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La chute avait endolori tous ses muscles et chacune des contractions que le processus de délivrance lui imposait la tordait comme sur un grill chauffé au rouge. Son ventre déchiré n'était qu'une douleur aiguë irradiée à l'infini.
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Qu'on la transportât, qu'on la déshabillât, qu'on la nettoyât du sang qui la maculait, qu'on l'installât dans un lit ne changeait rien à sa torture. Elle n'entendait plus, elle ne pensait plus, elle ne raisonnait plus. Elle n'était qu'une masse de souffrance, un animal écartelé. Ce qu'elle endurait était si cruel que le bourreau avec sa hache lui fût peut-être apparu comme l'ange de la délivrance.
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Parfois, à travers les larmes qui brouillaient sa vue, elle percevait une forme noire et blanche qui passait et repassait, s'arrêtait parfois aussi. Elle sentait alors quelque chose de frais qui, sur son visage, remplaçait un instant la brûlure des larmes, ainsi qu'une senteur d'herbe par-dessus l'odeur fade du sang. De temps à autre quand la douleur un moment faisait trêve, elle plongeait dans un sommeil de bête harassée.
Mais la rémission était courte et, après quelques secondes, lui semblait-il, le bon sommeil disparaissait chassé par les crocs du fauve qui rongeait ses entrailles.
Cela dura des heures, des heures d'enfer dont la malheureuse pensait, ne jamais voir la fin. Au fond de son esprit exténué une seule pensée parvenait encore à percer : elle était morte et, à cause de son sacrilège, elle était condamnée aux éternels tourments. N'aperçut-elle pas, surgissant des ténèbres, un démon barbu dont les yeux de feu s'abritaient sous des broussailles noires et qui lui tendait le poing ?...
De toutes ses forces elle voulut le repousser, l'empêcher d'ajouter encore à son supplice mais ses bras furent soudain paralysés tandis qu'une voix grave grondait.
— Il faut en finir. Elle doit boire cela sinon nous n'arriverons jamais à la délivrer et elle risque de trépasser dans l'heure.
Les démons - ils étaient au moins trois à présent, - se rapprochèrent. L'un lui serra les bras, l'autre lui pinça le nez et le troisième très certainement voulut lui enfoncer dans le gosier une poire d'angoisse pour faire cesser ses cris désespérés... Mais il n'y eut pas de bâillon, pas de poire cruelle... rien qu'un liquide doux-amer qui coula jusqu'au fond de sa gorge. Et puis il n'y eut plus rien, rien qu'une énorme vague noire qui l'emporta au fond du néant...
Le paradis chassa l'enfer, la lumière balaya les ténèbres et Catherine revint à la vie dans un rayon de soleil. Tout était blanc autour d'elle : le lit dans lequel elle reposait, le lin qui habillait ses bras, les grands rideaux tirés à travers lesquels filtrait le rayon joyeux qui avait frappé ses yeux. Elle était au cœur d'une coque translucide, au milieu d'un nuage et elle se sentait légère, légère... la lourde nef enlisée dans la vase qu'était hier encore son propre corps avait rompu ses amarres et voguait joyeusement vers la pleine mer...
Il y eut un froissement léger annonçant une présence au-delà des rideaux. Extasiée, Catherine s'attendait à voir paraître un ange... ce fut une petite vieille en robe noire et tablier blanc, les épaules et la tête enveloppées par la faille neigeuse des Béguines qui souleva le rideau et apparut, l'œil bleu et scrutateur. En constatant que la malade avait les yeux grands ouverts, elle eut un sourire ravi découvrant une dentition pleine de lacunes qui n'enlevait rien à la bonté de son visage.
— Sainte Elisabeth soit bénie ! soupira-t-elle. Vous voilà réveillée
! Et comment vous sentez-vous ?
Catherine n'eut aucune peine à lui rendre son sourire.
— Beaucoup mieux, merci. Mais... qu'est-ce que je fais ici ?
— Vous ne savez pas où vous êtes ?
Tournant la tête vers la petite fenêtre, Catherine aperçut une rangée de maisonnettes blanches cernant un grand pré planté d'arbres et de bien plus de fleurs de printemps qu'on n'en trouvait dans une tapisserie d'Arras. Sur l'herbe neuve, jonquilles, narcisses et violettes poussaient un peu au petit bonheur mais avec une grâce irrésistible.
