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– Mais qui donc est-elle?

– C'est… c'est la femme d'un gentilhomme de votre connaissance.

– En vérité? mais alors, monsieur, pourquoi dites-vous que le prince l'a aimée?

– Parce que je dis toujours la vérité, monsieur le baron; entrez, et vous en jugerez vous-même en voyant s'accomplir ce que je vous ai promis.

– Prenez garde, je pleurais mon enfant chérie, et vous m'avez dit: «Consolez-vous, monsieur, les miséricordes de Dieu sont grandes;» me promettre une consolation à mes peines, c'était presque me promettre un miracle.

– Entrez, monsieur, répéta Bussy avec ce même sourire qui séduisait toujours le vieux gentilhomme.

Le baron mit pied à terre.

Gertrude était accourue tout étonnée sur le seuil de la porte, et regardait d'un œil effaré le Haudouin, Bussy et le vieillard, ne pouvant deviner par quelle combinaison de la Providence ces trois hommes se trouvaient réunis.

– Allez prévenir madame de Monsoreau, dit le comte, que M. de Bussy est de retour, et désire à l'instant même lui parler. Mais, sur votre âme! ajouta-t-il tout bas, ne lui dites pas un mot de la personne qui m'accompagne.

– Madame de Monsoreau! dit le vieillard avec stupeur, madame de Monsoreau!

– Passez, monsieur le baron, dit Bussy en poussant le seigneur Augustin dans l'allée.

On entendit alors, tandis que le vieillard montait l'escalier d'un pas chancelant, on entendit, disons-nous, la voix de Diane qui répondait avec un tremblement singulier:

– M. de Bussy! dites-vous, Gertrude? M. de Bussy! Eh bien, qu'il entre!

– Cette voix, s'écria le baron en s'arrêtant soudain au milieu de l'escalier, cette voix! oh! mon Dieu! mon Dieu!

– Montez donc, monsieur le baron, dit Bussy.

Mais, au même instant, et comme le baron, tout tremblant, se retenait à la rampe en regardant autour de lui, au haut de l'escalier, en pleine lumière, sous un rayon de soleil doré, resplendit tout à coup Diane, plus belle que jamais, souriante, quoiqu'elle ne s'attendît point à revoir son père.

À cette vue, qu'il prit pour quelque vision magique, le vieillard poussa un cri terrible, et, les bras étendus, l'œil hagard, il offrit une si parfaite image de la terreur et du délire, que Diane, prête à se jeter à son cou, s'arrêta de son côté, épouvantée et stupéfaite.

Le baron, en étendant sa main, trouva à sa portée l'épaule de Bussy et s'y appuya.

– Diane vivante! murmura le baron de Méridor, Diane! ma Diane que l'on m'avait dite morte, ô mon Dieu!

Et ce robuste guerrier, vigoureux acteur des guerres étrangères et des guerres civiles qui l'avaient constamment épargné, ce vieux chêne que le coup de foudre de la mort de Diane avait laissé debout, cet athlète qui avait si puissamment lutté contre la douleur, écrasé, brisé, anéanti par la joie, recula, les genoux fléchissants, et, sans Bussy, fût tombé, précipité du haut de l'escalier à l'aspect de cette image chérie qui tourbillonnait devant ses yeux, divisée en atomes confus.

– Mon Dieu! monsieur de Bussy! s'écria Diane en descendant précipitamment les quelques marches de l'escalier qui la séparaient du vieillard, qu'a donc mon père?

Et la jeune femme, épouvantée de cette pâleur subite et de l'effet étrange produit par une entrevue qu'elle devait croire annoncée, interrogeait plus encore des yeux que de la voix.

– M. le baron de Méridor vous croyait morte, et il vous pleurait, madame, ainsi qu'un père comme lui doit pleurer une fille comme vous.

– Comment! s'écria Diane, et personne ne l'avait détrompé?

– Personne.

– Oh! non, non, personne! s'écria le vieillard, sortant de son anéantissement passager, personne! pas même M. de Bussy!

– Ingrat! dit le gentilhomme avec le ton d'un doux reproche.

– Oh! oui, répondit le vieillard, oui, vous avez raison, car voilà un instant qui me paye de toutes mes douleurs. O ma Diane, ma Diane chérie! continua-t-il en ramenant d'une main la tête de sa fille contre ses lèvres et en tendant l'autre à Bussy.

Puis, tout à coup, redressant la tête comme si un souvenir douloureux ou une crainte nouvelle se fût glissé jusqu'à son cœur malgré l'armure de joie, si l'on peut s'exprimer ainsi, qui venait de l'envelopper:

– Mais que me disiez-vous donc, seigneur de Bussy, que j'allais voir madame de Monsoreau? où est-elle?

– Hélas! mon père, murmura Diane.

Bussy rassembla toutes ses forces.

– Vous l'avez devant vous, dit-il, et le comte de Monsoreau est votre gendre.

– Eh quoi! balbutia le vieillard, M. de Monsoreau, mon gendre! et tout ce monde, toi, Diane, lui-même, tout le monde me l'a laissé ignorer?

– Je tremblais de vous écrire, mon père, de peur que la lettre ne tombât aux mains du prince. D'ailleurs, je croyais que vous saviez tout.

– Mais dans quel but? demanda le vieillard, pourquoi tous ces étranges mystères?

– Oh! oui, mon père, songez-y, s'écria Diane, pourquoi M. de Monsoreau vous a-t-il laissé croire que j'étais morte? pourquoi vous a-t-il laissé ignorer qu'il était mon mari?

Le baron, tremblant comme s'il eût craint de porter sa vue jusqu'au fond de ces ténèbres, interrogeait timidement du regard les yeux étincelants de sa fille et l'intelligente mélancolie de Bussy.

Pendant tout ce temps, on avait pas à pas gagné le salon.

– M. de Monsoreau, mon gendre! balbutiait toujours le baron de Méridor anéanti.

– Cela ne peut vous étonner, répondit Diane avec le ton d'un doux reproche; ne m'avez-vous pas ordonné de l'épouser, mon père?

– Oui, s'il te sauvait.

– Eh bien, il m'a sauvée, dit sourdement Diane en tombant sur un siège placé près de son prie-Dieu. Il m'a sauvée, pas du malheur, mais de la honte du moins.

– Alors, pourquoi m'a-t-il laissé croire à ta mort, moi qui pleurais si amèrement? répéta le vieillard. Pourquoi me laissait-il mourir de désespoir, quand un seul mot, un seul, pouvait me rendre la vie?

– Oh! il y a encore quelque piège là-dessous! s'écria Diane. Mon père, vous ne me quitterez plus; monsieur de Bussy, vous nous protégerez, n'est-ce pas?

– Hélas! madame, dit le jeune homme en s'inclinant, il ne m'appartient plus de pénétrer dans les secrets de votre famille. J'ai dû, voyant les étranges manœuvres de votre mari, vous trouver un défenseur que vous puissiez avouer. Ce défenseur, j'ai été le chercher à Méridor. Vous êtes auprès de votre père, je me retire.

– Il a raison, dit tristement le vieillard: M. de Monsoreau a craint la colère du duc d'Anjou, et M. de Bussy la craint à son tour.