendu; car je vois là-bas quelque chose qui vient par la rue Saint-Paul.

– Erreur. Ce ne peut pas être lui.

– Et pourquoi cela?

– Parce qu'il a indiqué un autre itinéraire.

– Comme ce serait chose étonnante, n'est-ce pas, qu'il se fût douté de quelque chose et qu'il en eût changé!

– Vous ne connaissez point Bussy; où il a dit qu'il passerait, il passera, quand même il saurait que le diable est embusqué sur la route pour lui barrer le passage.

– En attendant, répondit Quélus, voilà deux hommes qui viennent.

– Ma foi, oui, répétèrent deux ou trois voix, reconnaissant la vérité de la proposition.

– En ce cas, chargeons, dit Schomberg.

– Un moment, dit d'Épernon; n'allons pas tuer de bons bourgeois, ou d'honnêtes sages-femmes. Tiens! ils s'arrêtent.

En effet, à l'extrémité de la rue Saint-Paul qui donne sur la rue Saint-Antoine, les deux personnes qui attiraient l'attention de nos cinq compagnons s'étaient arrêtées comme indécises.

– Oh! oh! dit Quélus, est-ce qu'ils nous auraient vus?

– Allons donc! à peine si nous nous voyons nous-mêmes.

– Tu as raison, reprit Quélus. Tiens! les voilà qui tournent à gauche… ils s'arrêtent devant une maison… Ils cherchent.

– Ma foi, oui.

– On dirait qu'ils veulent entrer, dit Schomberg. Eh! un instant… Est-ce qu'il nous échapperait?

– Mais ce n'est pas lui, puisqu'il doit aller au faubourg Saint-Antoine, et que ceux-là, après avoir débouché par Saint-Paul, ont descendu la rue, répondit Maugiron.

– Eh! dit Schomberg, qui vous répondra que le fin matois ne vous a pas donné une fausse indication, soit par hasard et négligemment, soit par malice et avec réflexion?

– Au fait, cela se pourrait, dit Quélus.

Cette supposition fit bondir comme une meute affamée toute la troupe des gentilshommes. Ils quittèrent leur retraite et s'élancèrent, l'épée haute, vers les deux hommes arrêtés devant la porte.

Justement l'un de ces deux hommes venait d'introduire une clef dans la serrure, la porte avait cédé et commençait à s'ouvrir, lorsque le bruit des assaillants fit lever la tête aux deux mystérieux promeneurs.

– Qu'est ceci? demanda en se retournant le plus petit des deux à son compagnon. Serait-ce par hasard à nous qu'on en voudrait, d'Aurilly?

– Ah! monseigneur, répliqua celui qui venait d'ouvrir la porte, cela m'en a bien l'air. Vous nommerez-vous ou garderez-vous l'incognito?

– Des hommes armés! un guet-apens!

– Quelque jaloux qui nous guette. Vrai Dieu! je l'avais bien dit, monseigneur, que la dame était trop belle pour n'être point courtisée.

– Entrons vite, d'Aurilly. On soutient mieux un siège en deçà qu'au delà des portes.

– Oui, monseigneur, quand il n'y a pas d'ennemis dans la place. Mais qui vous dit?…

Il n'eut pas le temps d'achever. Les jeunes gentilshommes avaient franchi cet espace, d'une centaine de pas environ, avec la rapidité de l'éclair. Quélus et Maugiron, qui avaient suivi la muraille, se jetèrent entre la porte et ceux qui voulaient entrer, afin de leur couper la retraite, tandis que Schomberg, d'O et d'Épernon s'apprêtaient à les attaquer de face.

– À mort! à mort! cria Quélus, toujours le plus ardent des cinq.

Tout à coup celui que l'on avait appelé monseigneur, et à qui son compagnon avait demandé s'il garderait l'incognito, se retourna vers Quélus, fit un pas, et se croisant les bras avec arrogance:

– Je crois que vous avez dit: À mort! en parlant à un fils de France, monsieur de Quélus, dit-il d'une voix sombre et avec un sinistre regard.

Quélus recula, les yeux hagards, les genoux fléchissants, les mains inertes.

– Monseigneur le duc d'Anjou! s'écria-t-il.

– Monseigneur le duc d'Anjou! répétèrent les autres.

– Eh bien, reprit François d'un air terrible, crions-nous toujours: À mort! à mort! mes gentilshommes?

– Monseigneur, balbutia d'Épernon, c'était une plaisanterie; pardonnez-nous.

– Monseigneur, dit d'O à son tour, nous ne soupçonnions pas que nous pussions rencontrer Votre Altesse au bout de Paris et dans ce quartier perdu.

– Une plaisanterie! répliqua François, sans même faire à d'O l'honneur de lui répondre, vous avez de singulières façons de plaisanter, monsieur d'Épernon. Voyons, puisque ce n'est pas à moi qu'on en voulait, quel est celui que menaçait votre plaisanterie?

– Monseigneur, dit avec respect Schomberg, nous avons vu Saint-Luc quitter l'hôtel Montmorency et venir de ce côté. Cela nous a paru étrange, de sorte que nous avons voulu savoir dans quel but un mari quittait sa femme la première nuit de ses noces.

L'excuse était plausible; car, selon toute probabilité, le duc d'Anjou apprendrait le lendemain que Saint-Luc n'avait point couché à l'hôtel Montmorency, et cette nouvelle coïnciderait avec ce que venait de dire Schomberg.

– M. de Saint-Luc? Vous m'avez pris pour M. de Saint-Luc, messieurs?

– Oui, monseigneur, reprirent en chœur les cinq compagnons.

– Et depuis quand peut-on se tromper ainsi à nous deux? dit le duc d'Anjou; M. de Saint-Luc a la tête de plus que moi.

– C'est vrai, monseigneur, dit Quélus; mais il est juste de la taille de M. d'Aurilly, qui a l'honneur de vous accompagner.

– Ensuite, la nuit est fort sombre, monseigneur, répliqua Maugiron.

– Puis, voyant un homme mettre une clef dans une serrure, nous l'avons pris pour le principal d'entre vous, murmura d'O.

– Enfin, dit Quélus, monseigneur ne peut pas supposer que nous ayons eu à son égard l'ombre d'une mauvaise pensée, pas même celle de troubler ses plaisirs.

Tout en parlant ainsi et tout en écoutant les réponses plus ou moins logiques que l'étonnement et la crainte permettaient de lui faire, François, par une habile manœuvre stratégique, avait quitté le seuil de la porte et suivi pas à pas d'Aurilly, son joueur de luth, compagnon ordinaire de ses courses nocturnes, et se trouvait déjà à une distance assez grande de cette porte, pour que, confondue avec les autres, elle ne pût pas être reconnue.

– Mes plaisirs! dit-il aigrement, et qui peut vous faire croire que je prenne ici mes plaisirs?

– Ah! monseigneur, en tout cas et pour quelque chose que vous soyez venu, répliqua Quélus, pardonnez-nous; nous nous retirons.

– C'est bien. Adieu, messieurs.

– Monseigneur, ajouta d'Épernon, que notre discrétion bien connue de Votre Altesse…