— C'est le Béguinage de la Vigne, n'est-ce pas ? Et vous êtes l'une des dames...
La petite vieille esquissa une révérence.
— Dame Ursule pour vous servir. Vous nous avez fait très peur.
— Mais... comment suis-je venue ici ?
Dame Ursule alla jusqu'à une petite table sur laquelle étaient disposés des pots, un mortier de cuivre et des flacons. Elle prit quelque chose dans un pot, le mit dans le mortier et s'arma du pilon pour écraser la chose.
— C'est notre Grande Dame qui vous a accueillie, c'est à elle de vous le dire. Moi, je n'oserais me le permettre.
En quelques coups de pilon elle avait réduit en poudre le contenu de son mortier, en mit trois pincées dans un gobelet y ajouta un peu du contenu d'un flacon, agita le tout et l'apporta à Catherine.
— Vous êtes sauvée mais à présent il faut reprendre des forces car vous avez perdu beaucoup de sang.
souleva le rideau et apparut, l'œil bleu et scrutateur. En constatant que la malade avait les yeux grands ouverts, elle eut un sourire ravi découvrant une dentition pleine de lacunes qui n'enlevait rien à la bonté de son visage.
— Sainte Elisabeth soit bénie ! soupira-t-elle. Vous voilà réveillée
! Et comment vous sentez-vous ?
Catherine n'eut aucune peine à lui rendre son sourire.
— Beaucoup mieux, merci. Mais... qu'est-ce que je fais ici ?
— Vous ne savez pas où vous êtes ?
Tournant la tête vers la petite fenêtre, Catherine aperçut une rangée de maisonnettes blanches cernant un grand pré planté d'arbres et de bien plus de fleurs de printemps qu'on n'en trouvait dans une tapisserie d'Arras. Sur l'herbe neuve, jonquilles, narcisses et violettes poussaient un peu au petit bonheur mais avec une grâce irrésistible.
— C'est le Béguinage de la Vigne, n'est-ce pas ? Et vous êtes l'une des dames...
La petite vieille esquissa une révérence.
— Dame Ursule pour vous servir. Vous nous avez fait très peur.
— Mais... comment suis-je venue ici ?
Dame Ursule alla jusqu'à une petite table sur laquelle étaient disposés des pots, un mortier de cuivre et des flacons. Elle prit quelque chose dans un pot, le mit dans le mortier et s'arma du pilon pour écraser la chose.
— C'est notre Grande Dame qui vous a accueillie, c'est à elle de vous le dire. Moi, je n'oserais me le permettre.
En quelques coups de pilon elle avait réduit en poudre le contenu de son mortier, en mit trois pincées dans un gobelet y ajouta un peu du contenu d'un flacon, agita le tout et l'apporta à Catherine.
— Vous êtes sauvée mais à présent il faut reprendre des forces car vous avez perdu beaucoup de sang.
qui lui permettait à présent de goûter pleinement ce merveilleux et si paisible retour à la vie. Il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était sentie aussi bien dans sa chair, presque dématérialisée, ni aussi en paix avec elle-même... Et, doucement, elle se rendormit.
Quand dame Béatrice vint la voir, ainsi que l'avait annoncé dame Ursule, elle montra une grande satisfaction en trouvant sa pensionnaire assise dans son lit et occupée à boire un grand bol de bouillon. Coupant court aux remerciements chaleureux qu'elle lui adressait, la Grande Dame sourit.
— Nous n'avons fait que notre devoir en vous accueillant alors que vous étiez en si grand danger de perdre la vie. Malheureusement il n'a pas été possible d'accueillir aussi vos serviteurs puisque notre règle s'y oppose mais soyez sûre que nous avons donné de vos nouvelles aussi souvent que possible.
— Où sont-ils à cette heure ?
— Au couvent des Augustins, naturellement.
Et, en quelques phrases courtes, la Grande Dame raconta ce qu'elle savait de la terrible nuit du 18.
— Nous aurions pu vous mettre à l'hôpital mais le père Cyprien m'a fait comprendre que ce pourrait être dangereux aussi bien pour vous que pour la communauté si l'une des autres malades vous reconnaissait et comme deux de nos maisonnettes sont actuellement vides nous vous avons installée dans l'une d'elles. J'espère que vous vous y trouverez bien tout le temps que vous devrez passer ici pour la période de votre convalescence et après...